HomeA la uneVERS LA MISE EN PLACE D’UNE COALITION ANTI-OUATTARA : ADO aura-t-il enfin en face quelqu’un qui n’est pas « maïs* » ?

VERS LA MISE EN PLACE D’UNE COALITION ANTI-OUATTARA : ADO aura-t-il enfin en face quelqu’un qui n’est pas « maïs* » ?


Le paysage politique ivoirien ne cesse de se redessiner au gré de l’évolution de la situation sociopolitique, avec des mariages, des démariages, des remariages et des alliances de toutes sortes, quelquefois des plus inimaginables. Et cela n’est pas nouveau en Côte d’Ivoire. La dernière trouvaille en date est cette coalition anti-Ouattara en gestation, un regroupement hétéroclite de militants de partis divers qui n’ont rien d’autre en commun que leur opposition viscérale au natif de Kong. Ainsi, dans ce front anti-Ouattara, se trouvent des militants du PDCI dont les quatre mousquetaires (Charles Konan Banny, Essy Amara, Kouadio Konan Bertin et Jérôme Brou Kablan) qui s’opposent à l’appel de Daoukro du président Bédié à soutenir la candidature d’ADO, des transfuges du FPI qui ont maille à partir avec leur président Affi N’Guessan soupçonné de rouler pour ADO, et des militants d’autres partis comme le LIDER de Mamadou Koulibaly, un autre dissident de longue date du FPI. Il est clair que les déchirements que connaissent en ce moment les deux principaux partis que sont le PDCI et le FPI, ont, en partie, favorisé ce rapprochement entre frustrés de ces partis qui ont fait dans la dissidence pour mener leur combat, mais qui restent conscients de la nécessité de fédérer leurs énergies pour se donner des chances de réussite dans leur combat.
Ainsi donc, petit à petit, l’on semble s’acheminer vers une bipolarisation de la scène politique ivoirienne entre d’un côté les « pro-Ouattara » et de l’autre, les « anti-Ouattara ».
Du point de vue du jeu démocratique, cela peut être salutaire pour la démocratie ivoirienne qui fait, une fois de plus, la preuve de son dynamisme. Mais ce qu’il faut craindre, ce sont les éventuels dérapages qui pourraient faire ressurgir les démons du passé, notamment la délicate et sensible question de l’ivoirité qui a fait tant de mal à la Côte d’Ivoire. Car, il faut se le dire, cette coalition n’est pas un mariage d’amour, mais plutôt un mariage de raison et d’intérêts. De surcroît, elle ne repose pas sur des fondements idéologiques, mais semble plutôt avoir pour seul leitmotiv de faire échec à ADO par tous les moyens.

Les frondeurs réussiront-ils à s’entendre autour d’une candidature unique pour affronter ADO ?

C’est pourquoi il faut craindre que s’il n’y a pas un code moral pour encadrer la campagne, l’on assiste à des dérapages regrettables qui pourraient faire basculer le pays à nouveau dans la violence. D’autant plus que certaines rancœurs restent tenaces, surtout avec tous ces procès de pro-Gbagbo en cours, dont les verdicts peuvent faire encore des mécontents. Sans oublier le débat sur la question de l’article 35 relatif à l’éligibilité d’ADO, que l’on évite pour le moment d’aborder mais qui risque fort de refaire surface dans les semaines à venir. Car, en politique, tous les coups sont malheureusement souvent permis, même ceux en dessous de la ceinture, pour parvenir à ses fins. Du reste, comme le dit un adage africain, « quand un serpent te mord, frappe-le avec le premier bâton qui te tombe sous la main ». C’est dire si dans cette lutte sans merci, les uns et les autres pourraient user de tous les moyens pour parvenir à leurs fins, s’il n’y a pas de garde-fous.
Cependant, si l’éthique et la morale prévalent et que le débat se fait dans un cadre dénué de toute animosité, l’on peut espérer assister à une partie enlevée lors de la présidentielle à venir. Et ce serait tant mieux pour la démocratie. Car, ADO pourrait avoir affaire à forte partie si les dissidents arrivent à s’entendre sur une bonne stratégie de combat.
Toutefois, le combat est loin d’être gagné d’avance car, une chose est de s’unir, une autre est de parvenir à s’accorder sur l’essentiel. Or, sur ce point, les opposants africains ont souvent péché par égoïsme ou égocentrisme, chacun pensant être le mieux indiqué pour être la figure de proue, une fois la coalition créée. Ce faisant, l’on ne peut s’empêcher de se demander si les frondeurs réussiront à s’entendre autour d’une candidature unique pour affronter ADO, ou s’ils choisiront d’aller en rangs dispersés, dans l’optique de faire des reports de voix lors d’un éventuel second tour. Cette question est d’autant plus importante qu’elle pourrait être déterminante pour l’issue du combat. En effet, dans le cas où ils présenteraient une seule candidature, ils mettraient certes tous leurs œufs dans un même panier, mais seraient en mesure d’inquiéter sérieusement ADO, même s’il paraît difficile de le battre sur son bilan. Dans le second cas de figure, en présentant des candidatures multiples, ils vont inéluctablement disperser leurs voix, et s’il n’y en a pas un qui se détache du lot pour mettre le président sortant en ballotage, ils risquent de se faire battre dès le premier tour par ADO. C’est pourquoi il importe pour eux de se déterminer à temps pour mieux peaufiner leur stratégie. Autrement, tout cela risque de n’être qu’une tempête dans un verre d’eau, face à la grosse machine du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) qui se présente jusque-là comme un irrésistible rouleau compresseur. Si fait que l’on se demande si ADO, qui semble peiner à se trouver un adversaire de taille dans la course à la présidentielle d’octobre prochain, aura enfin, en face de lui, quelqu’un qui n’est pas « maïs* ».

Outélé KEITA

*Etre maïs : expression qui signifie en Côte d’Ivoire « ne pas peser lourd, ne pas faire le poids ».


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