HomeA la uneVERS LA MISE EN PLACE D’UNE COUR AFRICAINE :Quand l’UA livre les peuples aux dictateurs

VERS LA MISE EN PLACE D’UNE COUR AFRICAINE :Quand l’UA livre les peuples aux dictateurs


Les chefs d’Etat et de gouvernement en exercice dans les pays membres de l’Union africaine (UA) cherchent à se protéger. En effet, le projet de la Cour africaine de justice et des droits de l’Homme que le sommet de Malabo (Guinée équatoriale) a entrepris de réaliser la semaine dernière, leur confère, en son article 46 bis, l’immunité durant la totalité de leur mandat. Cela, y compris pour des chefs d’inculpations de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

La décision de ce sommet a ceci de suspect que certaines informations avaient été bien dissimulées. En effet, au-delà des chefs d’Etat et de gouvernement en exercice, cette immunité s’étendra à tout autre haut représentant de l’Etat en fonction.

 

Cette Cour viendra matérialiser le complot des dirigeants contre leur propre peuple

 

En d’autres termes, à Malabo, la rencontre au sommet visait surtout à protéger les têtes couronnées. Cela contribue à enfoncer le continent, puisqu’inévitablement, on en retardera le développement. Voilà sans doute pourquoi les participants au sommet s’étaient montrés très discrets à propos du fameux article.

Même si elle n’est pas encore opérationnelle, il y a de quoi s’inquiéter car la création d’une Cour africaine de justice et des droits de l’Homme cherche visiblement à absoudre ceux-là mêmes qui figurent parmi les fossoyeurs de la démocratie, et les prédateurs de nos économies. Une telle Cour, reposant sur des lois scélérates, ne peut que protéger des chefs d’Etat délinquants. Son utilité n’est pas évidente puisque, déjà, les gouvernants n’ont aucun respect pour les textes de lois qui existent dans chacun des pays membres. Par conséquent, il s’agit là d’un encouragement aux pouvoirs à vie, une prime aux dictatures. Désormais, dans chaque pays, les régnants seront encouragés à tripatouiller impunément les Constitutions. Il faut s’attendre à voir des pays disposer dorénavant d’une gouvernance absolument vicieuse, tendant à officialiser la dictature. L’UA actuelle est celle des chefs d’Etat et non des peuples. Cette Cour en perspective viendra ainsi matérialiser le complot des dirigeants contre leur propre peuple. Surtout qu’on envisage de combattre la CPI en même temps.

Rien ne transparaît pour l’instant des statuts de la future Cour africaine de justice et des droits de l’Homme, s’agissant des relations avec la Cour pénale internationale (CPI). La CPI elle-même a choisi de ne pas commenter les prises de décisions de l’UA. Les textes étant en cours de rédaction, nul ne sait encore si des dispositions seront prises afin de permettre à des satrapes africains d’échapper à la CPI. La CPI qui siège à la Haye (Pays-Bas), a beaucoup été vilipendée ces dernières années par les chefs d’Etat africains. Entre autres griefs, ils reprochent à l’organisation de n’avoir jusqu’ici inculpé que des Africains. Du reste, la CPI a maintenu les procédures visant le président kényan, Uhurru Kenyatta, et son vice-président, William Ruto, malgré leur élection à la tête du Kenya. Cela a probablement été à l’origine de la décision des dirigeants de l’UA.

Toutefois, la volonté de l’UA d’accélérer le chantier d’une Cour de justice aux compétences élargies à l’échelle du continent, n’est pas du goût de tous. Les organisations de défense des droits de l’Homme accusent ainsi les dirigeants africains d’organiser leur propre impunité. Pour ces dernières, il s’agit incontestablement d’un grand recul.

 

Aux opinions nationales de se mobiliser pour barrer la route à un projet aussi funeste

 

Quelle parodie de gouvernance ! Ne pas juger un chef d’Etat en exercice ou un haut responsable pour les délits évoqués précédemment est scandaleux. Les chefs d’Etat membres de l’UA voudraient ainsi donc une Cour taillée à leur mesure. Cela leur permettra, à l’occasion, de neutraliser les opposants à l’intérieur. Qu’ils doivent être nombreux ces chefs d’Etat qui n’aiment pas vraiment leur peuple, contrairement aux pères fondateurs. Ils préfèrent de loin leur famille et leur clan. Sinon, comment comprendre une telle décision ? Désormais, avec la bénédiction de l’UA, un chef d’Etat africain pourrait tirer sur son peuple s’il ose s’insurger, se soulever contre la mal gouvernance. Triste et honteux !

Qui condamner, sinon ces élites, ces thuriféraires et autres conseillers occultes qui inspirent de telles lois liberticides aux dirigeants des républiques bananières ! En les aidant à perpétuer leur règne, en magnifiant la mégalomanie, ils espèrent ainsi pouvoir continuer « à manger » paisiblement à l’ombre du parasol présidentiel. Quid de la présidente de la Commission de l’UA ? Est-ce en parrainant de tels projets qu’elle convaincra de son leadership et se positionnera pour représenter le continent aux Nations unies ? Finira-t-on alors par donner raison à ceux qui plaident pour la dissolution de l’UA ? Ils n’ont pas si tort de l’assimiler à un syndicat de chefs d’Etat où seul importe l’intérêt des membres, rejoignant ainsi ceux qui, à une certaine époque, traitaient l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), à laquelle a succédé l’UA, de « machin ».

Le sommet de Malabo aura donc consacré un vrai recul du continent. Pourquoi avoir poussé le ridicule à ce point ? Aux opinions nationales de se mobiliser pour barrer la route à un projet aussi funeste. Ce d’autant que les statuts de la future Cour africaine de justice et des droits de l’Homme devront d’abord être finalisés et ratifiés dans leur globalité par au moins quinze Etats membres de l’UA. En particulier, les sociétés civiles sont interpellées, de même que les structures de défense des droits humains et la communauté internationale. Les peuples des pays occidentaux devront aussi se solidariser davantage avec les peuples africains en lutte pour que jamais, de telles initiatives ne se concrétisent. Se résigner et laisser faire finiront certainement par nous faire désespérer d’une Afrique qu’on aura livrée aux dictateurs sans scrupules.

 

Le Pays

 


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