HomeA la uneNAON BABOU, EX-MEMBRE DE LA GARDE PRESIDENTIELLE : « C’est l’utilisation du RSP par Gilbert Diendéré qui était mauvaise et non le corps lui-même »

NAON BABOU, EX-MEMBRE DE LA GARDE PRESIDENTIELLE : « C’est l’utilisation du RSP par Gilbert Diendéré qui était mauvaise et non le corps lui-même »


Sergent Naon Babou. Le nom vous dit certainement quelque chose. En 2003, il a été accusé et jugé avec d’autres camarades dont le plus emblématique n’est autre que le capitaine Luther Diapagri Ouali, pour tentative de coup d’Etat contre le pouvoir de Blaise Compaoré. Incarcéré pour six ans ferme, Naon, ex-élément du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) désormais dissous, a entièrement purgé sa peine. Comme il le dit, « pas une seconde n’a été enlevée » sur ces six années. Comme on peut l’imaginer, cet ex-sergent, de par son histoire et les épreuves de la vie, est un monument. A la faveur du coup d’Etat perpétré par le général Gilbert Diendéré, son ex-patron avec qui il a travaillé plus de 10 ans durant et de la dissolution du RSP, nous avons abordé avec lui de nombreuses questions.

 

Le Pays : Comment analysez-vous le coup d’Etat conduit par Diendéré ?

Naon Babou : Je le regrette. Pourquoi ? Parce qu’en 2003, nous avons voulu faire un coup d’Etat mais il n’a pas marché. Et le même général a suivi très bien, de bout en bout, ce qui s’est passé. Il y a mis son veto pour que nous soyons corrigés à la hauteur de notre faute. Si aujourd’hui, plus de 10 ans après, lui-même général qui nous a fait condamner pour un coup d’Etat, vient faire un coup d’Etat, c’est très regrettable. (Rires). De toute façon, en son temps, nous n’avions pas le matériel ; mais lui au moins, il en a eu. Il a mis son coup d’Etat à exécution, il y a eu des morts et voilà,…Comme tout le monde, je le regrette. Je pense qu’il n’a pas été à la hauteur de sa personne.

Selon vous, qu’est-ce qui a poussé ce général à faire un tel coup d’Etat ?

Ce qui l’y a poussé, c’est l’orgueil de l’homme. Le général voyait beaucoup de choses venir. Il était coincé à un moment donné où il fallait forcément chercher ou se tracer un passage. Sinon, vous pensez que tous les 27 ans qu’il a passés avec Blaise Compaoré, c’est parce qu’il était fidèle ? Non, pas du tout. Le général savait au même moment qu’il n’était pas un homme populaire. Un jour, je l’ai dit à quelqu’un : le général, il maîtrisait tout mais dans le même temps, il ne maîtrisait rien parce que d’abord, au sein même du régiment qu’il gérait, il y avait trop de problèmes. Malheureusement, du dehors, les gens ignoraient beaucoup de choses.

« Le général et le président travaillaient à diviser les gens au sein même du régiment »

Quels problèmes par exemple ?

(Hésitations, ouf…) Si on est assis ici pour une interview, c’est parce qu’on est tombé d’accord sur quelque chose pour faire le travail. Si à un moment donné, on pense que c’est le moment de nous diviser, lorsque cette division va commencer à s’installer, vous allez voir que ce sera compliqué. Et justement, le général et le président travaillaient à diviser les gens au sein même du régiment et forcément, le RSP qu’on avait il y a 20 ans et le RSP d’aujourd’hui, ce sont deux choses différentes.

En quoi peut-on noter des différences ?

Les éléments du RSP étaient des hommes très bien entraînés en son temps ; nous avons eu cette chance de passer-là. Mais quand vous regardez, tous ces hommes qui ont été très bien entraînés, à un moment donné, ont eu, d’une façon ou d’une autre, des problèmes. Le général est le seul officier qui est venu dans le corps. Il était derrière Sankara et Blaise (CNEC), il était sous-lieutenant et il est resté dans ce corps pour avoir les grades de lieutenant, capitaine, commandant, lieutenant-colonel, colonel-major et général. Tout ça, en étant dans le même corps. Si vous fouillez dans l’histoire de notre armée, vous n’allez pas avoir un cas pareil. Donc, tout ce temps qu’il a passé, vous pouvez le vérifier également, il y a eu plus de 15 ou même 20 officiers qui sont venus et qui sont repartis du fait de la manipulation du général. Il y avait des officiers très compétents à la hauteur de la tâche, mais on les a noyés. Je peux vous affirmer et même confirmer que ce qui est arrivé au régiment est du fait du général. Il y a eu des officiers qui sont passés dans ce régiment et si c’étaient eux qui étaient aux devants de ce régiment, le nom du RSP n’allait pas être terni de cette façon. Tous les anciens sont partis, en dehors du colonel-major Boureima Kiéré et peut-être du médecin colonel Mamadou Bamba. Les autres, ce sont des jeunes.

Où sont passés les anciens du RSP ?

Bein, ils sont tous partis. A commencer par Ouédraogo Thibaut, colonel jusqu’à la retraite, qui était un officier sincère et qui avait les capacités de gérer le RSP. Pour l’histoire, dans les années 1989, par coup de chance, il s’en est tiré. Sinon, il n’aurait pas pu s’échapper. Il y a eu Ouédraogo Oussséni. Ce sont tous des anciens du CNEC que je cite. Après eux, d’autres ont suivi mais sont tous partis.

D’où Gilbert Diendéré puisait-il cette force pour « éliminer » ceux qui pouvaient lui faire ombrage ?

Il a une force parce que d’abord, il avait une idée claire de ce qu’il voulait. Quand il a commencé dans le milieu, il maîtrisait plein de choses. En plus, c’est un monsieur qui, comme le président Blaise Compaoré, a une qualité : le « silence ». Et derrière ce silence, se cachaient beaucoup de choses et il ne ratait jamais sa cible. Pas du tout. (Rires).

Pour revenir à Blaise Compaoré, pensez-vous qu’il était au courant de ce coup d’Etat ?

On n’a pas besoin de le dire ; vous n’avez pas besoin de me poser cette question. Il devait être au courant. C’est clair. Il a beau nier, de toute façon, c’est leurs habitudes et c’est ce qui est regrettable pour des chefs militaires. Ils font des choses aujourd’hui et demain ils ne sont pas au courant,… ; c’est vraiment regrettable. Je pense aussi qu’un Homme, c’est celui qui est prêt à s’assumer. De toute façon, nous allons tous partir de cette terre ; ce qui va rester, c’est ce qu’on a écrit.

Quel intérêt aurait Blaise Compaoré à soutenir le putsch de Diendéré ?

Beaucoup d’intérêts. Ce n’est pas sûr que même si vous étiez à la place de Blaise, vous accepteriez la façon dont il est parti. Il n’a jamais digéré cela et jusqu’à sa mort, je ne crois pas qu’il va pouvoir le digérer.

Blaise Compaoré est-il rancunier ?

Oui, bien sûr ; les deux d’ailleurs. Je ne sais pas comment Dieu a fait les choses pour que les deux se retrouvent. On ne sait pas si c’est Blaise Compaoré qui est plus rancunier que Gilbert Diendéré ou si c’est le contraire. Mais en tout cas, ils le sont tous les deux.

Après ce coup d’Etat et la dissolution du RSP, quel pourrait être le prochain danger pour le Burkina ?

Ecoutez, qu’il y ait danger ou pas, ce qui pouvait être un danger pour tout le pays, nous y avons fait face. Dans tous les cas, dans la vie de tout homme, il faut s’attendre à tout. Si cela arrive, on y fait face, si cela n’arrive pas, on continue la vie normalement.

« Je me demande si Diendéré mérite le grade de général »

Le général avait estimé que la dissolution du RSP pourrait engendrer des problèmes à l’avenir pour le pays. Comment comprenez-vous ces propos ?

Le général disait ce qu’il voulait. En 1987, il y avait le BIA, dirigé par Kaboré Boukari, commandant. C’était également un corps très bien entraîné, mais le BIA a été dissous. Ses hommes n’ont pas été chassés de l’armée, ils ont été répartis dans les différentes unités. Donc, si aujourd’hui le RSP a été dissous, je n’y vois pas de problème. Il y avait aussi le TIR. Tous ces corps ont été dissous et leurs hommes ventilés partout. Est-ce qu’on a connu un danger ? Je ne pense pas.

Vous qui connaissez le RSP pour en avoir été un des éléments, quels rapports ce régiment entretenait-il avec le reste de l’armée ?

Franchement dit, c’est regrettable. Pour qu’il y ait ces hommes, c’est à partir de la formation commune de base qu’on prélevait ceux qui étaient un peu au-dessus du lot et qui avaient des qualités, pour aller les former au profit de ce corps. Mais, c’est le Général Diendéré et Blaise Compaoré qui ont tout mis en œuvre pour que ce corps soit un corps qui les protège et non qui protège la nation et le reste de l’armée. Sinon, comment pouvez-vous comprendre qu’on puisse désarmer une bonne partie de l’armée au profit de ces gens ? Le RSP, en tant que tel, n’était pas un mauvais corps, mais c’est son utilisation qui a posé problème. Si c’était quelqu’un d’autre qui avait géré ce corps, ce n’est pas sûr que ce qui est arrivé, on allait le vivre. Il y avait des officiers très compétents, sincères, courageux et honnêtes qui pouvaient mieux gérer ce corps. Seulement, c’est le même général qui a tout mis en œuvre pour arriver à cette fin. D’ailleurs, je ne sais pas quelles sont les dispositions qui seront prises, mais je me demande si Diendéré mérite le grade de Général. Je ne le pense pas. Et s’il faut le « casser », je ne suis pas juriste, ni chef militaire, mais vous savez à quoi il faut le reléguer ? A un soldat de deuxième classe. Si vous saviez les torts que ce général a faits à ce pays, je ne pense pas qu’on puisse le laisser comme ça. Et, il n’a même pas droit à la première classe car on suppose que quelqu’un qui est dans l’armée et qui a eu première classe, c’est quelqu’un qui a travaillé, qui est compétent et discipliné, puisque c’est une récompense. Mais ce général ne mérite pas cette récompense parce qu’il a été indiscipliné durant toute sa carrière. J’ajoute qu’il faut « casser » ce général. Je ne suis pas le seul à le penser, vous pouvez faire un sondage. On vous dira qu’en réalité, celui qui méritait ce grade-là, c’est bien le capitaine Thomas Sankara. Il a été un homme intègre, très honnête, très courageux. Le Général n’avait pas ces qualités. Vous savez pourquoi ?

C’est à vous de nous le dire!

C’est lui qui monte les coups, c’est lui qui les déjoue. J’avais dit que son dernier coup serait contre lui. Il avait dit que si l’armée l’attaquait, il allait se défendre. Est-ce que le Général s’est défendu ? Il ne l’a pas fait, préférant prendre la fuite. C’est dire qu’il faut doublement le casser.

En 2004, vous aviez accusé Diendéré d’être le responsable de tout ce qui se tramait dans l’armée. Maintenez-vous vos accusations ?

Pourquoi ne vais-je pas les maintenir ? Regardez, le Général fut mon chef ; j’ai travaillé plus de 10 ans avec lui ; je n’ai rien contre lui. Je ne faisais que dire la réalité des choses. C’est vrai qu’en son temps, je n’ai pas été compris mais ce n’est pas grave. L’histoire nous a donné raison, c’est l’essentiel.

Entre Blaise et Diendéré, qui était le vrai chef du RSP ?

Vous savez, à un moment donné, dès lors que le président Blaise Compaoré occupait d’autres fonctions et que naturellement, le général était à la tête de ce corps, c’était lui le chef. Il n’avait rien à dire. De toute façon, le président n’était plus sur le terrain et ne maîtrisait pas les hommes. Tout le contraire du général. Je pense qu’il était devenu le chef le plus influent et le plus puissant à telle enseigne que le président, à un moment donné, était obligé de composer avec lui.

 

« C’est la survie du général Diendéré qu’il fallait assurer, et on sait comment cela s’est terminé »

 

Le président craignait-il le monstre qu’il a créé ?

Cela arrive partout. Ils se sont utilisés. En 1995 ou 1996, il a voulu toucher au général Diendéré. Ce dernier a été affecté à la Société nationale burkinabè d’hydrocarbures (SONABHY), mais il n’a pas rejoint son lieu d’affectation. Y a-t-il eu quelque chose ? Non ! Il n’est pas parti et rien ne s’est passé. Cela signifie que le président le craignait et il ne pouvait pas le pousser à partir. Le général Diendéré maîtrisait le terrain et la troupe mieux que le président Blaise Compaoré qui l’avait quitté depuis bien longtemps pour d’autres fonctions. Il était donc obligé de composer avec le général Diendéré et celui-ci en avait également conscience.

Pensez-vous que le désarmement et la dissolution du RSP sont la meilleure chose pour l’armée et le Burkina ?

Oui ! A l’allure où les choses allaient, il le fallait forcément. Les éléments du RSP n’ont pas été chassés de l’armée ; ils ont juste été réaffectés. C’est encore mieux que de garder le corps et d’aboutir à une situation ingérable. Je l’ai toujours dit, dans tous les pays du monde, il y a toujours eu des corps d’élite. C’est l’utilisation du RSP par le général Diendéré qui était mauvaise et non le corps lui-même. Pourquoi les détachements militaires de Dédougou, Bobo, Fada ou Kaya ne sont-ils pas tombés dans les mêmes travers que le RSP? C’est parce que le RSP accomplissait la volonté du général Diendéré au détriment de la protection de la nation. C’est la survie du général Diendéré qu’il fallait assurer, et on sait comment cela s’est terminé. Nous remercions Dieu qui a eu sa main dans la résolution de cette crise. Pareille situation, avec le résultat de zéro mort qui a été donné, ce n’était pas évident.

Dans ce récent coup d’Etat, le général Diendéré a-t-il exploité les jeunes éléments du RSP ?

Il a toujours exploité les gens. Dans ce coup d’Etat, ceux qu’il a exploités sont « ses enfants ». Dans le lot de ses « hommes », ceux qui le connaissaient réellement, étaient peu nombreux. Il travaillait à ce que ce soit toujours ainsi afin qu’il puisse exploiter les gens.

Pensez-vous qu’avec son arrestation, des dossiers tels ceux de Thomas Sankara et de Norbert Zongo vont connaître des avancées significatives ?

C’est sûr que ces dossiers vont évoluer. Gilbert Diendéré a lui-même dit qu’il se mettra à la disposition de la Justice. Ces dossiers vont évoluer car il n’a plus le choix.

Des officiers du RSP tels Boureima Kiéré, Azize Korhogo et Abdoulaye Dao ont également été arrêtés…

Je n’ai pas connu ces derniers car ils sont venus après moi. Si la Justice trouve qu’elle a quelque chose à leur reprocher dans le putsch manqué, ils répondront des faits à eux reprochés.

On a vu les forces armées contraindre l’ex-RSP à la reddition. Comment avez-vous vécu ces évènements ?

C’est regrettable. Et cela est l’œuvre du général Diendéré. C’est lui qui est à l’origine de tout. Je pense même que la chose a tardé à venir. Maintenant, les chefs militaires doivent réellement travailler à la réunification de l’armée. Ce qui est dommage, c’est que nombreux sont les chefs militaires qui ont été « mouillés » par le général Diendéré.

Pourquoi, pour le désarmement du RSP, les jeunes officiers ont-ils décidé de prendre leurs responsabilités tandis que les chefs militaires les plus gradés sont restés atones ?

Raison de plus pour que l’armée prenne en toute sincérité ses responsabilités. Il ne revenait pas aux jeunes officiers de contraindre l’ex-RSP à désarmer. S’ils l’ont fait, c’est qu’il y a un problème. Et c’est de cela que je parle.

Pensez-vous que beaucoup d’officiers supérieurs sont redevables au général Diendéré ?

Oui. Il y avait un choix à faire entre l’intérêt de Diendéré et celui de la nation. S’ils n’ont pas voulu choisir, c’est qu’il y a une raison. Habituellement, c’est le général Diendéré qui faisait et défaisait les coups. Pour cette fois-ci, beaucoup pensaient qu’il allait réussir. Mais comme l’a dit le capitaine Thomas Sankara, ils ont joué comme dans un casino et ils ont perdu. Ils doivent donc assumer leurs responsabilités.

« Pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, je pense que le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara (ADO), a fait un mauvais calcul »

Pour ce coup d’Etat, des ramifications étrangères sont évoquées : Côte d’Ivoire, France… Qu’en pensez-vous ?

Pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, je pense que le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara (ADO), a fait un mauvais calcul. Ce qui existe entre la Côte d’Ivoire et le Burkina dépasse de loin les liens qui unissent ADO à Blaise Compaoré. Je regrette qu’il ait choisi de supporter un individu au détriment d’une nation. Mais les politiciens étant ce qu’ils sont…

« François Compaoré, qui n’était pas militaire, utilisait le RSP à sa guise. »

Le RSP est connu à travers des dossiers sales. Que savez-vous de cette page noire du corps ?

Ça fait mal ! Lorsque vous revenez un peu en arrière, François Compaoré, qui n’était pas militaire, utilisait le RSP à sa guise. Je ne pense pas que ce soit juste. Même les généraux ne bénéficiaient pas de la garde que François Compaoré avait au sein de l’armée. En dehors du général Diendéré. François Compaoré était mieux protégé que tous les chefs militaires. A un moment donné de la vie de chaque homme, il faut opérer un choix. Blaise Compaoré, lui, avait choisi de ne pas faire face à la réalité. Sinon, depuis l’affaire David Ouédraogo, il fallait purement et simplement écarter François Compaoré des affaires de la présidence. Nous n’aurions pas vécu ce que nous vivons aujourd’hui. Malheureusement, il n’a écouté personne. Si je ne m’abuse, certains ont pris le risque de demander au président Blaise Compaoré d’arrêter son frère. Vous connaissez tous sa réponse. A ce niveau, le président Blaise Compaoré a beaucoup manqué de courage. Parlant du reste de l’armée, qu’est-ce qu’elle pouvait bien dire ? Dès lors que beaucoup sont redevables au président Blaise Compaoré et au général Gilbert Diendéré. Avec le temps, beaucoup de choses seront remises sur la table et revues. Pour la bonne marche des choses, on n’a pas le choix.

Vous dites en somme que les missions du RSP ont été dévoyées ?

Oui, bien sûr. Supposons que le vol qu’on reprochait à David Ouédraogo fût fondé. Pensez-vous que c’est au RSP qu’il fallait confier David Ouédraogo ? Pas du tout ! Et François Compaoré, en tant qu’intellectuel, le savait très bien. Si David Ouédraogo avait volé, il revenait à la police ou à la gendarmerie de mener l’enquête et non au RSP. Cela veut dire ce que ça veut dire, et on connaît tous la suite.

C’était des missions particulières affectées au RSP ?

Bien sûr, cela n’avait rien à voir avec les missions régaliennes du RSP. Je l’ai toujours dit, dans le cas précis du journaliste Norbert Zongo, tôt ou tard, la vérité fera surface. Et tant que je serai vivant, si je peux contribuer à l’éclatement de la vérité dans cette affaire, je n’hésiterai pas. Je l’ai toujours dit, on n’a pas forcé François Compaoré à le faire. Ce n’était pas le rôle de l’armée, ce n’était pas une affaire militaire.

Vous soutenez que c’est le RSP qui a assassiné Norbert Zongo ?

On n’a pas besoin de tourner autour du pot. Sur cette histoire, je suis toujours resté sur ma position. C’est pour cette raison que lors des échanges que j’ai eus avec François Compaoré, je lui ai dit qu’il n’avait rendu service ni à son grand frère, ni à lui-même dans cette affaire. Si cet assassinat était l’œuvre d’un autre corps, dans la même semaine, on l’aurait su. Si les gens ont passé le temps à pâtiner sans jamais avancer dans cette histoire, il y a une bonne raison à cela. Mais qu’on le veuille ou pas, le dossier, comme je l’ai dit au juge, va aboutir.

Pensez-vous que le général Diendéré doit être jugé ?

Pourquoi ne devrait-il pas l’être. C’est important qu’il le soit. S’il est courageux, il devrait même avouer les choses sans y être contraint. Il a commis des erreurs, il doit s’assumer. Comme on a l’habitude de le dire, une faute avouée est à moitié pardonnée. Si le général Diendéré est sincère, le peuple burkinabè n’est pas aussi méchant.

Pensez-vous que Blaise et François Compaoré doivent être également jugés ?

Je ne suis pas juge. Mais ce qui est sûr, par rapport à ce que nous avons vécu, il n’y a rien à dire là-dessus. Ils doivent l’être. Il y a eu beaucoup de choses qui se sont passées. Lorsqu’on me jugeait, même une munition n’a pas été présentée. On a quand même été jugé. Pourquoi des gens qui ont tiré sur les gens, qui ont occasionné des morts, ne répondraient-ils pas de leurs actes devant la Justice ? C’est vrai que pendant mon jugement, un juge corrompu a demandé au général Diendéré de ne pas répondre à mes questions. Je me demande si aujourd’hui, il aura le courage de lui conseiller de ne pas répondre aux questions.

Avez-vous des nouvelles de vos compagnons d’infortune ?

Oui. Quand je suis revenu au pays, la femme de Bayoulou, une dame très honnête et sincère, qui n’a pas apprécié le comportement de son mari envers moi, est décédée. J’ai tenu à aller le saluer parce que ça m’a vraiment touché. C’est à cette occasion que je l’ai vu. Par la suite, il est passé par le regretté Norbert Tiendrébéogo pour me contacter. Mais dès lors qu’il a été en mesure de me faire ce qu’il ne devait pas, je pense que rien ne nous lie dorénavant, nos vies ne sont pas liées. Si occasionnellement, on se croise, on se dit bonjour et chacun continue sa route. Bassolé, lui, je ne l’ai pas encore revu. Ouali, j’avoue que cela fait mal. Quand il s’est évadé de la prison, il a été arrêté au Bénin. En son temps, le ministre de la Sécurité béninois est venu dire aux autorités burkinabè qui voulaient qu’il soit extradé vers le Burkina, qu’il n’allait jamais permettre que Ouali menace la sécurité du Burkina depuis le Bénin. De là, il s’est échappé. Moi, j’étais toujours en prison. On s’est contacté à ma sortie et il m’a rejoint au Ghana. On est resté ensemble environ 4 mois, puis il a bougé vers le Niger. Après cela, quand on s’est recontacté, il était au Mali. Depuis, je n’ai plus eu de ses nouvelles. De toute façon, je lui dis d’être très prudent, car l’ancien régime a des accointances avec certains éléments au Mali. Mais j’avoue que je n’ai toujours pas de nouvelles de lui et son silence m’inquiète. Mais si quelque chose devait lui arriver, deux personnes en seraient responsables. Le président Blaise Compaoré et le général Diendéré. S’il est vivant et s’il est quelque part, qu’on le fasse sortir parce qu’on a besoin de lui.

Un mot pour clore l’entretien ?

Nous avons perdu des jeunes parmi lesquels on pouvait avoir de bons militaires, de bons fonctionnaires, etc. Et cela est regrettable. Tous les jours, nous devons nous incliner face à ces martyrs. Des gens qui luttaient au jour le jour pour leur survie et qui, un matin, ont été abattus par des balles sciemment dirigées contre eux, cela fait extrêmement mal. Nous souhaitons que ces gens reposent en paix et que le Seigneur nous protège.

Entretien réalisé par Thiérry SOU

BON A SAVOIR

L’affaire de tentative de coup d’Etat de 2003

Cette affaire de coup d’Etat a éclaté le 7 octobre 2003. C’est ce jour que le procureur général de la cour d’appel de Ouagadougou, Abdoulaye Barry, en même temps commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, a annoncé l’arrestation d’un groupe de soldats, sous-officiers, officiers et de civils alors soupçonnés d’avoir tenté de renverser le pouvoir de Blaise Compaoré. Parmi les conjurés, le capitaine Luther Diapagri Ouali, le sergent Babou Naon, le caporal Bassama Bassolet, le pasteur Pascal Israël Paré, Michel Norbert Tiendrébéogo, etc. Le procès qui s’en est suivi a concerné 13 accusés. Suivront les condamnations en 2004. Reconnu coupable de complot et d’attentat à la sûreté de l’Etat ainsi que d’intelligence avec des puissances étrangères, Ouali avait écopé de 10 ans de prison ferme. Le sergent Naon, de six ans ; le caporal Bassama Bassolet cinq ans ferme ; Boulédié Bayoulou, six ans. Naon Babou qui a été libéré le 30 octobre 2009, a été le seul à avoir purgé entièrement sa peine et malgré les souffrances endurées au cours de son incarcération, il est sorti vivant de la prison. Pour ses occupations actuelles, il s’adonne à l’agriculture et ne compte pas la quitter. Dans ses propos hors micro, le sergent, qui pour des raisons de sécurité, semble être sur ses gardes, n’en veut pas forcément à tous ceux qui ont « causé son malheur ». Comme il le dit, un militaire doit assumer ses actes. Lui, il assume les siens.

TS


Comments
  • belle interview avec beaucoup d’infos. j’aurai aimé que vous relanciez le sergent babou a la fin de la première question quand le sergent a dit: Je pense qu’il n’a pas été à la hauteur de sa personne ‘en parlant de diendéré). il a manqué une relance qui pouvait se formuler ainsi: en ne faisant pas quoi

    ensuite quand vous écrivez :…Il y avait aussi le TIR., non ce n’est pas le TIR, mais l’ETIR l’escadron de transmission et d’intervention rapide, commandé à l’époque par le capitaine Koama, que le lieutenant somé gaspar s’est préicipité pour tuer dès le 15 octobre et enfouit le corps dans une armoire

    enfin la dernière phrase de la dernière question :qu’on le fasse sortir parce qu’on a besoin de lui. On a besoin de Oualli, il devait avoir une relance pour savoir “pouquoi dix ans son départ de l’armée, a-t-om encore besoin de lui

    félicitation pour leprofessonnalisme de l’organe de presse. juste deux topo, il faut toujours demander de définir les sigles, et éviter de dire toujours la dernière question. si elle contient de belles infos, on fait comment?

    6 octobre 2015
  • Les autres vers civils à éradiquer sont hermann yameeogo, Isaka Lingani, Lookman sep, etc

    6 octobre 2015
  • Merci et beaucoup de courage a lui

    6 octobre 2015

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