HomeA la uneVIOLENCES POLITIQUES A CONAKRY : Faut-il désespérer de la Guinée ?

VIOLENCES POLITIQUES A CONAKRY : Faut-il désespérer de la Guinée ?


On avait eu la faiblesse de croire qu’avec l’élection d’Alpha Condé, la Guinée tournerait la page laide de la violence en politique, entamée par Sékou Touré et poursuivie par Lansana Conté et Dadis Camara. On l’avait cru d’autant plus que le professeur Alpha Condé était bien placé, pour avoir été lui même victime de cette violence en tant qu’opposant, pour savoir que la politique n’est pas la guerre. Mais hélas, mille fois hélas, peut-on s’exclamer aujourd’hui à propos de sa gouvernance. En effet, le professeur semble marcher sur les traces de ses sulfureux prédécesseurs, au regard de ses rapports avec ses opposants.

Ces rapports, il faut le dire, sont caractérisés par l’absence de dialogue sincère et le refus du pouvoir de faire la moindre concession politique à l’opposition, si fait que celle-ci semble n’avoir d’autre choix que celui de recourir systématiquement et de manière récurrente à la rue pour se faire entendre. En effet, pas plus tard que le lundi 4 mai dernier, elle est sortie dans la rue, à travers le pays, pour demander une énième fois la révision du calendrier électoral et la tenue des élections communales avant la présidentielle. Et comme l’opposition est certaine que sa doléance n’a aucune chance d’être acceptée par le pouvoir, elle en a appelé à la communauté internationale à qui elle demande de proposer des solutions concrètes sur un calendrier électoral consensuel.

Trois ans après Saïd Djinnit, il appartient donc au nouveau représentant spécial de l’ONU, Mohamed Ibn Chambas, de travailler à rapprocher les vues des acteurs politiques de ce pays où la paix, peut-on dire, semble introuvable. Y parviendra-t-il ?

Connaissant la rigidité de la position de chacun des deux camps par rapport à la révision du calendrier électoral et l’immuable bras de fer auquel pouvoir et opposition se livrent généralement à propos de toutes les questions politiques, l’on peut affirmer sans risque de se tromper que Mohamed Ibn Chambas aura du pain sur la planche.

Déjà, en réagissant à la suggestion faite à l’opposition invitant la communauté internationale à proposer des solutions concrètes sur un calendrier consensuel, le porte-parole du gouvernement, Albert Damantang Camara, a laissé entendre ceci : « Nous sommes ouverts à toutes les suggestions, mais nous souhaitons que cela se fasse dans le strict respect de notre indépendance ».

 

La mise en place des institutions semble le cadet des soucis du président guinéen

Les propos du pouvoir ne laissent rien préjuger de bon pour la Guinée. En effet, ils laissent entrevoir la possibilité pour le gouvernement de se retrancher derrière l’argument facile de la souveraineté nationale, pour ne pas varier d’un iota sa position sur le calendrier électoral tel que le veut Alpha Condé. Ce dernier le fera d’autant plus allègrement qu’il n’est pas un homme habitué à faire des compromis, depuis qu’il a accédé à la magistrature suprême de la Guinée. Et il l’a démontré à plusieurs reprises. De ce point de vue, l’on peut craindre dans le futur, le pire pour la Guinée. Cela dit, l’obstination

maladive d’Alpha Condé à tenir à son calendrier  électoral, quitte à plonger son pays dans les profondeurs de l’abîme, pousse à se poser la question suivante : de quoi a-t-il peur ? A cette question, l’on peut être tenté de répondre par ceci : il a peur du verdict des Guinéens. Ces derniers, en effet, ont aujourd’hui bien des raisons, au cas où les communales se tiendraient avant la présidentielle, de sanctionner sévèrement le parti d’Alpha Condé, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), pour n’avoir rien fait pour les tirer de la misère.

Et Alpha Condé le sait. Un tel scénario menacerait sérieusement son fauteuil. C’est pourquoi il veut inverser unilatéralement les choses pour faire passer d’abord la présidentielle. Ce faisant, il aura ensuite le temps de renvoyer aux calendes guinéennes la tenue des communales. D’ailleurs, l’on peut avoir le sentiment que la mise en place des institutions est le cadet des soucis du président guinéen. Et quand il est contraint de le faire, comme c’est le cas aujourd’hui, il y met toute sa mauvaise volonté pour faire de la diversion et gagner du temps. Ce comportement antidémocratique d’Alpha Condé vient apporter de l’eau au moulin de tous ceux qui sont convaincus qu’il n’avait pas véritablement gagné la présidentielle précédente.

Toutes ces considérations font dire qu’Alpha Condé n’est pas un démocrate. Et comme il a face à lui une opposition qui affiche sa détermination à lui barrer la route en recourant à la rue, l’on peut en déduire que la paix en Guinée risque d’être introuvable.

Pousdem PICKOU


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