VISITE CONTESTEE DU PRINCE SALMAN EN TUNISIE

La réaction compréhensible de la société tunisienne

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman, aura connu la soupe à la grimace en Tunisie. En effet, sa visite du 27 novembre 2018, a déclenché un tollé général au sein de la société tunisienne qui ne voyait pas d’un bon œil ce voyage du prince qui est dans le creux de la vague, depuis la mort tragique du journaliste Jamal Khashoggi. Pour les Tunisiens, cette visite princière ne s’accommode pas des valeurs cardinales (respects des droits de l’Homme, démocratie, etc.) qui constituent aujourd’hui le substrat de l’Etat tunisien en relation fusionnelle avec la révolution du Jasmin depuis 2011. La société civile qui s’insurge particulièrement contre l’arrivée de Ben Salman lui en veut, tout d’abord pour la disparition innommable du journaliste Khashoggi, ensuite pour le conflit yéménite et enfin pour la situation désastreuse des droits de l’Homme en Arabie Saoudite. Si des manifestants ont exprimé leur colère dans les rues de Tunis, depuis la veille de l’arrivée de ce prince plein aux AS, en le qualifiant de ‘’bourreau des femmes’’ (sic), il convient de rappeler que le Royaume saoudien est à la tête d’une coalition qui mène la guerre au Yémen, provoquant un désastre humanitaire sans précédent dans l’histoire de ce pays. En ce qui concerne le cannibalisme (c’est le lieu de le dire) dont fut victime Khashoggi, inutile de dire que tous les regards sont dirigés vers Mohammed Ben Salman. Car comme on dit, tout le monde connaît le prénom de la grand-mère mais personne n’ose la nommer. Si les Tunisiens n’ont pas accepté, chez eux, l’immolation d’un jeune par le feu, en 2011, et ont décidé de faire basculer le pays dans la révolution, ce n’est pas étonnant qu’ils ne soient pas du tout enthousiastes à accueillir sur leur terre celui dont le nom est cité dans la mort barbare du journaliste Khashoggi.

 Le fantôme du journaliste Jamal Khashoggi a juré de troubler le sommeil du prince

Bien que se déplaçant avec un chèque de deux milliards de dollars et avec une promesse de fourniture de pétrole à des tarifs avantageux, le Crésus d’Arabie Saoudite n’aura pas réussi à amadouer la population qui estime que cette visite est comme une tache noire dans la transition démocratique en cours en Tunisie, pays qui a, comme on le sait, fait des progrès énormes en matière de droits de l’Homme. En s’opposant aussi vigoureusement à ce voyage princier, les Tunisiens voudraient montrer à la face du monde qu’ils préfèrent la dignité à l’opulence qu’ils ne se prendraient pas autrement. Si donc, l’objectif du prince héritier, en initiant une tournée dans les pays arabes du continent africain, est de colmater les brèches créées sur son image par cette abominable affaire Khashoggi, mal lui en aura pris. Tant en Mauritanie qu’en Algérie où il compte se rendre aussi, les populations sont également vent debout contre son arrivée. Contrairement aux trois autres pays qui ont décidé de dérouler le tapis rouge à Ben Salman malgré la grogne du peuple, le Royaume chérifien, lui, a officiellement opté de l’éconduire gentiment. C’est dire si le fantôme du journaliste Jamal Khashoggi a juré de troubler le sommeil et la vie du prince.

 

Drissa TRAORE