HomeA la uneVIVRE-ENSEMBLE : Le pardon dit être assorti de conditionnalités qui permettent de corriger les erreurs

VIVRE-ENSEMBLE : Le pardon dit être assorti de conditionnalités qui permettent de corriger les erreurs


L’auteur de ces lignes, Marius Yougbaré, se penche sur la problématique du vivre-ensemble tout en indiquant les différentes composantes du ciment social. Lisez plutôt !

 

Plusieurs savants ont longuement discuté sur la nature humaine et avaient des positions tranchées et discordantes. De ces oppositions, se dessinent deux principales oppositions à savoir : ceux qui soutiennent que l’Homme est de nature bon, social, religieux et que c’est son évolution dans la société qui corrompt ses valeurs intrinsèques ; et il y a ceux qui pensent que l’Homme, de nature, est mauvais et égoïste. Ce qu’il faudra retenir de ces débats entre ces penseurs, c’est que la part de vérité est partagée parce que aussi vrai que l’Homme est méchant et égoïste, il ne saurait vivre en dehors de ses semblables. C’est dans ce sens qu’il est alors contraint, dans le cadre d’une coexistence pacifique avec autrui, de nouer un pacte social dans lequel il met en exergue de nouvelles valeurs qui rendront ce vivre-ensemble meilleur. Cette interdépendance lui fait acquérir de nouvelles valeurs contraires à sa propre nature, et puisqu’il évolue en société depuis des millénaires, l’on est souvent amené à penser qu’elles sont innées. Bien sûr, il faudra attendre de le voir en compétition ou dévoué à défendre ses intérêts pour que cette vraie nature émerge.Les vertus sociétales et la religion contribuent pour beaucoup dans l’humanisation de l’Homme en ce sens que dès notre naissance, ces principes et ces valeurs coercitifs nous sont inculqués à telle enseigne qu’en grandissant nous les considérons comme nos propres mérites intrinsèques. Mais une fois que nous entrons en possession de notre capacité de discernement, et à l’image du proverbe selon lequel « Chasser  le naturel, il revient au galop » ; notre vrai nature nous met en confrontation avec toutes les valeurs reçues depuis notre existence. C’est dans ce cadre que notre environnement immédiat joue un rôle décisif dans la manifestation de notre personnalité. Puisque dans ces conditions, si nous évoluons autour de gens fourbes, corrompus et insoucieux des idéaux défendus par la société, nous aurons certainement tendance à les imiter et cela vaut également pour le cas où, nous évoluons dans une société pieuse, chaste et respectueuse des règles prescrites.Les confrontations entre les hommes naissent lorsqu’il y a collision d’intérêts. Les riches exploitent les pauvres pour accroître leurs biens matériels et consolider ainsi leur pouvoir sur ces derniers. Par contre, les pauvres eux, luttent pour plus d’équité dans la redistribution des biens communs ou dans la rétribution pour service rendu, pour améliorer leurs conditions d’existence. Cette volonté constitue un obstacle dans l’atteinte des objectifs des riches qui travailleront d’arrache-pied à contourner cette entrave ; d’où la confrontation. Pour ainsi éviter cette confrontation perpétuelle et consolider la cohésion sociale, il est donc impératif pour tous de promouvoir des valeurs à mon sens très nobles à savoir : le compromis, la tolérance mutuelle, le pardon et la justice sociale. L’appropriation de ces valeurs par tous, me paraît cruciale si nous voulons transcender nos différences culturelles, sociales et religieuses et canaliser nos intérêts égoïstes dans le cadre d’une coexistence pacifique durable et fructueuse. La construction d’une Nation forte exige de nous, des efforts louables et la déclinaison d’objectifs communs à atteindre. Dans ce sens, je ne trouve pas d’objection à la célèbre maxime de Saint Exupéry qui a dit ceci : « S’aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder dans la même direction ». ” Le petit Larousse” définit le compromis comme un accord obtenu par des concessions réciproques, un arrangement. C’est donc une approche à privilégier pour la résolution des conflits qui opposent différentes parties. A défaut de la collaboration (coopération) qui est un outil essentiel et idéal dans la résolution définitive d’un conflit, le compromis s’impose comme une approche de taille dans la gestion des conflits. Il trouve son intérêt dans le sens où, une communication ouverte et directe regroupant les différents protagonistes est instaurée en vue de traiter des causes du conflit et de trouver des solutions mutuellement acceptables et applicables, puisque les décisions émanent de leurs pourparlers.

Le compromis est donc un outil nécessaire dans la préservation et la consolidation de la paix et de la cohésion sociales

 

 

C’est une approche gagnant-gagnant dans laquelle les différentes parties considèrent le conflit non comme une bataille à gagner, mais plutôt un problème à résoudre. Dans ce sens, les parties se concentrent à travers un dialogue sincère, à trouver des voies consensuelles de sortie de crise tout en évitant le recours à la force qui pourrait certainement enliser le conflit. La confrontation, elle, qui consiste à un affrontement pour déterminer un vainqueur et un vaincu, est malheureusement l’option la plus utilisée par les hommes quoiqu’elle ait montré ses limites. En effet, l’homme dans sa volonté de dominer ses semblables est toujours enclin à la confrontation pour la résolution de ses différends. Pourtant, cette approche institue la vengeance qui est le moteur de la perpétuation des conflits, puisque les vaincus reviendront à la charge pour satisfaire leurs revendications. Le compromis est donc un outil nécessaire dans la préservation et la consolidation de la paix et de la cohésion sociales. Il faudra donc promouvoir cette approche commune et consensuelle qui permet à des acteurs opposés, de privilégier le dialogue au détriment de la confrontation, pour la recherche des solutions face aux différents problèmes qui les opposent.Une autre valeur proche du compromis, c’est la tolérance mutuelle. Le bien-fondé de la tolérance réciproque est averé dans la mesure où, notre pays trouve sa richesse dans sa diversité culturelle, religieuse, sociale et économique. Cette diversité, si elle est bien exploitée, sera le moteur d’un développement socioéconomique harmonieux, conséquent et durable. Par contre, si elle est mal exploitée, elle nous conduira à une ruine certaine. A cet effet, il est très important de sensibiliser les populations à respecter les principes constitutionnels et à éviter les clichés et les préjugés infondés alimentés dans nos campagnes, dont le seul but est de valoriser leurs propres valeurs culturelles au détriment des autres groupes ethniques ou religieux. Au même titre que nous approuvons le fait que tous les hommes sont égaux en droit, toutes les cultures et toutes les confessions religieuses se valent, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, nous recevons le mauvais regard que nous jetons sur les autres dans la mesure où chaque culture se place au centre du monde. La coexistence de différentes cultures au sein d’une même entité étatique exige de ces populations un effort complémentaire pour prendre conscience de leur interdépendance et de considérer qu’elles constituent les pièces d’un même puzzle. L’exclusion et la promotion démesurée d’une culture dans ce sens est à proscrire. Nous évoluons dans un monde moderne et ses exigences sont tellement pressantes que nous ne devons pas nous attarder sur des débats et des bisbilles stériles. Ce qui fait la beauté de l’arc-en-ciel, c’est la multitude de couleurs assemblées dans une même entité et le message qu’il véhicule est le changement : telle est la richesse de la diversité. La tolérance qui se conforte dans l’ouverture d’esprit (en ce sens qu’elle nous permet de comprendre les autres), me semble le canal idéal par lequel nous pourrons mettre en valeur notre diversité.La composante pardon, me semble la valeur la plus noble dans la mesure où ; pour la posséder, il faut être d’un certain niveau (puisque contraire à la nature humaine). Il n’est pas permis à n’importe qui de pardonner. Le pardon est l’apanage des hommes sages qui regorgent de menus valeurs en l’occurrence le savoir, la tolérance et l’empathie. Il n’est pas question ici de l’autre façade du pardon qui consiste à demander pardon. Cela est trop facile dans le sens où, lorsqu’on cause du tort, on ne ressent pas toute la peine que l’on a infligée à la victime. On pourrait certainement avoir des remords consécutifs à nos agissements qui nous poussent à faire notre mea culpa afin de nous réconcilier avec notre conscience, mais lorsqu’on se place du côté de la victime, il nous faut avoir des aptitudes surhumaines, pour transcender notre colère et notre besoin de vengeance, afin d’accorder le pardon à notre bourreau. Il s’agit dans ce cas précis, de la faculté de pardonner qui est une qualité extraordinaire que tous les hommes devraient s’atteler à posséder. Mais, il faudra que l’on soit clair : le pardon doit être assorti de conditionnalités qui permettent de corriger les erreurs afin d’éviter ou de s’assurer que l’on ne s’enlisera pas dans une routine qui consiste à causer du tort et à demander pardon. Le pardon, pour qu’il soit parfait et sincère, exige que le bourreau prenne des dispositions et fasse une profession de bonne foi de ne pas récidiver et au besoin, qu’il entreprenne des mesures pour dédommager sa victime. Dans cette mesure, les deux parties créent à nouveau un climat propice pour une bonne collaboration basée sur une confiance mutuelle rénovée, loin de toute suspicion et de toute tendance à défendre des intérêts égoïstes. C’est ainsi que le pardon demeure une valeur indispensable dans la consolidation des rapports humains.

L’incivisme est devenu une plaie difficile à guérir

 

 

Enfin, la dernière composante et qui n’est très indispensable, c’est bien sûr la justice sociale, la vraie justice dépourvue de toute  partialité. Le manque de justice équitable provoque des sentiments qui peuvent pousser les justiciables à ne plus avoir confiance aux autorités politiques et à l’institution judicaire et à s’adonner à des actions inciviques pour se rendre justice elles-mêmes. Malheureusement, dans notre cher Burkina Faso, l’incivisme est devenu une plaie difficile à guérir et on le sait bien, il est la conséquence du manque de justice, de la corruption dans les sphères de la justice et de l’injustice. A ce titre, il est crucial que nos hommes de droit se mettent à la tâche pour redorer leur image vis-à-vis des populations en traitant les dossiers qui leur sont soumis avec intégrité, probité et loyauté suivant les principes constitutionnels qu’ils sont censés défendre. La collusion des pouvoirs (exécutif, judiciaire et législatif) a entraîné une injustice et une impunité qui ont en partie contribué à l’insurrection populaire. Notre espoir naissant de voir notre institution judiciaire indépendante et impartiale (au regard du fruit de la lutte des magistrats initiée sous la Transition) s’est envolé avec les récentes révélations sur le niveau de corruption de l’institution et de leur passivité coupable sur l’inconstitutionnalité de certains de ses organes (Haute Cour de Justice, Justice militaire). Je juge que nos hommes de droit, qui sont de vrais professionnels, devraient faire une visite technique soigneuse de leur institution et de sa ressource humaine afin de la rendre opérationnelle et efficiente et d’éviter tous les débats autour de sa compétence.En résumé, le développement fait autour des valeurs que j’ai développées (compromis, tolérance mutuelle, pardon et justice sociale) a pour objectif de démontrer leur rôle de composante du ciment social. En effet, le Burkina Faso est un pays avec une multiplicité de groupes sociaux et de religions, et il est très important que ces peuples dans leurs interactions, se tolèrent mutuellement pour se comprendre et mettre en valeur de façon harmonieuse cette diversité culturelle. La parenté à plaisanterie contribue à améliorer les choses dans le bon sens mais, puisqu’elle est limitée à quelques groupes ethniques, il faut nécessairement promouvoir la tolérance qui est une approche globale. Les trois autres valeurs constituent des mécanismes aussi bien de prévention et de résolution des crises et si elles sont bien appliquées, elles deviennent la base d’une cohésion sociale et d’une unité nationale parfaites.

Marius YOUGBARE

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