REFERENDUM AU PAYS DE SASSOU-NGUESSO : Le peuple congolais acceptera-t-il de vivre couché ou debout ?
Le compte à rebours a commencé. Sauf tremblement de terre, les Congolais se prononceront, le 25 octobre prochain, sur le texte d’une nouvelle Constitution visiblement élaborée sous la dictée de Sassou Nguesso. L’objectif de ce dernier ne souffre d’aucune ambiguïté : régner ad vitam aeternam sur le Congo. Et l’on n’a pas besoin d’une boule de cristal pour percevoir que derrière l’argumentaire officiel selon lequel la modification de la Constitution actuelle vise à améliorer la gouvernance, se cache une envie forte contre l’alternance. En bon alchimiste, Sassou ira jusqu’au bout de cette envie en utilisant malheureusement un outil de la démocratie contre la démocratie, c’est-à-dire le référendum.
Sassou Nguesso fera sortir des urnes des résultats tels qu’il veut qu’ils soient
Au Burkina, l’ancien président projetait d’utiliser un autre outil, le parlement dont il savait qu’il était acquis à sa cause, pour apporter du vernis démocratique à sa forfaiture. Les approches de confiscation du pouvoir par les dictateurs sous nos tropiques, sont certes différentes, mais tous ces satrapes se rejoignent sur le fait qu’ils brandissent toujours le mot “peuple” pour mieux l’asservir. Ils le font d’autant plus qu’ils sont conscients que leurs peuples, en proie à la misère et à l’analphabétisme, sont un véritable bétail électoral. Pour un bol de riz, bien des crève-la-faim sont prêts à glisser un bulletin dans l’urne pour permettre à n’importe quel dictateur d’assouvir sa boulimie du pouvoir, sans se soucier de ce que cela représente pour le pays. En plus de cela, tout le monde sait qu’en Afrique plus qu’ailleurs, les satrapes ont une parfaite maîtrise de l’ingénierie de la fraude. Dans la besace de ces derniers, existent toutes les recettes de la tricherie électorale. Le 25 octobre prochain donc, si le peuple congolais le laisse organiser son référendum, Sassou Nguesso fera sortir des urnes des résultats tels qu’il veut qu’ils soient. Ce caractère folklorique et typiquement gondwanais des scrutins organisés par les dictateurs africains pour s’accrocher à leur fauteuil, est devenu tellement criard et révoltant que l’écrivain ivoirien, Amadou Kourouma, a pu consacrer le titre suivant à une de ses oeuvres : En attendant le vote des bêtes sauvages. De ce point de vue, la seule alternative qui s’offre à certains Africains pour réaliser l’alternance démocratique dans leur pays est, de toute évidence, la résistance citoyenne dans la rue. C’est cette option qui avait permis au peuple burkinabè de se débarrasser de son dictateur. Pour ce faire, les Burkinabè n’avaient pas hésité à constituer un large rassemblement grâce auquel les différentes composantes des forces vives de la Nation ont mutualisé leurs énergies et leurs intelligences. Certains ont payé de leur vie cette détermination à ne jamais plier l’échine devant l’arbitraire. Il se pose alors la question de savoir, à propos du référendum à venir au pays de Sassou Nguesso, si le peuple congolais va accepter de vivre couché ou debout. Vivre couché reviendrait à permettre que le référendum ait lieu. Car l’on peut aisément imaginer les résultats qui en sortiront. Accepter de vivre debout consisterait à tout mettre en œuvre, comme l’ont si bien fait les Burkinabè, pour contraindre le dictateur à renoncer à son passage en force.
Il revient au peuple congolais de prendre ses responsabilités
Et la meilleure façon de le faire ne consiste pas à jeter son dévolu sur l’apport de l’extérieur, notamment sur celui de François Hollande à qui l’opposition congolaise, on le sait, a déjà fait appel pour l’aider à amener Sassou Nguesso à revoir sa copie. De toute évidence, cet appel au secours sera contre-productif pour la simple raison que la France a tout à gagner, économiquement s’entend, à ce que Sassou Nguesso soit maintenu à son poste. En effet, c’est à ce prix qu’elle peut avoir la garantie de continuer à profiter des richesses de ce pays. Marien Ngouabi et Pascal Lissouba qui avaient mis un point d’honneur à s’affranchir de cette mainmise française sur leur pays l’ont appris à leurs dépens. Le premier a été lâchement assassiné en 1977 et le second, bien qu’il fût démocratiquement élu, avait été, on se rappelle, obligé de fuir Brazzaville en plein midi pour échapper à la puissance de feu de la milice du même Sassou Nguesso, à l’époque dans l’opposition. La France à laquelle les Congolais font appel aujourd’hui ne peut pas dire qu’elle n’avait pas trempé la main dans cette imposture au nom de ses intérêts. L’enjeu pour l’Hexagone au Congo, ce n’est pas par conséquent la démocratie, mais le bois et le pétrole. Par ces temps de vaches maigres, la démocratie chez les Bantous peut encore attendre. Si les Congolais n’ont pas encore compris cela au point de croire béatement que leur salut viendra du bord de la Seine, ils peuvent se rassurer que Sassou Nguesso sera toujours à la tête du Congo jusqu’à ce que la nature en décide autrement. Car il a beau être puissant, il n’en demeure pas moins mortel. Et même dans ce cas de figure, les Congolais ne seront pas pour autant sortis de l’auberge puisque tout laisse croire qu’après Sassou père, ce sera le tour de Sassou fils, Denis Christel Nguesso. Il revient donc au peuple congolais, mené par ses intellectuels patriotes, sa jeunesse militante, ses leaders syndicaux et ceux des organisations de la société civile, de prendre ici et maintenant ses responsabilités. Autrement, il se rendra complice de sa propre servitude. Et dans cette hypothèse, il ne sera pas à plaindre. Car comme l’a si bien dit Thomas Sankara: « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas qu’on s’apitoie sur son sort ».
“Le Pays”