BOYCOTT DES POURPARLERS INTERBURUNDAIS D’ARUSHA : Nkurunziza dans la logique du pis-aller
Cahin-caha, le médiateur tanzanien de la crise burundaise, l’ex-président Benjamin Mkapa, mène la barque des négociations entre les frères ennemis burundais, dans l’espoir de parvenir à un accord de sortie de crise. Mais la tâche s’annonce beaucoup plus difficile qu’il ne l’avait peut-être imaginé au départ. Et pour cause, après avoir durement obtenu la participation de l’opposition radicale réunie au sein du CNARED, le médiateur qui espérait sans doute une avancée notable dans les négociations, s’est butté à la volte-face du pouvoir burundais qui a décidé de boycotter les pourparlers de ce 16 février, parce que ne voulant pas s’asseoir à la même table que des opposants qui ont maille à partir avec la justice ou encore avec le représentant de l’ONU qu’il a récusé. La question que l’on se pose est de savoir avec qui le pouvoir burundais veut discuter, surtout sur les questions de fond et de façon crédible s’il veut véritablement d’une sortie de crise, en dehors de cette opposition. Autant dire qu’il ne s’agit pas d’un dialogue, mais plutôt d’un monologue avec ceux de l’opposition qui sont rentrés dans les rangs, par peur ou par opportunisme, pour ne pas être contraints à l’exil pour sauver leur peau, comme c’est le cas des membres du CNARED aujourd’hui. Tout cela, parce que le chef de l’Etat veut profiter jusqu’au bout de son mandat indu et pourquoi pas plus. D’autant plus que la communauté internationale, de guerre lasse, semble avoir complètement démissionné, au point de laisser l’homme fort de Bujumbura en faire à sa tête. C’est pourquoi l’on est porté à croire que Pierre Nkurunziza est dans la logique du pis-aller. Ayant eu ses contempteurs à l’usure, il voudrait, en maître incontesté de la situation, mener les choses à sa guise pour parvenir aux résultats qu’il veut. Autrement, à quoi servirait-il d’aller à des discussions de ce genre, sans de vrais interlocuteurs en face ? Qui veut-on tromper ? En tout cas, si l’objectif du pouvoir était d’organiser ces pourparlers uniquement avec l’opposition acquise qui lui a pratiquement fait allégeance, cela n’aurait aucun sens et ne saurait justifier une telle débauche d’énergie et de moyens.
On ne peut pas bâillonner éternellement un peuple
Quoi qu’il en soit, l’on peut être sûr que tant que les négociations burundaises resteront biaisées et ne réuniront pas les vrais protagonistes de la crise, il serait illusoire d’en espérer une issue heureuse. Et le risque serait un enlisement de la situation où chaque camp risque de prendre son mal en patience, en attendant que quelque chose se produise. Mais jusqu’à quand, le pouvoir burundais pourrait-il tenir dans une telle situation ? En tout cas, l’histoire a suffisamment montré que l’on ne peut pas bâillonner éternellement un peuple. Et si c’est le vœu secret de Nkurunziza, il peut être sûr qu’il ne l’emportera pas au paradis. Même si tout porte à croire qu’il se sent aujourd’hui en position de force et ne voit pas comment l’on pourrait le contraindre à agir autrement. Toutefois, l’on peut saluer la persévérance du médiateur Mkapa qui ne compte pas se laisser décourager par ces écueils. Au contraire, il compte mettre à profit ces trois jours de négociations pour avoir des séances de travail, tour à tour et par affinités, avec les différents groupes qui ont répondu à son invitation afin de recueillir leurs propositions. Ce, dans le secret espoir d’en tirer un avant-projet d’accord de sortie de crise à soumettre à ses mandataires de l’EAC (East African Community) dont un sommet est prévu avant la fin de ce mois de février. Cela dit, il faut espérer que l’intervention réussie de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en Gambie, amènera les chefs d’Etat de l’EAC à se remettre en cause dans le traitement du dossier burundais.
Outélé KEITA