LE SOMMET DU G7 ET L’AFRIQUE:Les riches ne s’intéressent aux pauvres que par acquit de conscience
Le G7 s’est donné rendez-vous le 24 août 2019 à Biarritz, en France. Pendant 3 jours, les démocraties libérales les plus avancées, avec à leur tête, les Etats-Unis d’Amérique, vont se pencher sur la question du nucléaire iranien, les tensions économiques qui opposent l’Amérique à la Chine ainsi que le réchauffement climatique. La France, qui en assure aujourd’hui la présidence, a tenu à ne pas faire l’impasse sur l’Afrique. Aussi a-t-elle mis un point d’honneur à ce que l’on aborde des préoccupations qui concernent à plus d’un titre le continent noir.
Ces préoccupations sont liées à la question des inégalités et au terrorisme dans le Sahel africain. A cela, il faut ajouter le financement des projets de développement dans cet espace. Pour ne pas parler des problèmes de l’Afrique sans l’Afrique, cinq pays africains ont été invités au G7 de Biarritz.
Tout a été ficelé pour que l’Afrique soit réduite à tirer le diable par la queue
Il s’agit de l’Egypte, l’Afrique du Sud, le Rwanda, la « troïka de l’Union africaine », de même que le Sénégal et le Burkina Faso, qui président respectivement le NEPAD et le G5 Sahel. C’est déjà une bonne chose que d’avoir cherché à écouter la voix de l’Afrique à propos des problèmes qui la concernent, mais l’on peut se poser la question de savoir si son cri de détresse sera entendu par tous les pays membres du G7. Rien n’est moins sûr.
En effet, et relativement d’abord à la question de la lutte contre les inégalités, l’on peut avoir des raisons de douter de la sincérité des pays riches. En réalité, ces pays tirent une partie de leur opulence de l’ordre économique et politique mondial qu’ils ont mis en place depuis toujours. Et l’on n’a pas besoin d’être spécialiste en sciences politiques encore moins en sciences économiques pour savoir que tout a été ficelé pour que l’Afrique soit réduite à tirer le diable par la queue. Pour s’en convaincre, l’on peut invoquer l’inégalité des termes de l’échange et le fait que les matières premières africaines ne sont pas achetées à leur juste prix pour combattre efficacement les inégalités. Il faut donc agir impérativement sur ces deux leviers de sorte à permettre à l’Afrique de sortir la tête hors de l’eau.
Le G7 ne peut pas prendre ce risque, car cela équivaudrait pour lui à se tirer une balle dans le pied. Et la raison est simple. C’est le G7 qui tire profit de ces inégalités. L’Afrique donc ne doit se faire la moindre illusion sur la question. Quand il s’agit d’intérêts à défendre, il n’y a pas d’état d’âme. Il ne faut donc pas caresser l’idée que l’exploiteur peut s’émouvoir du sort de l’exploité au point de remettre en cause ses intérêts. C’est d’ailleurs une des lois de fonctionnement du système capitaliste dont le symbole est justement le G7. L’autre préoccupation africaine qui est mise sur la table du G7 à propos de laquelle l’Afrique ne doit pas attendre grand-chose, est liée au terrorisme au Sahel. Que des Africains en meurent par centaines, chaque jour que Dieu fait, pourrait ne pas troubler le sommeil des grands de ce monde. Ce qui intéresse au premier chef une personnalité comme Donald Trump, ce ne sont pas ces massacres. C’est à se demander même s’il est capable de situer un pays comme le Burkina Faso ou encore le Niger sur la carte du monde. Que des Sahéliens tombent comme des mouches sous les balles assassines des terroristes pourrait être le cadet de ses soucis.
Il se pose aujourd’hui la nécessité de revoir même le format du G7
A sa décharge, l’on peut dire qu’il n’a pas été élu par ses compatriotes pour s’apitoyer sur le sort des Sahéliens. Il l’a été pour résoudre les problèmes des Américains. Son « America first » qu’il se plait à ressasser sous toutes les latitudes, est donc légitime. Et l’on peut parier que c’est la même logique qui guide les pas de l’ensemble des présidents des pays membres du G7. Par acquit de conscience, ils évoquent les déboires de l’Afrique.
De ce point de vue, l’on peut affirmer que les 5 présidents africains invités à ce sommet, l’ont été juste pour meubler le décor et permettre aux sept pays les plus industrialisés du monde capitaliste, de décharger leur conscience. En tout cas, l’on souhaiterait être démenti par les conclusions auxquelles parviendra cette rencontre en rapport avec les préoccupations de l’Afrique. Ce sont elles qui nous indiqueront si oui ou non, le G7 est véritablement solidaire de l’Afrique. Tous les discours d’apitoiement qui y seront prononcés, relèvent de la diversion et de l’hypocrisie. Le G7 a l’obligation morale et politique d’aller au-delà pour poser des actes concrets et observables pour sauver le Sahel. Il doit d’autant plus le faire que les malheurs actuels du Sahel sont, peut-on dire, une des conséquences du chaos que certains de ses membres ont contribué à installer en Libye. Et ce ne sont pas les moyens qui leur manquent pour casser les reins de la poignée de terroristes qui sont en train d’inscrire le Sahel à l’article de la mort.
En tout cas, les Burkinabè ont été témoins de quoi les armées française et américaine sont capables lorsque leurs ressortissants étaient dans les griffes des terroristes. Cela dit, il se pose aujourd’hui la nécessité de revoir même le format du G7 car visiblement, les réalités qui ont prévalu à sa création, ne sont plus les mêmes aujourd’hui. L’absence, par exemple, de la Chine en son sein, peut être perçue comme une incongruité. D’autant plus que l’on ne peut pas traiter la question du réchauffement climatique en l’absence de ce grand pollueur de la planète. Il en est de même pour les questions économiques, la Chine étant la 1ere plus grande économie du monde.
« Le Pays »