MANIFS CONTRE LE 5e MANDAT DE DEBY : Une tempête dans un verre d’eau
Le 21 mars dernier, Mahamat Nour Ibedou, secrétaire général de la Convention tchadienne pour la défense des droits de l’Homme, et porte-parole de la coalition des associations et syndicats de la société civile anti-cinquième mandat de Déby, a été arrêté par la police tchadienne et gardé à vue. Pendant ce temps, l’un de ses camarades de lutte, en l’occurrence Nadjo Kaïna, un des porte-parole d’une coalition jumelle dont l’appellation « Lyina » signifie « nous sommes fatigués » en langue arabe, était activement recherché par les services de sécurité, après avoir manqué de répondre à une convocation. Les raisons de ces interpellations semblent avoir un lien avec les manifestations que ces associations comptaient organiser contre la candidature du chef de l’Etat tchadien Idriss Déby Itno, notamment à travers une marche pacifique hier 22 mars et une autre prévue une semaine plus tard, alors que l’on est en pleine campagne électorale pour la présidentielle du 10 avril prochain. Tout cela, dans un contexte où le ministre de la Sécurité publique avait interdit, samedi déjà, toute manifestation n’entrant pas dans le cadre de la campagne électorale, et où le chef de l’Etat, de son côté, montrait, au cours de son meeting d’ouverture le lendemain, son agacement face aux attaques de ses contempteurs en ces termes : « Ils sont fatigués de nous ? Nous aussi sommes fatigués d’eux ». Autant dire que les gesticulations de la société civile ne seront qu’une tempête dans un verre d’eau, tant elles semblent loin de pouvoir déstabiliser le maître de N’Djamena encore moins l’amener à renoncer à son cinquième mandat pour lequel il est d’ailleurs déjà en campagne. Le combat est noble certes, mais l’on peut trouver à redire sur le timing de cette volée de bois vert.
Déby semble adossé à du roc
A y regarder de près et sans jouer les Cassandre, le combat de la société civile tchadienne ressemble à un combat d’arrière-garde qui a peu de chances d’aboutir dans le contexte actuel. En effet, non seulement la candidature de Déby a été validée par les instances suprêmes du pays, mais aussi elle n’est pas a priori en porte-à-faux avec la loi fondamentale tchadienne qui n’inscrit aucune clause limitative de mandat. Et cela, Idriss Déby l’a obtenu avec la passivité voire la complicité de ce même peuple, par voie référendaire. Aussi y a-t-il peu d’espoirs que ces manifestations aient un écho à l’échelle internationale à même de gêner aux entournures un Idriss Déby dont l’engagement sans faille dans la lutte contre le terrorisme en fait un partenaire privilégié pour les grandes puissances. Elles qui, disons-le, ont besoin de stabilité dans cette région, par peur des incertitudes du changement. De ce point de vue, Déby semble adossé à du roc, d’autant plus que dans la conscience collective des maîtres de ce monde, l’on ne saurait raisonnablement se passer d’un tel homme avant d’avoir trouvé son remplaçant, ce qui est loin d’être fait. Tout porte donc à croire que le mieux que ces opposants puissent espérer, c’est de voir la communauté internationale faire dans l’hypocrisie, même si tout le monde est d’accord pour admettre que cinq mandats, cela fait un peu trop ! Malgré tout, il y a lieu de croire que quelle que soit l’ampleur de la cohue, Déby passera cette épreuve sans coup férir, un peu à la manière d’un certain Denis Sassou Nguesso du Congo Brazzaville. Ce qui n’augure pas d’un mandat de tout repos pour lui, car l’on voit aussi mal ses contempteurs s’arrêter en si bon chemin, surtout s’ils ont la conviction d’être sur la bonne voie, celle de jeter sur lui un certain discrédit.
Outélé KEITA