NOUVELLE LOI SUR LA PRESSE NATIONALE : Les organisations professionnelles de médias dénoncent et rejettent
Les organisations professionnelles de médias que sont le CNP/NZ, la SEP, le SYNATIC, l’AJB, l’AMC, l’UNALFA, l’AEPPL, l’ATPB, l’APAC et Reporters du Faso ont animé une conférence de presse pour exprimer leur mécontentement quant aux amendes fixées en échange de la dépénalisation des délits de presse et qui vont de 1 à 5 millions de F CFA. Pour les animateurs de la rencontre, ces amendes sont « suicidaires » pour les organes de presse qui risquent de mourir, et constituent de graves entraves à la liberté de presse. Aussi comptent-elles déposer une requête auprès du président de la Transition et ce, d’ici à vendredi prochain, pour demander une seconde lecture de la loi. Cette rencontre s’est tenue le mardi 8 septembre 2015, au Centre national de presse Norbert Zongo, à Ouagadougou.
Les organisations professionnelles des médias sont mécontentes et même très mécontentes. Et pour cause, les récentes lois adoptées le 4 août 2015 par le Conseil national de la transition (CNT) portant régime juridique de la presse écrite, de la presse en ligne et de la presse audiovisuelle du Burkina Faso, qui, faut-il le rappeler, fixent les peines pécuniaires de 1 à 5 millions de F CFA. Elles entendent de ce fait déposer une requête auprès du président du Faso d’ici à vendredi prochain, pour demander une seconde lecture de cette loi qu’elles dénoncent et rejettent. Elles lancent donc un appel au président de la Transition à ne pas la promulguer car elle se révèle suicidaire et liberticide pour les organes de presse. Ces organisations demandent également au président du Faso d’user de ses prérogatives pour ramener les amendes au niveau qu’elles avaient dans l’ancien code. Elles ont salué le rôle des députés de la transition qui ont désavoué la loi à travers une suspension de la plénière et un vote très mitigé et appellent tous les démocrates, les députés, les partis politiques, les intellectuels, les organisations des droits de l’Homme, les défenseurs de la liberté d’expression et de presse, les syndicats des travailleurs et estudiantins, les organisations de jeunes et de femmes, à se mobiliser pour faire échec à cette « velléité manifeste de musèlement et de liquidation de la presse burkinabè ».
Tout en relevant l’une des grandes avancées dans l’adoption de ces nouvelles lois, en l’occurrence l’abrogation des peines privatives de liberté pour les délits de presse, les organisations professionnelles de médias ont estimé que ces amendes constituent de graves entraves à la liberté de la presse et peuvent provoquer la mort des organes de presse. Celles-ci se sont en effet interrogées sur les motivations réelles du gouvernement de transition, porteur « dudit projet de loi problématique » qu’il a fait adopter, selon elles, « au forceps ». De l’avis des animateurs de la rencontre, les amendes relèvent d’un recul sans précédent en matière de loi sur la presse au Burkina Faso. Et de rappeler que le Code de l’information de 1993 avait plafonné les peines pécuniaires à 1 million de F CFA, à l’exception de l’amende pour offense à chef de l’Etat qui pouvait atteindre 2 millions de F CFA.
« L’initiative de relire le Code de l’information au Burkina Faso est un projet qui date du régime de Blaise Compaoré », a noté le président de la SEP, Lookman Sawadogo. Et de poursuivre en ces termes : « Le dernier gouvernement dirigé par Beyon Luc Adolphe Tiao était d’ailleurs très avancé sur ces projets de lois qui avaient déjà pris en compte la dépénalisation des délits de presse mais sans incidences sur les quanta des amendes. La survenue de l’insurrection populaire a été vécue comme un vent nouveau de démocratie et de liberté par tous les Burkinabè». Aussi la reprise du processus annonçait-elle d’importants progrès en matière de liberté de presse et de démocratie, ainsi que la préservation et le renforcement des acquis avec une plus grande implication des organisations professionnelles des médias. Et de souligner que le gouvernement de la Transition, reprenant à son compte la relecture des textes sur la presse, n’a cependant fait que narguer les acteurs de premier plan que sont les médias. En effet, selon la déclaration des conférenciers, après les avoir associés à des ateliers de concertations en vue d’obtenir des textes consensuels et justes, il a fini, à leur avis, par « tailler une loi en solo sans tenir compte de leurs avis et propositions et contre les intérêts du secteur des médias ». Et les conférenciers de préciser que ce n’est qu’au CNT et seulement après avoir été invités pour être auditionnés par les députés à qui la loi avait été transmise par le gouvernement, qu’ils ont découvert que les amendes avaient été excessivement revues à la hausse et passaient ainsi de 10 à 15 millions de F CFA. Pour les conférenciers, le gouvernement de la Transition interpellé par les députés sur la lourdeur des amendes a avancé deux arguments dont le premier est une comparaison. En effet, ces amendes s’aligneraient sur celles observées dans la sous-région notamment au Togo, au Bénin, en Côte d’Ivoire et ailleurs. Selon Lookman Sawadogo et ses confrères, la presse burkinabè n’est comparable à aucun point à celle de la Côte d’Ivoire tant en matière de structuration, de subventions et aides de l’Etat, d’accès à la publicité, de marché que de chiffres d’affaires et de responsabilités. Le deuxième argument du gouvernement stipule qu’en dépénalisant, il faut appliquer des amendes suffisamment dissuasives.
Les organisations professionnelles des médias ont par ailleurs estimé que la loi a été votée mais qu’elle est déjà très fragile, car sa base de légitimité est faible du fait qu’elle ne réunit pas le consensus nécessaire à son application avec seulement 26 députés contre 27, qui ont donné leur quitus pour les amendes de 1 à 5 millions.
Christine SAWADOGO
COB
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Les journalistes sont décidés à diffamer. Je crains fort qu’à ce rythme, on en arrive à des règlements de compte extra judiciaires. C’est comme pour les voleurs que les foules préfèrent lyncher au lieu de les confier à la justice.
9 septembre 2015Sacksida
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Nous pouvons comprendre l’état d’esprit des journalistes, mais l’ancien code de l’information date de plus de vingt ans, et il est tout à fait normale que la loi sur la presse évolue ! Ne vous tablez pas uniquement sur la partie amandes en cas de condamnation car nous pensons bien qu’il a eu des bonnes choses dans cette loi, et qu’il faut la considérer dans sa globalité ! Toutefois, il y’a des journaux et des journalistes qui exerce ce métier depuis plusieurs décennies et qui n’ont jamais été condamnés à cause de leurs professionnalisme ! Comme le disait un des grands défenseurs des droits humains, les journalistes doivent se responsabiliser plus au plan social, politique et économique ! Salut !
9 septembre 2015