RETRAIT DE L’OIF DU PROCESSUS ELECTORAL EN GUINEE
A quelques jours des législatives du 1er mars prochain, couplées au très contesté référendum constitutionnel en Guinée, c’est un véritable pavé que l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) vient de jeter dans la mare, en se retirant du processus électoral. C’était le 24 février dernier, par voie de communiqué. Raison invoquée : les divergences autour du fichier électoral qui n’a pu être expurgé de la présence « problématique » de plus de deux millions d’électeurs. En rappel, un audit mené, en 2018, par l’institution francophone sur le fichier électoral de 2015 de concert avec l’ONU et l’Union européenne, avait révélé des irrégularités qui demandaient à être corrigées. Malheureusement, la correction des anomalies relevées n’a visiblement pas été faite. Car, à en croire l’organisation, non seulement lesdits électeurs parmi lesquels on compte des doublons, figurent toujours sur la liste électorale, mais aussi certains sont décédés.
Un camouflet pour les autorités de Conakry
C’est pourquoi l’on est porté à croire que la décision de retrait de l’organisation francophone, pour inopportune qu’elle puisse paraître aux yeux d’une certaine opinion, est motivée par la volonté de ne pas se faire complice d’une mascarade électorale programmée. De ce point de vue, en tant qu’institution responsable de la mise en œuvre des recommandations de cet audit, on peut comprendre que l’OIF ne puisse pas continuer d’apporter son assistance à un processus qui est loin de faire consensus au sein de la classe politique guinéenne où l’opposition, de son côté, dénonce, entre autres, l’enrôlement de mineurs et le nombre disproportionné d’électeurs par rapport à la démographie du pays. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette décision de retrait de l’OIF, à seulement quelques jours du scrutin contesté, est un camouflet pour les autorités de Conakry. Principalement le président Alpha Condé qui, dans cette crise, semble avancer avec des œillères et faire la sourde oreille et dont l’obstination à aller au référendum querellé, n’a d’égale que sa volonté de s’éterniser au pouvoir. C’est pourquoi, si cette décision de l’OIF peut avoir pour lui l’effet de l’eau sur les plumes d’un canard, il reste que c’est un coup dur qui n’est pas fait pour arranger ses affaires. Car, d’une part, il peut regretter de ne pas être accompagné jusqu’au bout par une institution dont la seule présence du nom sur la liste des observateurs, pourrait avoir valeur de caution morale à un processus qui divise pourtant profondément la classe politique. D’autre part, cette décision peut paraître un coup de pouce inopiné à l’opposition politique qui peut y trouver des raisons de continuer à ruer dans les brancards. C’est donc peu de dire que ce retrait, à un moment aussi crucial, pourrait avoir des conséquences dommageables pour le maître de Conakry. Car, non seulement cela contribue à l’isoler davantage dans sa volonté tant décriée de se remettre dans le jeu électoral à la faveur du référendum constitutionnel, mais aussi, cela vient jeter le discrédit sur le processus électoral que le chef de l’Etat guinéen semble vouloir mener au forceps, malgré la clameur populaire qui monte.
L’OIF a mis les pieds dans le plat électoral qui divise les Guinéens
Si ce n’est pas un coup de massue, cela ressemble à une sandale jetée à la figure du dirigeant guinéen. De quoi rappeler la mésaventure de son homologue américain, Georges W. Bush qui, en 2008, s’est vu balancer à la figure une chaussure qu’il a su esquiver, par un journaliste irakien lors d’une visite surprise dans ce pays. Quoi qu’il en soit, en agissant de la sorte, on peut dire que l’OIF a mis les pieds dans le plat électoral qui divise les Guinéens. Et cela pourrait avoir son importance, dans un pays où la sincérité et la confiance ne semblent pas les choses les mieux partagées entre les acteurs politiques. L’abcès crevé ainsi bruyamment, on peut voir l’opportunité qu’elle offre aux leaders coutumiers et religieux, de reprendre le fil de leur médiation pour une sortie de crise pacifique en Guinée. En tous les cas, l’OIF devrait tirer toutes les conséquences de sa décision, quitte à ne pas reconnaître la légitimité du satrape, s’il venait à opérer un passage en force. C’est une question de crédibilité et c’est aussi à ce prix que les institutions internationales pourraient apporter un plus au renforcement de la démocratie dans nos républiques bananières.
« Le Pays »