VIOLENCES ELECTORALES AU PAYS DE CONDE : Faut-il désespérer de la Guinée ?
Alors que les résultats des élections municipales du 4 février dernier ont commencé à tomber, la Guinée est toujours en proie à la violence. L’on dénombre à ce jour une dizaine de macchabées consécutifs à ce scrutin. A qui faut-il jeter la pierre», peut-on légitimement se demander ? Le premier à répondre de cette accusation est de toute évidence la CENI. Car, même si l’on peut lui concéder qu’elle s’est mesurée à la tâche titanesque d’organiser le scrutin pour 6 millions d’électeurs appelés à départir 30 000 candidats dans plus de 15 000 bureaux de vote à partir de 342 bulletins différents, elle peut difficilement s’en laver les mains. En effet, sa responsabilité est directement mise en cause dans les « faiblesses d’organisation » et « l’absence de procédures juridiques claires ».
En se hâtant lentement, la CENI alimente les supputations
Elle a ainsi ouvert la porte aux contestations et par ricochet aux violences qui en ont résulté. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en se hâtant si lentement, la CENI alimente toutes les supputations, donnant ainsi raison à ceux qui croient que les résultats du scrutin ont été fabriqués dans des officines secrètes. C’est une bien vilaine image qu’elle renvoie de la Guinée au reste du monde où la tendance est à la publication, dans de brefs délais, des résultats des consultations électorales. Certes, le parti au pouvoir a raflé la mise, mais les regards se tournent vers le pouvoir d’Alpha Condé qui, non seulement a failli à sa responsabilité de mettre la logistique nécessaire à la disposition de la structure électorale pour réussir le scrutin, mais aussi est le principal auteur de la sulfureuse atmosphère politique en Guinée, du fait de son refus, pendant plus de 13 ans, d’organiser ces élections de proximité. Ce faisant, l’opposant historique qui s’était attiré la sympathie mondiale dans son combat pour la démocratie contre les régimes successifs de Sékou Touré, Lassana Conté et Moussa Dadis Camara, a montré sa vraie nature, confirmant ainsi cette réflexion qui dit que « le pouvoir ne transforme pas l’homme mais le révèle». Ce ne serait pas faire dans l’exagération, au regard du nombre des victimes des violences politiques en Guinée, de dire que Condé fait le malheur de ses concitoyens, tout comme ses prédécesseurs qui, au moins, avaient l’excuse d’être des militaires et donc naturellement portés à résoudre les problèmes politiques par des armes pour ne pas dire par des duels. Toutefois, l’opposition politique guinéenne qui semble être la principale victime du tripatouillage électoral en cours et des violences, n’est pas blanche comme neige. Non seulement elle a échoué à se donner les moyens d’imposer au pouvoir la transparence du scrutin, mais elle est aussi responsable, au même titre que le pouvoir, de l’instrumentalisation de l’ethnie à des fins politiques. Car, les violences que l’on observe aujourd’hui, sont la conséquence de cette démocratie à la sauce communautaire que la classe politique a instaurée en Guinée.
Il est grand temps de mettre fin à cette spirale de violences
L’on a, en effet, l’impression que la rivalité politique entre le RPG et l’UFDG qui constituent les principales forces politiques du pays, n’est, en réalité, que l’expression d’un conflit ethnique entre Malinkés et Peuls. Or, on ne le dira jamais assez, l’ethnie, en Afrique, n’est qu’un malheureux paravent derrière lequel s’abritent des hommes politiques en panne d’inspiration. Cela dit, il ne serait pas farfelu de se poser la question de l’intérêt même de la démocratie en Guinée. Car, au lieu d’améliorer les conditions de vie des populations, elle ne fait qu’endeuiller les familles. L’on peut, de fait, céder au pessimisme en se demandant s’il faut désespérer de la Guinée. Il est, en tout cas, grand temps de mettre fin à cette spirale de violences liée à l’inconscience et à l’irresponsabilité de la classe politique dans son ensemble en Guinée. En effet, à titre d’exemple, une bonne partie des Guinéens broient, du fait du rationnement de l’énergie électrique, du noir à longueur de journée, et ce ne serait pas trop demander aux dirigeants, à défaut de prendre en pitié leur peuple, de lui offrir au moins un climat apaisé pour digérer sa misère que ne cesse de nourrir la mauvaise gouvernance.
En tout état de cause, le scrutin du 4 février dernier qui était annoncé comme une opportunité pour changer l’image de la Guinée à l’international, a cédé la place au désespoir. Car, s’il en a été ainsi de la plus petite des consultations électorales, qu’en sera-t-il des législatives et de la présidentielle qui se profilent à l’horizon ?
« Le Pays »