DECRET SUR LE FINANCEMENT DES ELECTIONS AU BURUNDI : Le nationalisme suicidaire de Nkurunziza
« La fin justifie les moyens ». Le président burundais, Pierre Nkurunziza, a fait sienne cette maxime dont raffolent les dictateurs. Comme pour bien faire comprendre à ceux qui doutaient encore de sa détermination à rester au pouvoir par tous les moyens, Nkurunziza vient de signer un décret sur le financement des élections au Burundi. Ce décret indique comment le Burundi va réunir les ressources nécessaires au financement des élections. Ainsi, un gros trou devra être creusé dans le budget national pour les besoins de la cause « pouvoiriste ». Des coupes sombres seront donc opérées dans certaines institutions de l’Etat parmi lesquelles au moins neuf ministères.
Les partenaires techniques et financiers qui ont fermé le robinet sont dans leur bon droit
Cette mesure fait suite à l’expression des besoins de la commission électorale pour l’organisation des scrutins, dans un contexte où certains partenaires techniques et financiers du Burundi ont fermé le robinet. C’est le cas de Bruxelles qui a tout récemment suspendu son aide directe et de Paris qui a mis fin à son aide sécuritaire. Et cela est pleinement justifié. Le satrape burundais ne peut être encouragé dans sa folie. Du reste, il est malsain pour la France et la Belgique, deux pays démocratiques, de soutenir l’organisation d’élections qui assassineront la démocratie. Les partenaires techniques et financiers qui ont fermé le robinet sont donc dans leur bon droit. Il faut espérer qu’ils ne relâcheront pas la pression tant que Nkurunziza ne reviendra pas à de meilleurs sentiments. Il faut souhaiter aussi que d’autres pays les rejoignent.
Privé de cette manne, Nkurunziza n’a rien trouvé de mieux à faire que de créer les conditions d’une austérité dans son pays, lui ouvrant ainsi les voies de l’enfer. Ainsi donc, ce sera au peuple burundais de consentir des sacrifices pour que lui, Pierre Nkurunziza, puisse assouvir son rêve de 3e mandat à la tête de l’Etat. C’est égoïste et même irresponsable. C’est une preuve supplémentaire qu’il refuse de comprendre le message des partenaires, mais aussi qu’il n’a cure de la souffrance de son peuple.
Le peuple burundais peut bien souffrir, se faire tirer dessus par la police ou les milices pro-Nkurunziza, la préoccupation de Nkurunziza est ailleurs : continuer à régner. Du massacre du peuple, il s’en soucie comme d’une guigne. D’ailleurs, ne l’a-t-on pas aperçu en train de jouer au football, au moment où des Burundais se faisaient canarder ? Leur seul tort : ne pas approuver le projet du satrape, de prolonger indûment son bail. Aucune raison ne peut justifier que des forces de l’ordre tirent à balles réelles sur des manifestants qui refusent la dictature. Hélas, les condamnations internationales restent jusque-là encore timides. Toutes choses qui autorisent Nkurunziza à aller aussi loin que possible dans la répression des contestataires.
Il est grand temps d’arrêter Nkurunziza dans sa folle lancée
Où est passée l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) qui a, entre autres missions, de promouvoir la démocratie et l’Etat de droit ? Quant à l’Union africaine (UA), elle non plus n’est pas particulièrement active pour faire entendre raison à Nkurunziza. Quid des rares chefs d’Etats du continent, qui font figure de démocrates sincères ? C’est le silence assourdissant. C’est dans ce contexte que s’ouvrira bientôt en Tanzanie, un autre sommet des chefs d’Etat de la région, aux fins de trouver une solution à la crise burundaise. Mais il ne faut pas rêver. En dehors du Tanzanien, les présidents qui y seront ne sont pas des parangons de démocratie loin s’en faut. Quelle leçon peuvent-ils dès lors donner à Nkurunziza ? On en vient à regretter des personnages comme l’ancien président français, Nicolas Sarkozy, qui, malgré tout ce qu’on pouvait lui reprocher, a pris fermement position contre certaines dictatures du continent. Ou encore Alpha Omar Konaré du temps où il présidait aux destinées de l’UA. Des dictateurs étaient quelquefois dans leurs petits souliers, face à certaines vérités de Konaré. C’est aussi le cas de l’ancien secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, qui se sera insurgé contre la bêtise de Laurent Gbabgo.
Combien de Burundais les forces pro-Nkurunziza devraient-elles tuer pour attirer davantage l’attention des grandes puissances et des organisations africaines ?
Car la tension est telle aujourd’hui, que le pays peut basculer dans la guerre civile. Les opposants vont-ils continuer à se laisser massacrer par Nkurunziza et ses milices ?
Il est grand temps d’arrêter Nkurunziza dans sa folle lancée. En décidant de prendre des mesures d’austérité, Nkurunziza entraîne son peuple dans un suicide collectif. Car on voit mal comment un pays sous perfusion comme le Burundi, pourra longtemps résister dans ces conditions.
Même s’il parvenait à organiser les élections dans ces conditions et à les remporter, Nkurunziza aurait du mal à stabiliser le pays et à trouver les ressources nécessaires au fonctionnement des structures étatiques et aux investissements. Les coupes budgétaires annoncées vont nourrir la fronde sociale. Et si la crise sociale qui se profile à l’horizon venait s’ajouter à la crise politico-militaire, les deux battants de la porte de l’enfer seraient largement ouverts. Mais cela ne fait pas frémir le potentat burundais qui continue plutôt de raidir la nuque.
« Le Pays »