LEGISLATIVES ET COMMUNALES AU BURUNDI : En attendant la guerre des chiffres
Les proches de Pierre Nkurunziza jubilent depuis, à propos de la participation de la population burundaise aux élections législatives et communales du 29 juin 2015. « Participation massive » ; «journée historique ». Même la Commission électorale nationale indépendante (CENI), institution censée être neutre, ne s’est pas gênée en avançant un taux de participation record, qui « avoisinerait les 100% à l’intérieur du pays ». Elle s’est projetée sur un taux de participation global de 75 à 80%. C’est le contraire qui aurait étonné. En effet, tout laisse croire que le pouvoir burundais s’attèle à fabriquer ses « chiffres », histoire de railler ses contempteurs internes et externes.
Si des urnes sont transportées dans des lieux secrets pour être dépouillées, comme cela se voit souvent dans les Républiques bananières, si le décompte des voix se fait en l’absence de mandataires politiques de l’opposition et des observateurs indépendants, si on peut voter dans un bureau de vote sans avoir son nom inscrit sur la liste, si dans certains quartiers, les militaires et les policiers chargés de la protection des bureaux de vote ont été presque les seuls à avoir voté, alors, on ne peut pas être surpris des chiffres qui seront livrés par le pouvoir burundais. C’est sûr, le CNDD-FDD de Pierre Nkurunziza va remporter ses « propres » élections avec, évidemment, un score à hauteur d’homme. Mais que vaut cette victoire sans gloire, obtenue sous la menace et dans la terreur ?
La seule utilité des élections du 29 juin est qu’elles servent exclusivement à légitimer une dictature
Le régime burundais n’a pas de quoi se réjouir des résultats de ces consultations électorales. L’opposition, quant à elle, aura son mot à dire sur le score brandi par le pouvoir burundais ; une guerre des chiffres en perspective. En tous les cas, la victoire annoncée du CNDD-FDD cache mal un échec inédit pour le pouvoir de Nkurunziza. L’appel au boycott de l’opposition et de la société civile a donc produit ses effets, nonobstant la réquisition des forces armées pour veiller à la sécurité des votes. Quand un président de bureau de vote indique que « si on n’avait pas eu ainsi des militaires, le nombre de votants serait vraiment catastrophique ! Ça aurait été au nombre de 3 sur 356 inscrits », cela renseigne suffisamment sur la nature réelle de ces consultations électorales. Les grands vainqueurs seront-ils, in fine, l’opposition, la société civile et le peuple burundais ? On sait, en tout cas, que la communauté internationale ne reconnaîtra pas ces élections, ni leurs résultats ni les institutions qui en seront issues. Ainsi donc, la seule utilité des élections du 29 juin est qu’elles servent exclusivement à légitimer une dictature. Et l’entêtement du pouvoir risque de conduire le peuple du Burundi à des lendemains incertains. En fait, le problème du Burundi, c’est Pierre Nkurunziza. Et ce problème n’a qu’une seule solution : le renoncement de ce dernier à un troisième mandat.
Les élections législatives et municipales qui viennent de se tenir
ne doivent pas constituer un obstacle à la lutte contre la dictature. L’opposition politique, la société civile et le peuple burundais doivent continuer le combat. Le président Nkurunziza et ses hommes qui ont déjà le regard tourné vers l’élection présidentielle du 15 juillet 2015, doivent être mis en échec.
Michel NANA