TOURNEE DU PRESIDENT FRANÇAIS EN AFRIQUE : Hollande osera-t-il parler d’alternance à Biya et Dos Santos ?
François Hollande est de retour sur le continent africain. Pour ce nouveau périple, il déborde le pré-carré français pour se rendre, après le Bénin et le Cameroun, en Angola.
La tournée débute par le Bénin. L’agenda officiel est essentiellement politique, même si le locataire de l’Elysée ne snobera pas les atouts économiques béninois qui peuvent servir les intérêts français. En effet, l’ancien Dahomey dispose d’un littoral qui peut servir à la diversification des portes d’entrée en Afrique de l’Ouest. Et c’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la visite à la plateforme économique mise en place par le groupe Bolloré. Sur un plan plus officieux, l’escale de Cotonou s’annonce comme une visite d’adieu et de remerciements pour services rendus par Yayi Boni à la France. Yayi Boni s’est montré si attaché à la cause française qu’il a fait le déplacement de Paris pour verser de chaudes larmes lors de l’attentat contre Charlie Hebdo !
Si officiellement, il s’agit donc de féliciter un bon élève de la démocratie africaine, le Bénin n’est en réalité que de la poudre aux yeux de l’opinion pour masquer la suite d’un voyage aux tenants et aboutissants très peu nobles.
L’Angola qui constitue l’étape suivante est une puissance militaire africaine et donc un important débouché pour l’industrie militaire française. Deuxième pays producteur de pétrole et deuxième source de diamants en Afrique, avec une croissance économique des plus rapides au monde (8,8 % de prévisions en 2015), ce pays est aussi engagé dans des réformes économiques intéressantes pour les hommes d’affaires français. Partir à la conquête de ces nouveaux marchés, dans un contexte marqué par l’influence des Chinois très actifs dans les ouvrages de travaux publics tels que les routes et les chemins de fer, est un défi intéressant pour une économie française à bout de souffle. Ces atouts valent bien le déplacement de Hollande qui éludera les zones d’ombres de la scabreuse affaire de «l’angolagate».
En Angola et au Cameroun, nagent les plus vieux caïmans de la marre de la politique africaine
Enfin, au Cameroun, on imagine bien que les questions sécuritaires, notamment la lutte contre la nébuleuse djihadiste Boko Haram, vont constituer le plat de résistance. Car de la sécurité du Cameroun dépendent de nombreux intérêts. En plus d’être un important corridor vers le Tchad et la République Centrafricaine, le Cameroun représente le premier partenaire commercial de la France en Afrique centrale, hors pétrole. La présence française s’appuie sur une centaine de filiales de groupes français, présentes dans les secteurs des hydrocarbures, de l’agroalimentaire, du ciment, du bois, du BTP, des télécommunications et de la logistique avec des ténors comme EDF, Bolloré et GDF-SUEZ. L’occasion est donc belle pour Hollande et sa délégation de réchauffer une coopération déjà très dynamique, mais surtout de vanter toute la technologie française en matière d’armes de lutte contre le terrorisme et de moyens de surveillance. En marge de ces questions économico-sécuritaires, Hollande plaidera la cause des binationaux franco-camerounais de plus en plus nombreux, accusés à tort ou à raison de s’être empêtrés dans la marre gluante de la corruption camerounaise et malmenés par des affaires juridico-politiques comme c’est le cas de l’avocate Lydienne Yen-Eyoum.
L’évènement, cependant dans ces deux pays, c’est moins l’agenda économique que le silence probable du président français sur certaines questions pressantes sur le continent, que sont l’alternance et les droits de l’homme.
En Angola et au Cameroun, nagent les plus vieux caïmans de la marre de la politique africaine : Paul Biya au pouvoir depuis 32 ans. Et Eduardo Dos Santos depuis 35 ans. La visite de Hollande dans ces pays ne peut être interprétée autrement que comme une prime aux dictatures du continent. Il est fort à parier qu’il ménagera les susceptibilités de ses hôtes en évitant les questions qui fâchent, notamment celles relatives à la démocratie et aux droits de l’Homme, confirmant bien les propos de son patriote Charles Pasqua pour qui « la démocratie s’arrête là où commence la raison d’Etat ». Il est tout aussi presque certain que Hollande ne rencontrera ni les opposants ni la société civile de ces deux pays.
Pire, Hollande, pour cette visite, a bien la tête d’un marchand d’armes et, de façon manifeste, ne rend pas service au continent, surtout que l’Afrique centrale est déjà une poudrière et le foyer de nombreuses rébellions. Et qui dit que demain, ces dictateurs qui font la course aux armements, ne les retourneront pas contre leur propre peuple ?
C’est le lieu aussi de dénoncer le schéma économique traditionnel et inamovible d’une Afrique condamnée à jouer le rôle de fournisseur de matières premières achetées à vil prix et de débouchés pour les produits industriels onéreux européens.
Les sociétés civiles africaines sont une fois de plus interpellées. Elles doivent donner de la voix lors de cette mini tournée du président Hollande pour dénoncer les dérives autocratiques de Biya et Dos Santos ; comme c’est d’ailleurs le cas, chaque fois qu’un dirigeant africain peu fréquentable foule le sol européen.
SAHO