HomeBaromètreLETTRE OUVERTE AU MINISTRE DE LA SECURITE : « Eddie Komboïgo et Emile Kaboré ont-ils été entendus ? »

LETTRE OUVERTE AU MINISTRE DE LA SECURITE : « Eddie Komboïgo et Emile Kaboré ont-ils été entendus ? »


L’auteur de la présente lettre ouverte interpelle le ministre de la Sécurité sur les dérives langagières de certains hommes politiques, en l’occurrence ceux de l’ex-majorité qui, dit-il, menacent la quiétude de bien des Burkinabè. Lisez donc !

Monsieur le Ministre,

Au cours d’une conférence de presse animée le 13 août dernier à Ouagadougou, le président du CDP et candidat de ce parti à l’élection présidentielle d’octobre 2015, Eddie Komboïgo, a tenu des propos gravissimes. Je les cite : « S’il y a exclusion, il n’y aura pas d’élections ici. (…) J’ai soutenu la révision et je serai candidat. (…) Qui va me refuser d’être candidat ? Qui ? » Il s’agit là de propos arrogants et inquiétants qui menacent la paix. Le président du CDP a été on ne peut plus clair. Si d’aventure, des listes de son parti sont invalidées, le CDP empêchera la tenue des élections.

Au cours d’une autre conférence de presse animée le 17 août par le RRS, un autre parti de l’ex-majorité, Emile Kaboré, président dudit parti a déclaré ceci : « s’il y a une exclusion fondée sur l’article 37, le pays ne va pas dormir en paix. (…) Une insurrection peut en cacher une autre. (…) Ça ne serait pas la première fois qu’un peuple s’insurge contre un texte de loi ». Lui aussi a été on ne peut plus clair.

Les propos de ces deux leaders politiques m’inquiètent profondément parce qu’ils sont annonciateurs de crise, d’instabilité et de violence. Ils m’inquiètent profondément parce que la violence verbale précède généralement la violence physique. J’ai toujours souvenance des propos du précédent dirigeant du CDP, Assimi Kouanda, qui affirmait : «L’essentiel, en 2015, notre président est candidat, en 2020, il est candidat, le reste, nous laissons entre les mains de Dieu. (…) S’ils vont brûler une maison, il faut qu’au retour, ils trouvent que leur maison aussi brûle. Comme ça, on va s’entendre. Est-ce clair ? Allez organiser des brigades afin que notre réaction soit immédiate.» Alors qu’à l’époque personne ne parlait (en tout cas pas officiellement) de brûler, les propos incendiaires de l’ex-secrétaire général du CDP ont indigné et fait naître l’idée d’incendier des maisons et des biens. Le peuple a voulu relever le défi lancé par l’ex-patron du CDP. Avec les propos d’Eddie Komboïgo, ne sommes-nous pas en présence d’un « remake » ?

Monsieur le Ministre,

Je comprends par les propos d’Eddie Komboïgo et d’Emile Kaboré qu’il n’y a aucune alternative pour le Conseil constitutionnel, seul habilité à dire le droit en ce domaine. Seul habilité à interpréter le verdict de la CEDEAO, tant les interprétations de ce verdict sont divergentes et aux antipodes les unes des autres. Eddie Komboïgo et les siens l’interprètent en leur faveur tandis que les fervents défenseurs du Code électoral soutiennent que le CDP et ses partis acolytes le lisent de façon erronée . Mon intention ici n’est pas de ranimer un débat clos, mais de m’inquiéter de l’extrémisme de certains partis de l’ex- majorité qui évoluent dans une logique guerrière, de défi et d’intimidation. Je m’inquiète parce que je suis partisan de la non-violence ; et je sais que la majorité du peuple s’inquiète également. C’est pourquoi je vous adresse cette lettre interpellatrice. Suite à leurs propos, Eddie Komboïgo et Emile Kaboré ont-ils été entendus par les services de sécurité ? Ou avez-vous décidé de minimiser « ces déclarations de guerre » ?

Je note que le Gouvernement a encouragé « les acteurs politiques à évoluer dans la légalité, à faire preuve de modération et de responsabilités surtout dans leur langage, faits et gestes, afin de sauvegarder la paix et la cohésion sociale ». Mais cela suffit-il face à la gravité des déclarations ? Pour moins que ça, des leaders politiques ont été interpellés par la police et la gendarmerie pour des propos jugés non fédérateurs. Je pense par exemple à Ablassé Ouédraogo qui avait été entendu et gardé des heures durant dans des locaux de la sécurité pour ses déclarations qui, somme toute, sont moins graves que celles d’Eddie Komboïgo et d’Emile Kaboré. Le peuple burkinabè a donc besoin d’être rassuré.

Eddie Komboïgo et les siens ont eu le mérite d’être clairs ; ils nous ont prévenus et avertis. Or « un homme averti en vaut deux ». C’est pourquoi je viens par la présente pour savoir, monsieur le ministre, si face à ces propos, nous valons vraiment deux.

Respectueusement.

Luc Issaka KOUROUMA


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