CRIMES DE SANG, CRIMES ECONOMIQUES ET DIVERS : Un rapport de plus?
Dans mes ballades l’autre jour, j’ai entendu que 5065 crimes divers auraient été commis au Burkina de 1960 à nos jours. Au départ, j’ai cru que c’était encore mes délires de fou qui ont repris. Mais très vite, je me suis rendu compte que ce n’était pas cela, mais une réalité. En effet, l’information a été confirmée à la télévision et à la radio. Et mieux, ce ne sont pas des plaisantins qui ont recensé ces crimes. Ce sont les membres de la Commission de réconciliation nationale et des réformes (CRNR), lesquels ont à leur tête, un homme de Dieu, l’Evêque de Bobo-Dioulasso, Monseigneur Paul Ouédraogo. Le rapport dans lequel sont enregistrés ces crimes a été remis à l’ancien Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, le 14 septembre dernier. J’avoue que j’ai fallu perdre mon latin. Car, le nombre de crimes enregistrés est énorme et effroyable : 5065 dont 145 crimes de sang et autres atteintes à l’intégrité physique, 1258 crimes économiques et autres atteintes aux biens et 4880 pour les cas d’injustices et d’inégalités sociales. Certes, ces crimes ont été commis durant 55 ans mais leur ampleur fait tout de même froid dans le dos. Du reste, on aura remarqué que le plus grand nombre de ces forfaits a été perpétré sous les régimes d’exception, c’est-à-dire, la Révolution d’août 1983 et le Front populaire. Et dire qu’après la journée nationale de pardon, des gens ont eu l’outrecuidance de se transformer en de véritables chacals pour dévorer des honnêtes citoyens et en de prédateurs de deniers publics. Il faut y mettre le holà. Et la seule façon d’y arriver, c’est de demander des comptes à tous ceux qui se sont rendus coupables d’actes indélicats. Tant que les loups ne seront pas encagés, les agneaux ne seront jamais en paix. Certes, certains diront que le fou joue au justicier. Et pourtant, c’est impératif si l’on veut limiter le nombre de veuves et orphelins dans le pays. La vérité rougit les yeux mais ne les crève pas, nous dit un adage populaire. Tant que ces nombreux crimes ne seront pas punis, les rancœurs et le désir de vengeance demeureront tenaces. Il faut avoir le courage de solder nos comptes avec l’histoire, sinon, il sera difficile, voire impossible d’avancer sur le chemin de la réconciliation. Mais il ne faudra pas non plus faire une justice de parodie. Il faut une justice qui ne soit pas mue par la vengeance, ni par la complaisance mais plutôt une justice guidée par le souci de restituer la vérité rien que la vérité. Et il est bien possible de rendre une telle justice pour peu qu’on soit soucieux de la préservation de la paix et de la cohésion sociale. D’ailleurs, on pourrait mettre à contribution les témoins et bourreaux qui sont encore en vie pour élucider certains crimes. De toute évidence, leur collaboration pourrait contribuer à la manifestation de la vérité. C’est vrai que je ne suis pas un psychologue mais tant que le triptyque vérité, justice et réconciliation ne sera pas respecté, il sera presqu’impossible que parents de victimes et bourreaux acceptent de se pardonner et de continuer à vivre ensemble. Cela est d’autant plus vrai que le non respect de ce triptyque en 1999 a conduit à l’organisation d’une journée nationale de pardon qui n’aura pas permis aux Burkinabè de se pardonner. Pour preuve, les crimes recensés par le Collège de sages allant de 1960 à 1999, figurent encore en bonne place dans le présent rapport de la CRNR. Du reste, je crains que ce rapport ne connaisse le même sort que celui produit en 1999 par les sages. Et mon inquiétude de fou, est d’autant plus légitime que depuis plus d’un demi-siècle, la classe politique ne s’est véritablement pas renouvelée. De 1983 à nos jours, la scène politique est toujours monopolisée par les mêmes acteurs. Et quand on sait que c’est dans cette fourchette de temps qu’on a enregistré le plus grand nombre de crimes, les chances que certains d’entre eux soient impliqués dans des crimes, sont grandes. Par conséquent, les espoirs de voir ces derniers, donner une suite favorable aux conclusions du rapport, sont faibles. En tout cas, ce serait fou de compter sur les acteurs politiques par rapport à l’application des conclusions de ce rapport de la CRNR. Il faut plutôt souhaiter que les OSC prennent à bras-le-corps la question de l’application des conclusions de ce rapport afin qu’elles ne dorment pas dans les tiroirs comme les précédentes. Mais peut-on être juge et partie dans une affaire dans laquelle on est mis en cause et la traiter avec diligence et transparence? La réponse semble évidente. Cela dit, ce beau travail de la CRNR est-il un rapport de plus? Wait and see.
Le fou