VERROUILLAGE DE L’ARTICLE 37 : Rester toujours vigilant
Le Conseil national de la transition (CNT) a procédé, le jeudi 5 novembre dernier, à la presque quasi-unanimité de ses membres, au verrouillage de l’article 37 de la Constitution et à la suppression du Sénat. Ainsi, l’article de la loi fondamentale le plus connu des Burkinabè des villes et des campagnes pour les raisons que chacun sait, est désormais reformulée ainsi qu’il suit : « Le président du Faso est élu au suffrage universel direct, égal ou secret pour un mandat de 5 ans. Il est rééligible une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de 2 mandats de président du Faso consécutivement ou par intermittence ». L’on peut saluer cette clairvoyance du CNT parce que par cette nouvelle clause, il vient d’enlever une grosse épine du pied des Burkinabè. Et cela est une suite logique des évènements des 30 et 31 octobre 2014. En effet, l’article 37, dans son ancienne formulation, était entaché à dessein d’ambiguïtés sur lesquelles Blaise Compaoré a surfé pour le modifier à l’effet de s’accrocher au pouvoir. Et l’on connaît la suite. Des dizaines de Burkinabè aux mains nues, qui, légitimement voulaient l’en dissuader, sont tombés sous les balles assassines de sa soldatesque. Mais ce sacrifice n’aura pas été inutile pour la démocratie. Car, de toute évidence, il a conduit le CNT à prendre ses responsabilités, et ce n’est pas trop tôt, par rapport à cette clause maléfique de notre Constitution. Même les députés de l’ex-majorité qui, sous Blaise Compaoré, avaient défendu bec et ongles sa modification au seul profit de leur ancien mentor, ont voté massivement pour l’adoption de sa formulation actuelle qui consacre son verrouillage. On peut aussi leur rendre hommage pour avoir enfin compris que dans une démocratie, les députés ont l’obligation morale et politique de légiférer conformément aux aspirations profondes du peuple. Dans le cas d’espèce, il ne fait aucun doute que le verrouillage de l’article 37 participe du souci du CNT de tirer la démocratie vers le haut en imposant l’alternance. Car, la plupart des malheurs de l’Afrique réside dans la longévité au pouvoir. C’est pourquoi tous les dictateurs qui écument le continent, se rejoignent sur le fait qu’ils ont mis en place dans leurs pays respectifs, des Constitutions qui ne laissent aucune place à l’alternance.
Une démocratie sans possibilité d’alternance s’apparente à un arbre vidé de sa sève nourricière
Pourtant, tout le monde sait, sauf les personnes de mauvaise foi, qu’une démocratie sans possibilité d’alternance s’apparente à un arbre vidé de sa sève nourricière. Le CNT peut donc être fier d’avoir redonné une vitalité à la démocratie burkinabè. Rien que ce seul acte suffit pour dire que le mandat du parlement post-insurrection a fait œuvre utile pour le Burkina. Et il n’aurait eu aucune excuse s’il avait laissé le soin au pouvoir qui sera issu des scrutins du 29 novembre prochain, de le faire. Cela dit, les Burkinabè auront tort de croire que le seul verrouillage de l’article 37 suffit pour les mettre à l’abri de son éventuel déverrouillage. En effet, l’on a vu au Congo Brazzaville. Là-bas, plusieurs verrous étaient prévus dans l’ancienne Constitution, qui empêchaient formellement le président Sassou Nguesso de briguer un 3e mandat. Pour les contourner, il a convoqué un référendum pour mettre en place une nouvelle Constitution. La suite, on la connaît. Le nouveau texte a été adopté avec un score soviétique. Le voisin de l’autre côté de la rive, c’est-à-dire la RDC de Joseph Kabila, est dans cette posture actuellement. Et la France, face à cette mascarade honteuse, n’a pas trouvé mieux à dire que de soutenir la thèse selon laquelle Denis Sassou Nguesso a le droit de consulter son peuple. Ces exemples sont évoqués pour signifier aux Burkinabè qu’en politique, rien n’est définitivement acquis. C’est pourquoi ils doivent rester vigilants de manière à étouffer dans l’œuf toute tentative de remise en cause des avancées démocratiques qui ont été enregistrées sous la Transition. C’est vrai, le Burkina Faso n’est pas le Congo Brazzaville. Mais les politiciens sous nos tropiques ont ceci d’atypique qu’ils ne tirent jamais suffisamment leçon de l’histoire. Certains même donnent l’impression, par leur comportement, d’être amnésiques. Blaise Compaoré, en 1991, avait mis en place une Constitution dans laquelle le nombre de mandats du président du Faso était limité à deux. Les délices et les vertiges du pouvoir l’ont conduit, par la suite, à relire cette disposition pour assouvir sa boulimie du Naam*. Le chemin de l’enfer étant pavé de bonnes intentions, il revient à l’ensemble du peuple burkinabè d’être la sentinelle du renouveau démocratique dont les jalons sont en train d’être posés actuellement par la Transition, de sorte à dissuader tout politicien aventurier qui serait tenté de brader cet héritage précieux.
Sidzabda
*Naam : terme qui signifie en mooré « le pouvoir »