RETOUR DU BURKINA A L’ORDRE CONSTITUTIONNEL NORMAL : Roch doit faire mieux que la Transition qui n’a pas démérité
La Transition burkinabè est en fin de parcours. Le gouvernement de Yacouba Isaac Zida a rendu sa démission et le président de la Transition, Michel Kafando, devra passer le témoin au président élu, Roch Marc Christian Kaboré, aujourd’hui même. Quant au CNT, il est dans la même dynamique. Les députés élus sont convoqués pour la validation des mandats demain, 30 décembre 2015, et l’élection du président du Parlement. A l’heure où elle s’efface pour laisser la place aux nouvelles autorités suite aux élections législatives et présidentielle couplées, des acquis et non des moindres sont à mettre à l’actif de cette Transition mise en place au lendemain de la chute du régime Compaoré. Sont de ces acquis, les avancées dans des dossiers judiciaires brûlants. Les affaires Thomas Sankara et Norbert Zongo, deux symboles du déni de justice au Burkina sous l’ère Compaoré, ont connu des avancées majeures sous la Transition. Les chances que la lumière se fasse sur ces crimes sont désormais bien perceptibles avec les avancées dans les enquêtes portées à l’attention de l’opinion par le Tribunal militaire notamment.
Les résultats de la Transition burkinabè sont désormais un exemple éloquent
Il y a eu également le démantèlement de l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré, le tristement célèbre Régiment de sécurité présidentielle (RSP), qui est un acquis majeur du peuple burkinabè. L’existence et l’action de ce régiment, faut-il le rappeler, constituent une parenthèse douloureuse dans l’inconscient collectif Burkinabè, du fait des crimes horribles dans lesquels certains de ses membres sont présumés avoir trempé. De ce fait, son démantèlement est un soulagement réel pour le peuple burkinabè. Et les derniers soubresauts de ce monstre, bras armé du régime Compaoré, à travers le putsch de septembre 2015 qui a bloqué les institutions et surtout encore endeuillé des familles, a achevé de convaincre même les plus sceptiques qu’il était impérieux de s’en débarrasser. L’un des acquis de la Transition réside également dans la bonne tenue des élections couplées. L’organisation de ces élections a été saluée à bien des égards pour sa qualité, par le peuple burkinabè et la communauté internationale. En effet, la Commission électorale nationale indépendante et les autorités de la Transition, ont réussi le pari de tenir ces élections législatives et présidentielle, quasiment dans les délais initialement fixés ; le léger retard étant imputable à l’action des putschistes du RSP qui se seront illustrés négativement une fois de plus, en actionnant les freins de la locomotive de la Transition. En effet, on était à l’orée de l’ouverture des campagnes électorales quand le coup d’Etat a été perpétré. Nonobstant cela, la Transition a vite relancé le moteur et le train est entré en gare comme il se doit. Ces résultats de la Transition burkinabè sont désormais un exemple éloquent de bonne volonté. Il serait judicieux pour la République centrafricaine par exemple, dont la transition est à la peine, d’en prendre de la graine. Toujours au chapitre des acquis, il faut relever que sous la houlette de la Transition, le Burkina a enregistré une importante activité législative. Cette activité du Conseil national de la transition (CNT) a permis au pays de relire certains de ses textes et d’en adopter de nouveaux. L’aiguillon de ce travail législatif a été la volonté de disposer de textes juridiques qui soient mieux en phase avec les aspirations du peuple ; ce qui est fort à propos, dans ce contexte post-insurrectionnel du Burkina. Le pays a également su relever un autre défi de taille : celui d’éviter la maladie à virus Ebola qui frappait pourtant avec insistance à ses portes, avec par exemple des cas au Mali voisin. D’autres réalisations et non des moindres comme la construction de CSPS, d’infrastructures scolaires, ont été enregistrées. Un autre acquis éminemment majeur est la sacralisation de l’article devenu désormais notre pierre philosophale totémique. Certes, tout n’a pas été parfait. Loin s’en faut. En effet, la Transition a, quelques fois, péché par laxisme ou par crainte du RSP. En témoignent les nominations de certains ministres au début de la Transition, que le peuple a vécues comme une provocation, une remise en cause du Burkina vertueux pour lequel il s’est insurgé. De plus, bien des marchés et non des moindres ont été passés de gré à gré par les autorités de la Transition. Cette procédure, quoique prévue par les textes juridiques en la matière, ouvre facilement la porte au favoritisme, au clientélisme. En tout cas, les Burkinabè auraient préféré des marchés passés selon des procédures qui font jouer à fond, au moins dans le principe, la concurrence et la transparence. La Transition a certainement opté pour le gré à gré, au motif que les procédures des marchés ouverts sont longues et harassantes. Mais, les autorités auraient peut-être mieux fait de relire les textes en la matière, au regard de ces lourdeurs, ce d’autant plus que le besoin de célérité et de transparence dans la passation des marchés publics est une préoccupation nationale réelle. On ne saurait non plus passer sous silence la gestion quelque peu ratée des concours de l’Administration publique où de nombreux cas de fraudes ont été enregistrés. Au total, une dizaine de concours ont d’ailleurs été annulés, non sans hésitation par le gouvernement. Il n’a dû se résoudre à le faire que sous la pression de certains candidats et de l’opinion. On peut relever, à la décharge de l’équipe de la Transition, que bien des autorités étaient des néophytes à leurs différents postes, ce qui n’est pas de nature à faciliter les choses. Aussi, le train de la Transition a dû faire face à des actes de sabotage comme la volonté de certaines personnes de protéger et de restaurer d’une manière ou d’une autre le système Compaoré. Du reste, le défi de succéder à un président qui a fait 27 ans au pouvoir, était évidemment énorme.
Poser les jalons du Burkina nouveau en écho au « plus rien ne sera comme avant » fut donc, pour les autorités de la Transition, un parcours du combattant. On ne balaie pas du revers de la main, facilement, trois décennies de mauvaises pratiques, de gouvernance approximative. La tâche était herculéenne et les obstacles nombreux. Tout cela considéré, on peut dire que le bilan de la Transition est globalement positif. Ces résultats, on les doit également aux partenaires du Burkina dont le soutien aux autorités n’a jamais fait défaut. Mais aussi et surtout au peuple burkinabè qui a surveillé sa Transition comme du lait sur le feu, mieux, qui a veillé sur elle, l’a défendue au prix du sang et des larmes, aux heures les plus sombres de son parcours.
Il revient à Roch et à son équipe aussi de rester dans l’esprit de l’insurrection
Il appartient maintenant au président Roch Marc Christian Kaboré de faire mieux que la Transition qui n’a pas démérité. Il aura certainement la chance de ne pas avoir à composer avec certaines difficultés comme l’existence du RSP, qui a constitué une épine au pied de la Transition jusqu’à son démantèlement. Mais la tâche qui l’attend n’en demeure pas moins ardue. En effet, l’enfant de Tuiré aura la lourde tâche de réconcilier les Burkinabè entre eux. On le sait, le long règne de Blaise Compaoré et sa triste fin ainsi que la tentative de putsch pour ne retenir que cela, ont profondément meurtri et divisé les Burkinabè. Il est impératif que le nouveau président s’attelle à colmater les brèches pour espérer restaurer et consolider l’unité nationale. Mais, cette réconciliation a un préalable : la justice. En effet, pour être vraiment sincères, le pardon et la réconciliation ne peuvent faire l’économie d’une justice impartiale. Lorsque les coupables identifiés reconnaissent leurs crimes et sont sanctionnés comme il se doit, les victimes et/ou leurs ayants droit peuvent envisager le pardon. Le nouveau Président du Faso devrait, au-delà des dossiers pendants que la justice devra pouvoir conduire à terme en toute indépendance, s’atteler à faire régner une société de justice et de vertu. Cela doit se traduire dans sa gouvernance quotidienne et devra passer nécessairement par un choix judicieux des hommes qui seront commis à la tâche. Dès lors, il importe que Roch Marc Christian Kaboré n’ait pas peur des probables grincements de dents qui surviendraient dans son propre camp. Il est notoire qu’il y a du beau monde à la porte du « réfectoire », qui n’attend que son ouverture pour se jeter sur « le gros gâteau ». En effet, beaucoup de ceux qui ont soutenu le candidat Roch rêvent de bénéficier du retour de l’ascenseur en termes de postes de haut rang. Et puis les gagnants de la présidentielle 2015 ont promis un gouvernement d’alliance. Le casting s’annonce donc difficile. Le peuple doit jouer sa partition en faisant preuve de plus de civisme, mais il revient à Roch et à son équipe aussi de rester dans l’esprit de l’insurrection. Le président Kaboré devra mettre un point d’honneur à éviter une inflation des postes ministériels et à s’opposer aux nominations de complaisance. Il serait bien inspiré de faire en sorte que les nominations aux postes ministériels, procèdent d’un savant dosage entre impératifs politiques et obligation de résultats. Le champ est vaste et il faut des ouvriers qualifiés et vertueux pour le labourer et faire germer les graines du développement.
« Le Pays »