INVESTITURE DU NOUVEAU PRESIDENT CENTRAFRICAIN : Les travaux d’Hercule d’un Archange
Elu le 14 février dernier au second tour de la présidentielle centrafricaine, c’est ce 30 mars 2016 que Faustin-Archange Touadéra prête serment pour prendre en main les destinées de la RCA. A l’occasion, les Centrafricains ont mis les petits plats dans les grands pour célébrer le retour de leur pays à l’ordre constitutionnel normal, en refermant la page d’une Transition tumultueuse et émaillée de rebondissements pas toujours heureux qui ont, par moments, donné à désespérer de la Centrafrique, tant tout cela lui donnait les allures d’un serpent de mer. C’est donc logiquement que « Bangui la roquette » s’est refait une beauté en se débarrassant de ses oripeaux, pour accueillir la cent-cinquantaine de personnalités parmi lesquelles des chefs d’Etat et de gouvernement venus assister, au lendemain de la fête de Pâques, à la grand’messe de la « résurrection » de ce peuple qui voit en l’Archange Touadéra, le « sauveur » qui pourrait lui faire oublier les sombres années du passé. Des années sombres qui les auront vus porter une lourde croix sur le chemin de Golgotha. C’est pourquoi l’on peut pousser un ouf de soulagement pour la RCA qui a réussi à vaincre le signe indien, là où l’on pensait qu’elle allait encore continuer à sombrer. Par la grâce du Ciel, les Centrafricains soufflent enfin ! Aussi, même si son bilan est loin d’être rose, la RCA doit une fière chandelle à Catherine Samba-Panza qui aura réussi malgré les rudes épreuves, à conduire le pays aux élections. D’autant plus que la RCA regorge tellement de politiciens ambitieux, pouvoiristes et à l’appétit vorace, que l’on se demandait si la pauvre Dame n’allait pas finir par être dévorée par tous ces caïmans qui nageaient dans les eaux saumâtres de la politique centrafricaine, avec des agendas tellement obscurs que la construction de la maison commune ressemblait à celle d’une chaumière de singes. Les uns retirant du toit la paille que les autres y fixaient. Les Centrafricains ont donc de bonnes raisons de penser qu’une main divine s’est penchée sur eux pour les délivrer enfin de leurs souffrances. Mais il leur appartient désormais de mettre du leur, pour que ce qui s’est passé hier ne se reproduise plus jamais.
Il faut espérer que les Centrafricains tireront leçon de leur histoire pour ne pas retomber dans le précipice
Et c’est là que commencent les travaux d’Hercule pour l’Archange Touadéra dont le défi majeur sera de construire une paix durable dans un pays où la stabilité reste encore fragile. En effet, le nouveau président hérite d’un pays où tout est pratiquement à reconstruire. Dans un contexte où il n’est pas sûr de bénéficier de la même mansuétude accordée à la Transition qui apparaissait comme le résultat d’un certain consensus, l’on peut dire que le plus dur est à venir pour le nouveau président centrafricain. A commencer par la réconciliation nationale qui passe par le désarmement des cœurs, après celui des mains. Pour recoudre le tissu social, il va falloir à Touadéra la patience de Pénélope. Et l’exemple sud-africain pourrait aider les Centrafricains à parvenir à cette catharsis qui leur permettrait de remonter la pente raide de la haine interethnique et interreligieuse, et à la reléguer définitivement aux calendes centrafricaines. Ensuite, il y a le défi de la sécurité et de la restauration de l’autorité de l’Etat, qui est loin d’être une sinécure, dans un pays où les groupuscules armés ne sont pas complètement sous contrôle, malgré l’accalmie observée depuis un certain temps. Et quand on sait que la Transition de Dame Samba-Panza n’a pas véritablement réussi à désarmer et démobiliser les combattants des frères ennemis de la Séléka et des anti-Balaka, l’on mesure à quel point le nouveau président n’hérite pas d’un cadeau d’anniversaire. Toutefois, le simple fait d’avoir pu tenir les élections, est source d’espoir. Enfin, il y a la question de la reconstruction du pays et de sa relance économique que doit accompagner le souci permanent de la justice sociale pour que les retombées économiques ne profitent pas qu’à une minorité. Pour cela, la RCA a plus que jamais besoin de l’accompagnement de la communauté internationale dont il faut saluer, au passage, la persévérance et la patience au chevet du grand grabataire centrafricain. Pour sûr, la Centrafrique revient de loin. Et l’on peut comprendre l’enthousiasme des Centrafricains. Au demeurant, ce pays a tellement souffert que le plus grand mal que l’on puisse lui souhaiter, c’est de ne plus revivre les affres d’une parenthèse du passé qu’il tente aujourd’hui de refermer. C’est pourquoi il faut espérer qu’après être passé par toutes ces étapes, toutes ces douleurs, toutes ces situations affligeantes, les Centrafricains eux-mêmes tireront leçon de leur histoire pour ne pas retomber dans le précipice. Car, s’ils venaient à y replonger, ils ne seraient pas loin de donner raison à tous ceux-là qui viendraient à penser que leur pays est frappé par la malédiction. Dans ce pays à l’histoire mouvementée, il faut aussi espérer que le président Touadéra ne connaîtra pas la même fin que certains de ses prédécesseurs qui ont été chassés du pouvoir. Il lui appartient donc de savoir manœuvrer habilement et de semer les graines d’une gouvernance vertueuse à tous égards.
Outélé KEITA