MISE EN PLACE DE L’OPERATION BARKHANE :Quand la France veille sur le sommeil des Africains
Depuis le dimanche 13 juillet 2014, l’opération « Serval » est officiellement terminée. Elle a été remplacée par l’opération Barkhane. Rappelons que l’opération Serval avait été lancée pour stopper l’avancée des djihadistes et les repousser ensuite jusque dans leurs derniers retranchements dans les montagnes des Ifoghas dans l’extrême nord du Mali. La fulgurance de l’intervention Serval avait été déterminante pour mettre un frein aux velléités expansionnistes des islamistes et empêcher le Mali de devenir un sanctuaire de terroristes de tout acabit. C’est donc avec enthousiasme et reconnaissance que les Maliens avaient chanté les louanges de Hollande « le libérateur ». Un an et demi après, le Mali est certes stabilisé, avec des institutions qui fonctionnent, mais la menace djihadiste est loin d’être complètement écartée, en témoignent les attaques sporadiques qui interviennent encore au Nord-Mali. C’est dans ces conditions que le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a annoncé dimanche dernier, la fin de Serval et le lancement, en lieu et place, de l’opération Barkhane, qui se veut être une opération plus large et permanente de lutte contre le terrorisme au sahel.
Quelle pourrait être la contribution des Africains ?
Pour dissiper les inquiétudes, Le Drian a vite fait de préciser que la France n’abandonnait pas le Mali, et n’en retirait pas ses troupes. Toutefois, les 3 000 hommes de l’opération seront redéployés sur une zone plus large, avec pour mission de lutter contre le terrorisme dans la région du Sahel.
Cette réorganisation du dispositif militaire français dans la sous-région n’est pas sans soulever des questionnements. A ce propos, l’on pourrait se demander quelle pourrait être la contribution des Africains. L’on peut penser que dans sa nouvelle stratégie, la France ne se mettra plus au premier plan, mais soutiendra plutôt les armées africaines dans cette lutte. Cela pourrait avoir été l’un des buts de la tournée de Le Drian, quelques mois plus tôt, dans la sous-région, pour préparer les esprits à cette nouvelle donne qui devrait, au-delà du Mali, concerner plusieurs autres pays africains. Mais il ne faut pas oublier l’adage selon lequel qui trop embrasse, mal étreint. Il faut le dire, cette nouvelle mission risque d’être des plus difficiles eu égard à l’immensité de la région à protéger. Certes, la France a toujours su se donner les moyens de sa politique, mais il n’en va pas de même des pays africains qui pourraient être appelés à une plus grande implication dans la lutte contre le terrorisme. Or, ils y sont, pour la plupart, mal, voire pas du tout préparés.
Les Africains doivent apprendre à s’assumer
Dans le cas spécifique du Mali, ce redéploiement ne donnerait-il pas l’occasion aux djihadistes de reprendre du poil de la bête ? Autant de questions qui laissent les Maliens encore perplexes sur la position de la France par rapport au Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Faudrait-il y voir une volonté de la France, de ne pas s’impliquer davantage dans un problème entre Maliens, qui trouve ses origines dans un passé lointain, et dont la résolution incombe, selon elle, en priorité aux autorités de Bamako ? En tout cas, beaucoup de Maliens voient au MNLA un groupe terroriste et c’est en cela qu’ils s’inquiètent de voir la France partir alors que le travail n’est pas fini à leurs yeux.
Quoi qu’il en soit, pour les autorités françaises, leur mission au Mali est parfaitement accomplie parce qu’ « il n’y a plus de sanctuaire pour les groupes terroristes au Mali ». Désormais, elles se tournent vers d’autres défis.
En étendant sa zone d’intervention du Mali à la région du Sahel, la France veut, de toute apparence, veiller sur le sommeil d’une plus large partie des Africains. Mais qu’on ne s’y trompe pas, elle défend d’abord ses propres intérêts, même si son jeu n’est pas toujours facile à décrypter. Quoi qu’il en soit, plus de cinquante ans après les indépendances, les Africains doivent apprendre à s’assumer et cesser de se complaire dans la situation d’éternels assistés. Surtout la classe dirigeante qui est prompte à clamer sa souveraineté mais qui, dans bien des situations compliquées du fait même de ses turpitudes, est bien obligée, toute honte bue, de recourir à la France. A ce rythme, ce n’est pas demain la veille que les Africains prendront leur destin en main. En tout cas, la France, elle, s’assume. Et c’est résolument qu’elle regarde vers l’avenir qui s’appelle désormais Barkhane pour elle, dans cette région du monde.
Outélé KEITA