ACCUEIL TRIOMPHAL DE BLAISE COMPAORE :Les spécialistes de la mise en scène entrent en jeu
Certains Africains avaient cru naïvement que Barack Obama allait se servir du sommet Etats-Unis/Afrique pour remonter publiquement les bretelles aux tripatouilleurs des constitutions. Certes, John Kerry, le secrétaire d’Etat n’a pas manqué de dire à cette occasion, l’opposition de l’administration Obama à toutes velléités de modification des lois fondamentales pour permettre à des chefs d’Etat de s’accrocher au pouvoir, mais cette sortie, il faut l’avouer, a été quelque peu timide. Les démocrates africains en ont été déçus.
Les partisans de Blaise Compaoré ont tué le veau gras pour célébrer son retour
A contrario, les tripatouilleurs s’en sont réjouis. Il n’est donc pas étonnant que ces derniers reviennent dans leurs palais, plus ragaillardis que jamais. Mieux, certains d’entre eux ont eu droit à un accueil triomphal. C’est le cas de Blaise Compaoré dont les partisans ont tué le veau gras pour célébrer le retour de « l’enfant prodigue », qui a eu de surcroît la témérité d’apporter une antithèse à la célèbre phrase de Barack Obama selon laquelle l’Afrique a plus besoin d’institutions fortes que d’hommes forts. Le CDP et ses alliés sont donc dans leur bon droit de célébrer leur héros, « l’homme fort » du Burkina, à son retour sur la terre libre du Faso. En 1958, Sékou Touré a dit non au Général De Gaulle ; pour cela, il a été auréolé. Blaise Compaoré en 2014, a dit non à l’homme le plus puissant du monde, tenez-vous bien, à Washington. Ce pied de nez à Obama a visiblement mis du baume au cœur des partisans du référendum qui ne se sont pas fait prier pour tresser des lauriers à leur mentor. Mais derrière cet accueil grandiose et inédit, l’on pourrait lire plusieurs messages forts envoyés par le pouvoir à l’opinion internationale et nationale.
A l’opinion internationale, les partisans du référendum veulent simplement signifier que les Burkinabè, dans leur large majorité, sont rassemblés autour de Blaise Compaoré, que ce dernier ne veut pas modifier la Constitution à des fins personnelles, qu’il y est contraint par le peuple « libre » et « souverain » du Burkina. Ils ont donc tenu à en faire la démonstration par une forte mobilisation qui, dit-on, a été spontanée. Blaise Compaoré serait donc en parfaite osmose avec son peuple. A l’opinion nationale et plus particulièrement à l’opposition politique, le message pourrait être le suivant : si Blaise Compaoré n’a pas eu peur de défendre ses convictions politiques devant l’homme qui est censé incarner le mieux la démocratie, ce n’est certainement pas la pression de l’opposition qui va l’amener à y renoncer. Le référendum sera bel et bien organisé. D’ailleurs, ce message pouvait se lire sur certaines banderoles qu’arboraient certains militants.
Eyadema père peut se vanter d’avoir fait des émules au Burkina
De manière générale, l’on peut dire que cet accueil participe d’une opération de communication politique dont le grand et unique bénéficiaire est Blaise Compaoré. Désormais, un grand boulevard s’ouvre devant lui pour renouveler comme il l’entend, son bail à Kosyam. L’opposition pourrait-elle l’en empêcher ? L’on peut en douter. En effet, les opposants burkinabè ont la propension anesthésiante et récurrente à s’abriter derrière le manque de moyens pour justifier leur incapacité à apporter la réplique qui sied au pouvoir. Dans ces conditions, l’on attendra l’alternance comme Godot. Elle n’arrivera jamais. L’opposition doit se convaincre que c’est l’intelligence qui crée les moyens et qu’aucun système politique n’est indéboulonnable, aussi puissant soit-il. Ce n’est certainement pas les jérémiades et autres lamentations sur l’insuffisance des moyens qui peuvent venir à bout de la galaxie Compaoré, qui a eu tout le temps (27 ans) de façonner des institutions acquises et de susciter l’émergence de nouveaux riches qui sont prêts à brûler le pays pour préserver leur quiétude et leurs intérêts. En réalité, la situation au Burkina est simple à résumer. Il y a d’un côté ceux qui ont amassé indûment des richesses colossales avec la complicité du système Compaoré et qui ne ménagent aucun effort pour maintenir à vie la poule aux œufs d’or.
De l’autre, on a le peuple Burkinabè dont la pauvreté et l’ignorance constituent du pain bénit pour le pouvoir, pour le manipuler à sa guise. C’est cette dernière réalité qui peut amener à croire que l’accueil triomphal de Blaise Compaoré dont on dit qu’il a été spontané a été en réalité orchestré par des spécialistes de la mise en scène. Eyadema père, qui a utilisé avec brio cette stratégie pour se maintenir pendant plus de 30 ans au pouvoir, peut se vanter du fond de sa tombe, d’avoir fait des émules au Burkina.
Sidzabda