ALPHA YAGO, A PROPOS DU MEETING DU 29 : « C’est la manifestation d’une forte attente de l’opinion»
Nous sommes à J-1 du premier meeting du Chef de file de l’opposition politique (CFOP), depuis la fin de la Transition. Un meeting que beaucoup attendent surtout depuis que le Chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré, a annoncé que celui-ci sera l’occasion pour les partis de l’opposition, de faire connaître leur « plate-forme de combat ». Pour en savoir davantage sur la mobilisation, nous avons rencontré Alpha Yago, militant du Congrès pour la démocratie et le peuple (CDP) et responsable à la mobilisation, le 26 avril dernier. Avec ce dernier, il a aussi été question de l’intérêt et des attentes de son parti d’un tel évènement.
« Le Pays » : Que devient Alpha Yago, militant du CDP ?
Alpha Yago : Je tiens d’abord à vous remercier de me donner l’occasion de m’exprimer à l’orée de ce grand meeting de l’Opposition. Je suis toujours militant actif du CDP, membre du Bureau exécutif national et membre de la commission ad hoc mise en place pour relancer les activités du parti, mais aussi pour la réorganisation des structures du parti. A côté de cela, je reste toujours actif sur les questions associatives qui sont mon domaine de base depuis de nombreuses années. Au plan professionnel, je suis dans la communication. De manière brève, c’est ce que je peux dire en ce qui me concerne.
Parlant justement de la Commission ad hoc, où en êtes-vous avec le processus de réorganisation des structures du parti ?
Après de nombreuses concertations à tous les niveaux, le processus a finalement été enclenché en février dernier avec Léonce Koné qui a été désigné de manière consensuelle pour diriger la commission. Plusieurs réunions préparatoires ont eu lieu et ont débouché sur l’élaboration d’une directive et d’une feuille de route pour encadrer le processus de renouvellement des structures du parti qui, du reste, est déjà engagé sans tambour ni trompette. La relance de nos activités sur le plan de la communication, est aussi en cours. Nous sommes proactifs maintenant, à travers nos différentes déclarations dans la presse. Il y a plusieurs initiatives qui sont aussi prises par les jeunes. Pas plus tard que le week-end dernier, les jeunes du parti étaient en conclave à Bobo-Dioulasso pour trouver les voies et moyens d’apporter de manière optimale leur contribution à la réussite du processus de renouvellement qui est extrêmement important au niveau du parti.
Que représente le meeting du 29 pour votre parti, le CDP ?
Au-delà du CDP, il faut voir l’ensemble de l’Opposition et le Chef de file de l’opposition politique. Il faut jouer collectif. A partir du moment où nous sommes dans un cadre qui se veut unitaire, nous travaillons au renforcement de la cohésion. Cela dit, ce meeting est, pour nous, l’occasion de pointer du doigt, les insuffisances de la gouvernance du régime actuel, à tout point de vue. Au plan sécuritaire, il convient de souligner que le pays n’a jamais été autant en insécurité. Sur le plan économique, tous les indicateurs sont au rouge. Sur le plan social, on n’a jamais assisté à autant de grèves dans l’administration publique. Ce sont autant de questions qui nous amènent à rassembler nos militants pour leur donner notre lecture des évènements et voir comment nous allons nous projeter dans le futur, par rapport à la situation nationale. Indépendamment de cela, comme l’a dit le Chef de file, Zéphirin Diabré, c’est l’occasion pour l’opposition qui, vous le savez, est disparate, d’harmoniser ses points de vue. Comme vous le savez, des anciens adversaires politiques sont partenaires aujourd’hui. Il y en a qui étaient dans l’opposition pendant que le CDP était au pouvoir. C’est donc une nouvelle manière de travailler et une plate-forme a été mise en place à cet effet. Elle comporte l’ensemble des points de convergences. Lors du meeting, cette plate-forme sera présentée aux militants, aux sympathisants et à l’opinion publique nationale et internationale. Je ne vais pas révéler le contenu de cette plate-forme mais, le samedi, le clou de l’évènement qui sera le discours du chef de file de l’opposition, sera axé sur la présentation de cette plate-forme. Ce sera, si on veut, la boussole de l’opposition « nouvelle version ». Nos attentes sont donc celles de l’opposition dans son ensemble car, ici, il n’est pas question d’individu, ou de parti pris individuellement. Ce qu’il faut mettre en avant, c’est d’abord l’esprit d’équipe et la capacité de dépasser les intérêts personnels pour privilégier l’intérêt général. C’est dans cette dynamique que s’inscrit le CDP et je suis convaincu que c’est le cas pour tous les autres partis.
« L’opposition, c’est le porte-voix de ceux qui sont victimes du régime en place »
Pouvez-vous nous dire, à la date d’aujourd’hui, si les militants du CDP sont mobilisés pour prendre part au rassemblement du 29 avril prochain ?
Parfaitement. Ils sont mobilisés tout comme les militants des autres partis. Je préside la commission chargée de la mobilisation au CFOP (Chef de file de l’opposition politique) et nous avons décidé, en collaboration avec le comité d’organisation, de permettre à chaque parti de mettre en place son propre comité d’organisation pour la mobilisation. Au niveau du CFOP, le comité d’organisation et la commission en charge de la mobilisation en particulier, ont pour rôle de coordonner ce dispositif de mobilisation au niveau des arrondissements. Ces arrondissements ont ensuite en charge de mobiliser au niveau des secteurs et des comités de base. Nous estimons que chaque parti, quelle que soit sa taille, peut apporter sa contribution à partir du moment où l’on parle de mobilisation. Nous avons donc mis l’accent sur la méthode participative et inclusive pour que chaque compétence et expertise puisse être mise à contribution pour que l’activité du 29 avril soit une réussite. Je précise, au passage, que la coordination du comité d’organisation est conjointement présidée par Léonce Zagré de l’UPC et Boubacar Sawadogo du CDP. Cela montre qu’il y a une volonté réelle de marcher main dans la main. Il y a 7 autres commissions au sein desquelles tous les partis du CFOP sont représentés. C’est dire donc qu’il y a une véritable volonté d’associer tous les acteurs de l’opposition à la réussite de cette activité, car nous savons que seule l’union fait la force.
Pensez-vous que tenir un tel mouvement, au regard du contexte actuel, est opportun ?
Qui est-ce qui décide de l’opportunité d’un rassemblement de parti politique ? Est-ce qu’il appartient à une autre formation politique ou à une OSC de décider du contenu du programme d’un parti politique ?
Je ne le pense pas. L’opposition est un regroupement de partis qui ont une véritable assise nationale. Quand on regarde leur représentation au sein de l’Assemblée nationale et au sein des conseils municipaux, on se rend compte que la légitimité est claire et nette. De ce fait, ils ont des partisans qui font partie de la population burkinabè et qui ont des aspirations. Les leaders de ces partis de l’opposition n’ont donc pas autre rôle à jouer que de traduire en projets, en vision, le ressentiment de l’opinion. L’opposition, c’est le porte-voix des sans voix, des laissés-pour-compte et des victimes du régime en place. Donc, l’organisation du meeting du 29 ne tient pas à la seule volonté d’un parti quelconque encore moins d’un individu. C’est la manifestation d’une attente forte de l’opinion. Certains ont même estimé que le meeting arrive trop tard. C’est dire qu’au niveau de l’opposition, nous sommes à l’écoute des populations. Nous exprimons un point de vue, celui de nos militants qui ont les mêmes droits que n’importe quel autre militant d’un parti politique, fût-il au pouvoir. Nous décidons de l’opportunité, sur la base des informations que nous recevons de la base. Alors que la base, aujourd’hui, est mécontente de la gestion du pays. Elle est victime de l’augmentation du coût de la vie qui n’a jamais été aussi élevé. Je me demande même si nous n’allons pas battre tous les records en termes d’augmentation des prix des denrées de première nécessité. Ce sont autant de mécontentements qu’il faut donc traduire à travers des cadres civilisés et républicains.
Selon certaines indiscrétions, le CDP entend profiter de la tribune du meeting pour demander le retour de Blaise Compaoré au Burkina. Qu’en dites-vous ?
Le CDP est un parti organisé, qui a des instances qui fonctionnent très bien. Si nous voulons le faire, pourquoi impliquer d’autres partis qui ne partagent pas forcément la même vision que nous en ce qui concerne ce volet ? Ce n’est pas objectif. Si nous souhaitons le faire, nous disposons des tribunes nécessaires. Plusieurs militants se sont prononcés sur cette question, au nom du parti. Je réaffirme que le CDP est un parti responsable qui sait faire la part des choses entre les activités qui regroupent un certain nombre de partis et les activités orientées vers ses propres préoccupations. Les questions de prisonniers politiques et d’exilés et d’une manière générale, de la réconciliation, sont une préoccupation majeure au sein du CDP. C’est une problématique globale qu’il faut régler à l’échelle nationale. Mais, je comprends cette polémique. Ce sont des techniques d’intoxication, pour tenter de démobiliser et jeter le discrédit sur le meeting. Mais je pense que c’est une tentative vaine, qui peut même produire l’effet contraire. Parce que le président Compaoré, quoi qu’on dise, reste un Burkinabè et il a vocation, tôt ou tard, à revenir dans notre pays pour contribuer à sa façon au développement et apporter son expertise et son savoir-faire sur la gestion. Cela n’est pas un crime en soi. Mais, le CDP ne peut pas profiter d’une activité qui regroupe plusieurs autres organisations pour défendre des positions personnelles. Nous sommes un parti responsable et nous accordons beaucoup de prix à l’intérêt général au sein du CFOP.
Interview réalisée par Adama SIGUE