PRESIDENTIELLE AU RWANDA : Des élections pour quoi faire ?
Aujourd’hui 4 août 2017, les Rwandais se rendront aux urnes pour élire leur nouveau président. Face à l’omnipotent président sortant, Paul Kagame, deux candidats dits de l’opposition, Frank Habineza et Philippe Mpayimana, feront office de sparring-partners à l’homme mince de Kigali qui brigue un troisième mandat, après avoir opéré une modification constitutionnelle qui lui permet de se présenter jusqu’en 2034. C’est pourquoi il n’est pas permis de douter un seul instant de sa victoire à ces élections qui se présentent comme une simple formalité, avec des adversaires qui ne sont ni plus ni moins que des candidats « motards » chargés d’escorter l’homme fort de Kigali à son nouvel-ancien palais présidentiel. En effet, depuis la nuit des temps, d’opposants sérieux en liberté, l’on n’en connaît pas à Paul Kagame qui dirige son pays d’une main de fer depuis 17 ans. Et à moins d’un tremblement de terre de forte magnitude, on ne voit pas comment Frank Habineza et Philippe Mpayimana, deux illustres inconnus dont les noms ne feraient même pas trembler une mouche, pourraient inquiéter le maître de Kigali au point de l’empêcher de dormir tranquille. C’est pourquoi l’on ne peut s’empêcher de se poser la question suivante à propos de cette présidentielle rwandaise sans véritable enjeu : des élections pour quoi faire ? Ce d’autant plus qu’avant même le début du scrutin, le vainqueur est connu d’avance. Ce sera sans surprise Paul Kagame. En tout cas, ce ne sont pas les chefs d’Etat de l’Union africaine (UA) qui diront le contraire ; eux qui avaient préventivement désigné leur pair rwandais comme le prochain président en exercice de l’institution panafricaine, en succession au Guinéen Alpha Condé. Une maladresse à la limite de l’indécence, qui vient rappeler, si besoin en était, bien tristement l’état d’esprit des têtes couronnées du continent dont certains se croient indispensables à la tête de leur peuple. Pour en revenir au Rwanda, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’élection présidentielle du 4 août est un scrutin pour la forme. Juste pour entériner le troisième mandat consécutif de Paul Kagame.
C’est au Rwanda d’écrire son histoire
Mais pouvait-il en être autrement ? Dans les circonstances actuelles, cela serait difficile. Et pour cause. Premièrement, Paul Kagame n’a pas d’adversaire à sa taille dans ce Rwanda où il règne en maître absolu, incontestable et incontesté. Deuxièmement, quoi que l’on dise et malgré les méthodes quelque peu spartiates de l’homme qui peuvent donner de l’urticaire aux démocrates du continent, le Rwanda de Paul Kagame renvoie aujourd’hui l’image d’un pays stable et prospère. Et cela est à l’actif du natif de Tambwe dont le bilan, assurément, parle en sa faveur. Enfin, ce dirigeant austère dont tout porte à croire qu’il est plus craint qu’aimé, est le chouchou des Occidentaux dont il bénéficie aussi du soutien sans faille. Mais là où le président rwandais gagnerait à changer son fusil d’épaule, c’est sur la question de la démocratie et du respect des libertés individuelles. En effet, l’homme fort de Kigali a verrouillé le système au point de paraître aujourd’hui comme un homme indispensable pour son pays. Laissant peu de place à la contestation, tant et si fait que l’opposition est réduite à sa plus simple expression. Et l’on ne peut pas dire que la liberté d’expression est de nos jours une réalité au Rwanda. Or, il est bien connu que l’homme ne vit pas que de pain, mais aussi de liberté. De cette liberté si chère à l’espèce humaine, qui n’a pas de prix et qui fait la dignité de l’homme. Car, l’esclave qui mange à sa faim mais qui n’est pas un homme libre, ne saurait se satisfaire de son sort. C’est pourquoi Paul Kagame devrait travailler à desserrer l’étau et à enraciner véritablement la démocratie dans son pays, en ayant pour objectif principal de rétablir la confiance entre ses compatriotes, avec une volonté réelle de vivre-ensemble. Car, son pays revient de loin, avec une histoire particulièrement chargée d’horreur, encore fraîche dans les mémoires. Mais si au lieu de cela, Paul Kagame doit continuer dans la voie de la restriction des libertés individuelles et de l’étouffement des voix discordantes qui sont en passe d’être l’apanage de son pouvoir, il court le risque de voir certains de ses compatriotes accumuler des rancœurs et des frustrations dont l’explosion pourrait avoir des conséquences incalculables. C’est le danger qui guette le Rwanda, mais c’est à lui d’écrire son histoire.
Outélé KEITA