TOURNEE AFRICAINE DE ERDOGAN : Tapis rouge pour un dictateur !
Deux mois après une première tournée qui l’a amené au Tchad, au Soudan et en Tunisie, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, est de retour sur le continent africain, pour un nouveau périple qui le verra parcourir l’Algérie, la Mauritanie, le Sénégal et le Mali. Une offensive diplomatique qui vise à positionner la première puissance économique du Moyen-Orient, par ailleurs 13e puissance économique mondiale, sur un continent qui fait aussi la convoitise des grandes puissances. En effet, de l’Europe à l’Amérique en passant par l’Asie où l’empire nippon et l’empire du Milieu rivalisent d’initiatives de séduction envers dame Afrique, il n’est pas jusqu’à la lointaine Inde qui n’ait pas montré de l’intérêt pour le continent noir.
L’Afrique a indéniablement des atouts à revendre
C’est dire que l’Afrique est aujourd’hui au centre de nombreux intérêts, car il est un vaste marché à conquérir pour toutes ces grandes nations dont les dirigeants se relayent à son chevet, dans une sorte de course à qui décrochera le saint graal. Et si le continent noir fait l’objet de tant de convoitises et d’intérêt de la part des grands de ce monde, ce n’est pas pour rien. C’est qu’il a indéniablement des atouts à revendre. Le paradoxe est que malgré ses richesses, ce continent reste parmi les plus pauvres du monde et la plupart de ses pays végètent dans les profondeurs du classement mondial en matière de développement. D’où la nécessité de changer de paradigme pour que nos pays puissent tirer le meilleur parti de ces relations de coopération bilatérale et multilatérale, à l’effet de tirer les populations de la misère qui est leur lot quotidien. Cela dit, dans tous les pays qu’il sillonnera, le maître d’Ankara se verra dérouler le tapis rouge par ses hôtes. Si cela est protocolairement dans l’ordre normal des choses, il n’en demeure pas moins que l’image que nombre de démocrates africains se font le plus de ce dirigeant du vieux continent, est celle d’un dictateur impitoyable qui a mis au pas son peuple, après avoir cloué au pilori tous ses adversaires politiques. En effet, on se rappelle encore le traitement qui a été celui de tous ceux qui ont été jugés coupables d’avoir trempé dans le coup d’Etat de la mi-juillet 2016 qui visait à le renverser et qui a finalement échoué. Il s’en est suivi une grande purge au sein de la Grande muette, qui a vu le renvoi de pas moins de 149 généraux et amiraux pour « complicité dans la tentative de coup d’Etat » et l’exclusion de plus de 1 000 officiers pour cause « d’indignité » et de plus de 1 600 soldats pour « conduite déshonorante ». Et ce n’est pas tout. Au lendemain du coup d’Etat, le ministère de la Défense annonçait la suspension de 262 juges et procureurs militaires, pendant qu’il était procédé à la fermeture de près de 130 médias dont 16 télévisions et 45 journaux, avec à la clé des mandats d’arrêt lancés contre une quarantaine de journalistes. Dans le même temps, un décret présidentiel ordonnait la fermeture d’un millier d’écoles privées et d’une quinzaine d’universités liées à son ennemi juré, le prédicateur Fethullah Gülen, réfugié aux Etats-Unis, qu’il charge de tous les péchés de son pays et dont il ne cache pas ses intentions de lui régler définitivement ses comptes. Du reste, sur le continent africain, l’on a aussi assisté à cette O.P.A sur certaines de ces fameuses écoles Fetullah Gülen, qui avait fait couler beaucoup d’encre et de salive dans certains pays. Notamment au Sénégal et au Mali où des parents d’élèves s’étaient bruyamment fait entendre en manifestant leur colère.
Erdogan n’est pas le genre de dirigeants que les démocrates africains aimeraient voir au contact de leurs chefs d’Etat
On se demande donc si à Bamako, ce sujet sera remis sur le tapis, à l’occasion de la visite du président turc. Rien n’est moins sûr. D’autant plus qu’en cas d’évocation du sujet dans certains milieux, il n’est pas exclu que cela fasse ressurgir des ressentiments, alors qu’en pareilles circonstances, il est souvent mieux d’éviter les sujets qui fâchent. Bref, c’est dire si l’homme fort d’Ankara ne badine pas avec son pouvoir qu’il a d’ailleurs profité pour renforcer, au sortir de ce putsch manqué qui a fait des vagues en Turquie et même au-delà. En tout état de cause, aujourd’hui, c’est un Erdogan jouissant des pleins pouvoirs, qui mène son pays à la baguette. C’est donc en véritable potentat que le président turc est en train d’étendre ses tentacules et de tisser sa toile sur le continent africain. Et c’est de bonne guerre, pour les ambitions qui sont les siennes. Mais pour les démocrates du continent, ce n’est pas le genre de dirigeants qu’ils aimeraient voir au contact de leurs chefs d’Etat dont beaucoup sont déjà gagnés par la boulimie du pouvoir et ne rêvent que de pouvoir à vie. Ce sont eux les véritables bourreaux de l’Afrique, qui l’empêchent de connaître un véritable décollage économique. Mais la diplomatie a ses règles que la raison du citoyen lambda ignore. Tapis rouge donc, pour ce dictateur venu des rives de l’Euphrate.
« Le Pays »