CRISE SOCIOPOLITIQUE EN GUINEE : Ainsi donc le médiateur aurait besoin d’un médiateur !
En Guinée, le mercure social ne retombe pas. En effet, après la chaude journée du 12 mars dernier où syndicalistes et opposants étaient dans la rue pour des revendications sociales et politiques, c’est une nouvelle journée de tensions qui s’annonce ce 14 mars, avec les nouvelles manifestations prévues par l’opposition qui continue de contester les résultats des élections locales du 4 février dernier. Pour elle, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) est loin d’avoir été impartiale. Pire, elle aurait agi non seulement en faveur du pouvoir, mais aussi en collusion avec ce dernier. Et l’opposition dit disposer d’éléments de preuves de « la falsification des résultats avec la complicité de la CENI, des magistrats et des responsables de l’administration ». C’est dire si en Guinée, l’on est encore bien parti pour une longue crise politique dont le dénouement risque de nécessiter l’intervention dune tierce partie. Du reste, certains Guinéens évoquent même déjà l’éventualité d’une médiation extérieure, d’autant plus qu’à l’interne, ils ne semblent disposer d’aucun recours crédible possible. En tout cas, l’opposition ne dit pas autre chose quand elle affirme que « ce qui est plus choquant, c’est le fait que la Justice, qui est une institution censée être indépendante dans notre pays, ait carrément démissionné. Donc, nous ne nous arrêterons pas et nous continuerons de manifester aussi longtemps que nous ne serons pas rétablis dans ce qui est notre droit… ». Ainsi donc, Alpha Condé, le médiateur guinéen dans la crise togolaise, aurait lui-même besoin d’un médiateur ! Cela n’est pas sans rappeler un certain Blaise Compaoré au Burkina Faso, qui était passé maître dans les médiations sous-régionales et qui, au soir de son règne, avait eu besoin d’un médiateur entre lui et son peuple. La suite, on la connaît. Le natif de Boké est-il en train de marcher sur les pas de l’enfant terrible de Ziniaré ? L’histoire nous le dira.
La grogne sociale et politique doit sonner comme un avertissement pour Alpha Condé
En attendant, une fois de plus, la Guinée est en train de renvoyer au reste du monde une mauvaise image de sa démocratie, en donnant à croire qu’élection rime avec violences. Hier, comme aujourd’hui, la CENI est encore pointée du doigt. Mais comment peut-il en être autrement quand ses dysfonctionnements sans cesse répétés dans l’organisation des élections, n’ont jamais été corrigés ? Aujourd’hui, cette situation a jeté un discrédit total sur cette institution qui est accusée, à tort ou à raison, d’être inféodée au pouvoir dont elle joue le jeu. Pourtant, avec l’arrivée de Alpha Condé au pouvoir, l’on avait pensé que les choses changeraient et que le professeur mettrait un point d’honneur à arrimer véritablement son pays à la démocratie, sachant que cela passe par des élections fiables et crédibles. Mais là, tout porte à croire que les carences de cette institution profitent tellement au parti au pouvoir que le chef de l’Etat a choisi le douillet confort de l’inaction pour en tirer le maximum de profits. En tout état de cause, Alpha Condé est bien placé pour savoir qu’il ne sert à rien d’aller jouer les pompiers ailleurs quand on a soi-même des feux domestiques qui menacent de tout détruire. Et cette grogne arrive au mauvais moment pour lui, puisqu’il s’achemine inexorablement vers la fin de son deuxième mandat constitutionnel sans avoir fixé ses compatriotes sur ses véritables intentions quant aux velléités de troisième mandat qu’on lui prête. Encore qu’après huit ans de règne et deux mandats d’une gouvernance parfois décriée, les Guinéens restent encore largement sur leur faim. C’est pourquoi cette grogne sociale et politique doit sonner comme un avertissement pour Alpha Condé, pour qu’il renonce définitivement, si tant est qu’il ne l’ait jamais eue, à toute idée de troisième mandat. En tous les cas, comme le dit l’adage, « il n’y a pas de fumée sans feu ». Et ce serait une preuve de sagesse, pour l’octogénaire président guinéen qui pourrait ainsi s’éviter l’éventualité d’une sortie de l’Histoire par la petite porte. Ce ne sont pas le Zimbabwéen Robert Mugabe encore moins le Sud-africain Jacob Zuma qui diront le contraire.
Outélé KEITA