NOMINATION DES JUGES DU TRIBUNAL MILITAIRE : Le Conseil constitutionnel rejette la requête des avocats de la défense
Le Conseil constitutionnel a rejeté, hier mardi 20 mars 2018, la requête des avocats de la défense qui dénonçaient la nomination des juges du Tribunal militaire par décret. Pour le Conseil constitutionnel, le Tribunal militaire est une juridiction d’exception. Et de ce fait, cette dernière peut déroger au droit au Conseil supérieur de la magistrature, c’est-à-dire que la nomination des juges par décret est acceptable. Voici l’intégralité de la décision du Conseil constitutionnel.
« Décision n° 2018-006/CC sur le recours en inconstitutionnalité des articles 14 de la loi n° 24/94/ADP du 24 mai 1994 portant Code de justice militaire et 18, alinéa 3, de la loi modificative n° 044-2017/AN du 04 juillet 2017.
Décision n°2018-006/CC sur le recours en inconstitutionnalité des articles 14 de la loi n°24/94/ADP du 24 mai 1994 portant Code de justice militaire et 18, alinéa 3, de la loi modificative n°044-2017/AN du 04 juillet 2017.
Le Conseil constitutionnel ;
Vu la Constitution;
Vu la loi organique n° 011-2000/AN du 27 avril 2000 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement du Conseil constitutionnel et procédure applicable devant lui ;
Vu la loi organique n° 049-2015/CNT du 25 août 2015 portant organisation, composition, attributions et fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature ;
Vu la loi n° 24/94/ADP du 24 mai 1994 portant Code de justice militaire, ensemble ses modificatifs ;
Vu le règlement intérieur du Conseil constitutionnel du 06 mai 2008 ;
Vu la décision n° 2010-05/CC du 24 mars 2010 portant classification des délibérations du Conseil constitutionnel ;
Vu la requête du 12 mars 2018 aux fins de déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 14 de la loi n° 24/94/ADP du 24 mai 1994 portant Code de justice militaire et de l’article 18, alinéa 3, de la loi n° 044-2017/AN du 04 juillet
2017 portant modification de la loi n° 24/94/ADP du 24 mai 1994 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï le Rapporteur ;
Considérant que par requête du 12 mars 2018, enregistrée au greffe du Conseil constitutionnel le 13 mars 2018 sous le numéro 067, messieurs DIANDA Abdoul Kadri et COMPAORE Relwindé, tous lieutenants des Forces Armées Nationales, ont introduit auprès du Conseil constitutionnel un recours en inconstitutionnalité de l’article 14 de la loi n° 24/94/ADP du 24 mai 1994 portant Code de justice militaire et de l’article 18, alinéa 3, de la loi n°044-2017/AN du 04 juillet 2017 portant modification de la loi n°24/94/ADP du 24 mai 1994 ;
Considérant qu’aux termes de l ‘article 152, alinéa 1, de la Constitution, « le Conseil constitutionnel est l’nstitution compétente en matière constitutionnelle et
électorale. Il est chargé de statuer sur la constitutionnalité des lois, des ordonnances, ainsi que de la conformité des traités et accords internationaux avec la Constitution » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 157, alinéa 2, de la Constitution, « … tout citoyen peut saisir le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui le concerne devant une juridiction …» ;
Considérant qu’il est établi aux termes de l’arrêt aux fins de mise en accusation du Tribunal militaire, que DIANDA Abdoul Kadri et COMPAORE Relwindé sont tous poursuivis devant le Tribunal militaire de Ouagadougou pour des infractions diverses; qu’en outre, l’avis à conseil du 6 mars 2018 de la même juridiction informait les avocats des mis en cause que la chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou siégera le mercredi 21 mars 2018 et jours suivants, à l’effet de statuer sur divers dossiers, dont ceux cités ci-dessus ;
Considérant que la saisine du Conseil constitutionnel, suivant la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité, pour connaître d’une question relevant de sa compétence, est régulière conformément aux articles 152 et 157 de la Constitution; que par conséquent, la requête doit être déclarée recevable ;
Considérant que les requérants dénoncent les dispositions des articles 14 et 18, alinéa 3, du code de justice militaire, en ce qu’elles permettent la nomination ou désignation par décret, ou par décret pris en Conseil des ministres des magistrats devant siéger au Tribunal militaire; qu’ainsi, les articles 14 et 18, alinéa 3, précités violent tour à tour l’article 134 de la Constitution qui soumet pour une bonne administration de la justice, la nomination ou l’affectation de tout magistrat dans une juridiction, à la décision du Conseil supérieur de la magistrature ;
Considérant qu’ils précisent que c’est sur la base de ces articles 14 et 18, alinéa 3, incriminés, du code de justice militaire, que le Président du Faso a pris le décret n° 2018-0006/PRES/PM/MDNAC/MJDHPC du 23 janvier 2018 portant renouvellement des membres du Tribunal militaire de Ouagadougou au titre de l’année judiciaire 2017-2018, pour nommer et affecter des magistrats au siège du Tribunal militaire ; qu’en conséquence de ce qui précède, ils sollicitent le Conseil constitutionnel aux fins de déclarer les articles 14 et 18, alinéa 3, précités, contraires à la Constitution ;
Considérant que l’article 14, alinéa 1, de la loi n° 24/94/ADP du 24 mai 1994 portant Code de justice militaire dispose que « les magistrats de l’ordre judiciaire · appelés à présider ou à siéger dans les tribunaux militaires sont choisis dans les Cours d’appel du lieu où siègent ces tribunaux»; que l’alinéa 2 précise que « la désignation des présidents titulaires de l’ordre judiciaire a lieu chaque année au début de la rentrée judiciaire. Elle se fait par décret pour une durée d’un an et ne cesse que lorsqu ‘il a été procédé à un renouvellement » ;
Considérant qu’aux termes de l ‘article 18, alinéa 3, de la loi n°24/94/ADP du 24 mai 1994 portant Code de justice militaire, « tous les membres du Tribunal militaire sont nommés par décret pris en Conseil des ministres» ;
Considérant qu’aux termes de l’article 134 de la Constitution «le Conseil supérieur de la magistrature décide des nominations et des affectations des magistrats » ;
Considérant que le Tribunal militaire est une juridiction spécifique; que les nominations et les affectations dans cette juridiction dérogent aux règles de droit commun ; que ces nominations et affectations ne sont pas du ressort de compétence du Conseil supérieur de la magistrature; qu’il s’ensuit que les articles 14 et 18, alinéa 3, de la loi n° 24/94/ADP du 24 mai 1994 portant Code de Justice militaire, ensemble ses modificatifs, ne sont pas contraires à la Constitution ;
Décide:
Article 1er : la requête de messieurs DIANDA Abdoul Kadri et COMPAORE Relwindé est recevable.
Article 2 : les articles 14 et 18, alinéa 3, de la loi n° 24/94/ADP du 24 mai 1994 portant Code de justice militaire, ensemble ses modificatifs, sont conformes à la Constitution.
Article 3 : la présente décision sera notifiée au Président du Faso, au Premier Ministre, au Président de 1’Assemblée nationale, aux requérants et publiée au Journal officiel du Burkina Faso.
Ainsi délibéré par le Conseil constitutionnel en sa séance du 20 mars 2018 où siégeaient :
Président
Monsieur Kassoum KAMBOU
Membres
Monsieur Bouraima CISSE
Madame Haridiata DAKOURE/SERE
Monsieur Larba YARGA
Monsieur Bamitié Michel KARAMA
Monsieur Georges SANOU
Monsieur Victor KAFANDO
Monsieur Sibila Franck COMPAORE
Monsieur Idrissa KERE
Monsieur Balamine OUATTARA
Assistés de Monsieur Daouda SAVADOGO, Secrétaire général