DELOCALISATION DU CONSEIL DES MINISTRES
2020 est déjà là !
Le Conseil des ministres, en sa séance du 2 mai 2018, a décidé, entre autres, de la délocalisation de la tenue de ses séances. Selon l’Exécutif, cette initiative « permettra au gouvernement, en marge des travaux, d’échanger avec les populations sur leurs préoccupations et de constater de visu les différentes réalisations entrant dans le cadre du Plan national de développement économique et social (PNDES) ». Les objectifs avancés sont louables. Car, tout gouvernement, pour autant qu’il soit responsable, a le souci d’évaluer sur le terrain l’effectivité et l’efficacité des actions initiées en faveur des populations. Mais l’on peut se demander si véritablement le simple fait de délocaliser, de façon tournante, la tenue des Conseils des ministres dans les régions, est la bonne formule pour cet exercice d’évaluation. L’on peut en douter. Car, les services déconcentrés de l’Etat sont censés faire au quotidien ce travail. Et dans un pays normal, le point doit être fait de manière périodique au gouvernement pour appréciation. Les 13 gouverneurs ont cette obligation dans leurs attributions. Ces grands commis de l’Etat, qui, logiquement, ont la confiance du gouvernement, le représentent à l’échelle de la région. Ils sont aidés par les hauts-commissaires à l’échelle de la province et par les préfets à l’échelle du département. Si ces personnalités de l’Administration sont incapables de prendre langue avec les populations autour de leurs préoccupations et de suivre l’évolution du Plan national de développement économique et social dans leurs circonscriptions administratives, l’on peut se poser la question de savoir pourquoi l’Etat a mis en place ces fonctions. L’on peut d’autant plus se la poser, au regard des dépenses que ces structures politico-administratives occasionnent pour l’Etat. Si elles sont superfétatoires, puisque la délocalisation de la tenue du Conseil des ministres semble le dire, l’Etat doit en tirer toutes les conséquences.
Il peut s’agir d’une pré-campagne qui ne dit pas son nom
L’une d’elles est donc de les supprimer. Et le contribuable burkinabè ne s’en offusquerait pas outre mesure. Cette argumentation tend à démontrer que les objectifs, les vrais pour lesquels le gouvernement délocalise la tenue des Conseils des ministres, sont cachés. Il peut s’agir d’une pré-campagne qui ne dit pas son nom, avec en ligne de mire la présidentielle de 2020. Sous prétexte donc « d’échanger avec les populations sur leurs préoccupations et de constater de visu les différentes réalisations du PNDES », Roch Marc Christian Kaboré pourrait s’abriter derrière les Conseils des ministres délocalisés pour se livrer à des opérations de séduction des populations, dans la perspective de la présidentielle de 2020. Outre cette perception de la délocalisation de la tenue des Conseils des ministres, l’on peut se permettre également de dire un mot sur son coût. Ces grosses cylindrées ministérielles qui vont bientôt prendre d’assaut nos régions sont extrêmement gourmandes en termes de carburant. A cela, il faut certainement ajouter les énormes frais de mission qui seront servis à la pléthore de ministres, à d’autres fonctionnaires et agents publics chargés de mettre les petits plats dans les grands pour que nos illustres déplacés puissent « travailler » dans les conditions les meilleures. Et toute cette débauche de ressources pour quels résultats, peut-on se demander ? Juste pour des villégiatures et des bains de foule, peut-on répondre. Ils ont donc raison, tous les Burkinabè qui sont déjà vent debout contre cette innovation gouvernementale. Lorsque le pouvoir de Blaise Compaoré avant décidé de la délocalisation de la célébration du 11-Décembre de façon tournante dans les région, bien des Burkinabè avaient applaudi car le bien- fondé de la formule était difficilement attaquable. C’est d’ailleurs pour cela que le pouvoir actuel a fait l’option de s’inscrire dans la continuité.
Cette quasi-unanimité ne peut pas s’observer à propos de la délocalisation des Conseils des ministres à cause de son caractère populiste et dispendieux. Mais si malgré tout, le gouvernement tient à sa chose, l’on peut lui suggérer, lorsqu’il se rendra au Sahel, de mettre le cap sur Djibo. Et comme il veut constater de visu les choses, l’opportunité lui sera donnée de voir des écoles fermées, des populations en proie à la famine et à la soif, des femmes et des enfants fuyant les attaques terroristes et l’on en oublie.
Sidzabda