CANDIDATURE DU PRESIDENT CAMEROUNAIS A UN 7E MANDAT
Seule dame nature peut contrarier Biya
Du haut de ses 85 hivernages dont 36 déjà passés à la magistrature suprême, le président camerounais , Paul Biya, vient d’annoncer sa candidature pour un 7e mandat. De manière solennelle, il a justifié cela en ces termes : « Chers compatriotes du Cameroun et de la diaspora, conscient des défis que nous devons ensemble relever pour un Cameroun encore plus uni, stable et prospère, j’accepte de répondre favorablement à vos appels pressants. Je serai votre candidat à la prochaine élection présidentielle ». Cette annonce via son compte Twitter officiel, n’est pas une surprise. Bien des observateurs de la scène politique camerounaise l’avaient, en effet, prédite.
C’est en véritable papy que Biya vient d’annoncer sa candidature
Maintenant que Paul Biya a tombé le masque, l’on peut se permettre de faire le constat suivant : après la retraite forcée du vieux Bob du Zimbabwe, Paul Biya est désormais le doyen d’âge des présidents africains. Et en matière de longévité à la magistrature suprême, il trône à la 2e place après Teodoro Obiang Nguema Mbassogo. En rappel, ce dernier tient les manettes de la Guinée équatoriale, depuis le 3 août 1979. C’est donc en véritable papy que Paul Biya vient d’annoncer sa candidature et ce, pour un 7e mandat. Et il n’aura pas besoin de battre campagne pour prolonger son séjour au palais d’Etoudi. En effet, au sein de son parti, le RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais), Paul Biya a rendu taboue la question de sa succession. Même en privé ou encore en rêve, le sujet n’est jamais évoqué. Et brochant sur le tout, chez les Bantous, c’est un péché de lèse-majesté d’évoquer la succession du roi, de son vivant. Ce parallèle avec les us et coutumes de ce peuple, vaut son pesant d’or. Car, en un mot comme en mille, Paul Biya gère le Cameroun comme un chef qui gouverne son royaume. Et ses sujets le lui rendent bien en termes d’allégeance, de génuflexions et de culte de la personnalité. Au rythme où vont les choses, l’homme pourrait être tenté, comme l’a déjà fait Bokassa, de se faire couronner empereur du Cameroun. Il se susurre, en effet, dans de nombreux débits de boisson du pays, que cette hypothèse n’est pas farfelue. De ce point de vue, après l’avènement de Paul Biya 1er, l’on pourrait s’attendre à celui de Franck Biya 2, son fils aîné. Et au- delà de son parti, Paul Biya a réussi le tour de force de réduire l’opposition à sa plus simple expression. Comme le disent les Ivoiriens, il n’y a pas « garçon pour Biya » au Cameroun. En octobre prochain donc, Paul Biya remportera sans coup férir la présidentielle. Et l’on pourra le retrouver 7 ans après, en train de postuler encore pour un 8e mandat. Car, seule Dame nature peut le contrarier au Cameroun. Et certains Camerounais, certainement par résignation, semblent avoir intégré cela dans leur disque dur. D’autres Camerounais, et ils sont une foultitude au pays, par poltronnerie, peut-on dire, ont choisi de ne pas caresser le dictateur à rebrousse-poil, de crainte de subir ses foudres. De manière générale, l’on peut avoir le sentiment que Paul Biya ne pose problème qu’aux non- Camerounais. Au plan domestique, personne ne veut prendre le risque d’analyser objectivement la situation politique du pays et encore moins d’indiquer la porte de sortie à Paul Biya.
Les longs règnes débouchent sur le chaos
Et paradoxalement à cette quasi-unanimité des Camerounais pour faire avec les excès de Paul Biya, l’on constate une certaine virulence des mêmes Camerounais lorsqu’il s’agit, pour eux, de dénoncer les excès d’autres dictateurs africains. De ce point de vue, l’on peut avoir envie de leur dire cette sagesse de la Bible : enlever la « poutre qui se trouve dans votre œil avant de vous occuper de la paille qui se trouve dans celui d’autrui ». Et à ce jeu de fuite de responsabilités, tout le monde y participe, à commencer par les intellectuels ou prétendus tels. C’est cela qui explique, entre autres, que Paul Biya mène une vie de dictateur tranquille. A cela, il faut ajouter le fait que Paul Biya a érigé la corruption comme mode de gestion au Cameroun. Chacun, à son niveau, peut s’en donner à cœur joie. A condition de ne pas lorgner son fauteuil. Les quelques rares Camerounais qui ont refusé de s’inscrire dans ce schéma, l’ont payé cher. Les plus chanceux, entre eux, ont pu traverser la frontière la plus proche pour sauver leur peau. Les moins chanceux sont en train de croupir en prison, à la faveur de l’opération anticorruption Epervier. Résultat : tous ceux qui ont été présentés comme ses dauphins potentiels, ont été écartés ou condamnés. Ainsi fonctionne le Cameroun de Paul Biya. Et comme chaque peuple mérite ses dirigeants, l’on doit s’abstenir d’écraser une larme pour le peuple camerounais. Car, le jour où il décidera de se débarrasser de son dictateur, il s’en donnera les moyens. L’on peut néanmoins se risquer à attirer son attention sur le fait que les longs règnes débouchent sur le chaos. Ce constat a été fait dans plusieurs pays africains. Au Cameroun, on semble ne pas en prendre conscience, si fait que Paul Biya peut tout se permettre. A l’image des autres mégalomanes que l’Afrique a connus, Paul Biya rêve de pousser son dernier soupir sur son trône. Ainsi, il aura droit à des funérailles nationales, au cours desquelles ceux qui ont lié leur sort à celui du dictateur, mettront un point d’honneur à l’élever au rang d’un dieu.
« Le Pays »