Le livre en famille : « La charité bien ordonnée commence par soi-même », disait le sage.
Ce jour-là, j’ai reçu dans ma modeste librairie un jeune cadre du continent. Costume de bonne coupe, attache case et souliers vernis, l’homme de tous ses pores dégageait le luxe, l’aisance et la culture.
Pour cette dernière qualité, après un bref échange, le grand monsieur me confia ;
Ah ! C’est dommage mon frère ! Nos enfants ne veulent plus lire. Vous vous rendez compte de ce qu’ils gagneraient dans les livres ? Pourtant, j’ai tout fait !
Après une demi- heure de vifs échanges enrichissants sur la littérature, sur les vertus de la lecture, le cher homme s’en alla en me laissant une liste de commandes et sa carte de visite dorée.
Des jours plus tard, un samedi matin, mon paquet sous le bras, je sonnais à la grille astiquée de l’homme dans un quartier huppé de Ouagadougou. Une jeune servante en tenue m’ouvrit. Elle me guida dans un salon qui ferait rêver un Parisien. Le canapé où j’ai osé à peine poser mes fesses est de nature à vous guérir d’un début de rhumatisme. Un téléviseur plaqué au mur renvoyait des images plus vraies que nature. A l’ère du téléphone portable, on m’attendait.
Devant l’écran, mon hôte se leva et m’accueillit.
-Ah mon cher libraire, content de vous recevoir chez nous !
Avec un verre posé devant lui, il regardait un film de gangsters américain en consommant des amuse-gueules de pâtisserie. De l’autre côté du salon, une gamine de dix ans était devant l’écran d’un jeu vidéo. Son aîné de trois ans, avec un ordinateur portable de bonne marque dont le prix était trois années de salaire de la jeune servante, naviguait innocemment sur Internet. L’homme me présenta sa tendre moitié qui suivait. Un brin de jolie femme. Mon client ne se laissa pas conter. Après les présentations, rebelote. Mon cher homme se replongea dans les genres littéraires, les classiques, les grands auteurs, les citations.
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Madame nous observait, ne pouvant placer un mot. La raison, la fée, une experte en chiffre, comptable dans une grande agence, entre les salons de coiffures et boutiques de luxe, n’avait jamais pu lire un livre. Le seul lecteur dans cette famille était mon cadre de client.
Je présentai la commande et demandai à voir la bibliothèque des enfants. Histoire de remettre madame dans l’ambiance. Pas de chance. Aucun livre d’enfant dans ce sanctuaire de CFA. Les livres que j’apportais ne suscitèrent aucun battement de paupière aux deux enfants. Le comble !
L’homme me les paya tout de même. Il espérait que le goût de lire se fera sentir dans sa famille à la vue des ouvrages. Brave homme.
En sortant de cette luxueuse villa, je me demandais :Quel héritage culturel pour ces enfants qui ignorent le livre. Quel destin pour ces œuvres que je venais de vendre. Les jeux électroniques et internet peuvent-ils remplacer nos chers vieux livres auprès de nos enfants ?
Ousseni Nikiéma
Tél. : 70 13 25 96
Paysan
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Je vous felicite pour votre rappel que la lecture est un heritage a ne pas constester. Bonne suite.
21 juillet 2018