CRISE PDCI-RDR EN COTE D’IVOIRE
Attention au retour des vieux démons !
Décidément, rien ne va plus entre le PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) d’Henri Konan Bédié et le RDR (Rassemblement des républicains) d’Allassane Dramane Ouattara (ADO). En effet, les tombeurs de Laurent Gbagbo dont l’alliance avait permis à l’enfant de Kong de rempiler sans coup férir en 2015, sont aujourd’hui à couteaux tirés sur les questions électorales. La principale pomme de discorde concerne la présidentielle de 2020 où le parti de l’Eléphant est blasé par l’attitude de son allié qui ne veut pas tenir sa promesse de lui renvoyer l’ascenseur en soutenant un candidat issu de ses rangs. Toute chose qui a entraîné des fissures qui se sont vite transformées en lézardes béantes dans la maison RHDP au point qu’il ne restait plus qu’à prononcer le divorce entre ces deux conjoints dont la séparation de corps semblait de toute façon déjà actée.
La rupture semble irrémédiablement consommée entre les deux partis
Toutefois, dans une sorte de jeu du chat et de la souris, aucun des deux partenaires ne se décidait vraiment à faire le premier pas de la rupture officielle alors que tous les indicateurs sont depuis quelque temps au rouge vif entre ces deux alliés en rupture de confiance. Aussi, à la veille des élections locales du 13 octobre prochain, c’est une question d’utilisation abusive de son logo qui a vu le parti de l’éléphant traîner son allié d’hier devant la Justice. Pour rappel, plusieurs cadres se réclamant du PDCI participent au RHDP et se retrouvent, avec armes et emblème, sur ses listes pour les locales d’octobre prochain malgré le retrait du parti de l’Eléphant de cette coalition. Toute chose qui a amené la direction du PDCI à saisir la Commission électorale indépendante, puis la Justice, pour trancher la question.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la rupture semble irrémédiablement consommée entre ces deux partis d’envergure en Eburnie, qui se réclament pourtant tous héritiers de Houphouët Boigny. Et au-delà de la sentence judiciaire, ces tiraillements entre ex-alliés remettent au goût du jour la question du nomadisme politique et surtout des alliances de circonstance. Et en la matière, l’on est porté à croire que ces cadres du PDCI qui semblent aujourd’hui faire le jeu de la division du RDR, sont des opportunistes qui manquent quelque peu de bonne foi envers leur propre parti, voire de dignité, en donnant l’impression de chercher à manger à deux râteliers. Autrement, comment comprendre que ces derniers continuent de se proclamer militants du PDCI et continuent de fricoter avec le RHDP dont leur parti a clairement pris ses distances pour les raisons que l’on sait ? Il y a là un véritable problème de morale politique. Et l’un des enseignements que l’on pourrait en tirer, est qu’en politique, il n’y a pas d’amitié. Car le compagnon d’hier avec qui l’on filait le parfait amour peut devenir l’ennemi juré de demain. L’autre enseignement que l’on peut encore tirer, est qu’il faut plus se méfier de ses amis ou prétendus tels que de ses ennemis. Et dans le cas d’espèce, il faut bien se l’avouer, le RDR de Allassane Dramane Ouattara est dans le vilain rôle. Car, le PDCI peut se bomber la poitrine d’avoir porté ADO au pouvoir, face à Laurent Gbagbo, en 2010. Et n’eût été ce soutien, les choses auraient pu se passer autrement.
ADO a peut-être la légalité pour lui, mais la morale politique parle pour Bédié
Et même pour son second mandat, le soutien indéfectible du Sphynx de Daoukro et ses parisans a été nécessaire au président Ouattara pour triompher sans coup férir. Aujourd’hui, si les deux partis sont à couteaux tirés, l’on est porté à dire que c’est parce que ADO ne s’est pas montré bon prince vis-à-vis de son allié Bédié en ne respectant pas le gentleman agreement qu’ils avaient conclu. Pire, l’on peut même croire qu’il est dans le parfait parjure pour n’avoir pas respecté la parole donnée. Et dans le cas d’espèce, il a peut-être la légalité pour lui, mais la morale politique parle pour Bédié. D’autant que le président ivoirien n’est pas loin de renvoyer l’image d’un homme qui avait un objectif et qui ne se sent plus lié par quoi que ce soit dès lors qu’il a atteint son but. Mais cela peut être lourd de conséquences. Quoi qu’il en soit, l’enchaînement des événements laisse croire que le RDR avait une longueur d’avance en termes de ruse ou de roublardise sur le PDCI, concernant cette affaire d’alliance pour la conquête du fauteuil présidentiel.
En tout état de cause, il est impératif pour les protagonistes de la scène politique ivoirienne de savoir, malgré les enjeux, raison garder. Car, s’ils n’y prennent garde, cette situation pourrait créer des frustrations dont on ne sait jusqu’où elles pourraient aller. Et dans le cas d’espèce, l’on peut craindre que tout verdict en défaveur du PDCI, soit perçu comme une éventuelle instrumentalisation des institutions, et ne contribue à détériorer davantage l’atmosphère sociopolitique en Côte d’Ivoire. Dans tous les cas, l’on ne serait pas étonné que le PDCI aille de son côté en alliance avec d’autres partis opposés au RDR. Mais on peut redouter une polarisation de la crise qui entraînerait le pays dans une situation de confrontation entre deux camps antagonistes. Attention donc au réveil des vieux démons ! Car, cela pourrait déboucher sur un drame. La Côte d’Ivoire n’a pas besoin de ce remake tragique.
« Le Pays »