REPRISE ANNONCEE DE LA FINALE RETOUR DE LA CHAMPIONS LEAGUE AFRICAINE
Sale temps pour le président de la Confédération africaine de football (CAF). En effet, présent à Paris pour raison de congrès de la Fédération internationale de football (FIFA), Ahmad Ahmad a été interpellé, hier, 6 juin 2019, à son hôtel pour une sombre histoire de corruption dans des contrats d’équipementiers. Il devait être entendu par les services de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales. Une interpellation qui intervient au moment où le feu couve dans la maison du football africain car, en marge du Congrès électif de la (FIFA) qui se tenait dans la capitale française, le comité exécutif de la Confédération africaine de football (CAF) a tenu une réunion d’urgence qui a débouché sur la décision de faire rejouer la finale-retour de la Champions league africaine qui a opposé, le 31 mai dernier dans la capitale tunisienne, l’Espérance de Tunis aux Marocains du Wydad de Casablanca.
C’est une décision qui peut créer un précédent dangereux
Et pour cause. « Les conditions de jeu et de sécurité n’étaient pas réunies lors du match-retour, […] empêchant la rencontre d’arriver à son terme. En conséquence, le match retour devra être rejoué sur un terrain en-dehors du territoire tunisien », justifie la CAF qui a aussi décidé du maintien du score du match aller (1-1) et de la restitution des médailles et du trophée par les Tunisiens. Sauf erreur ou omission, c’est la première fois qu’une finale de Champions league africaine est prévue pour être rejouée. Et au-delà de son caractère insolite, c’est une décision qui peut créer un précédent dangereux dans le milieu du football africain. Car, si l’interruption du match avait été due à un cas de force majeure, l’on aurait encore pu comprendre. Mais que cela soit par suite de contestation et de refus de poursuivre la partie alors qu’il existe des textes en la matière, c’est un précédent qui peut faire jurisprudence et ouvrir la porte à bien des abus. Dans ces conditions, comment ne pas nourrir quelques craintes pour la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) qui s’ouvre dans quelque deux semaines en Egypte ? En tout cas, le moins que l’on puisse dire, c’est que la CAF s’est discréditée en décidant de rejouer ce match qui ressemble à une séance de rattrapage de ses propres insuffisances dans l’organisation de cette finale. Autrement, comment comprendre que malgré les graves incidents qui ont entraîné l’interruption de la rencontre qui n’a pu aller à son terme, elle n’ait eu aucune difficulté à sacrer le club tunisien en lui attribuant le trophée avant de se dédire moins d’une semaine plus tard ? En tout cas, c’est un rétropédalage qui frise l’amateurisme ou qui cache mal des dysfonctionnements au sein de cette institution dont la nouvelle équipe dirigeante n’est pas à son premier couac, après les grincements de dents qui ont suivi le retrait de la CAN 2019 au Cameroun et le décalage au forceps des éditions de 2021 et 2023. Dans le cas d’espèce, en voulant réparer un tort, la CAF risque d’en créer un autre. Et l’on peut comprendre l’amertume des Tunisiens qui ont le sentiment de subir une double sanction avec la reprogrammation de ce match et sa délocalisation sur un terrain neutre. Mais si pour une raison ou pour une autre, ces derniers renonçaient à rejouer cette finale, cela mettrait bien du monde dans l’embarras, à commencer par la CAF qui verrait ainsi son autorité bafouée.
Plus que la faiblesse des textes, le football africain a mal à son instance dirigeante
Cela dit, au-delà des dispositions d’esprit des deux équipes quand elles se présenteront pour ce match, la décision de faire rejouer la rencontre sur un terrain neutre, est une fuite en avant qui risque de laisser des traces au-delà même du résultat. Car, l’on peut aisément imaginer le contexte de tension qui risque d’entourer désormais les rencontres de ces deux clubs si le hasard du calendrier devait les amener à s’affronter dans un futur proche ou lointain. Pour toutes ces raisons, l’on peut dire qu’en annonçant la reprise de ce match, la CAF s’est donné un carton rouge. Car, rien ne saurait justifier le fiasco de cette finale qui devait être le bouquet final de la plus prestigieuse compétition interclubs du continent. Au lieu d’un match de couronnement, c’est le ridicule du football africain qui a été servi à la face du monde, qui plus est, avec la descente du patron de la CAF sur la pelouse, sans pouvoir changer la donne. En tout cas, qu’à ce niveau de la compétition, toutes les dispositions n’aient pas été prises pour s’assurer de la bonne tenue d’une rencontre qui s’annonçait plutôt électrique entre deux équipes à la rivalité légendaire et qui figurent parmi les plus titrées de la compétition, est une faute professionnelle qui devrait appeler à des sanctions. D’autant plus que compte tenu de la tension du match aller, la CAF savait qu’elle n’avait pas droit à l’erreur. En tout état de cause, il y a lieu de croire que plus que la faiblesse des textes, le football africain a mal à son instance dirigeante. Si Issa Hayatou était soupçonné de corruption et se voyait reprocher sa longévité à la tête de la faîtière du football africain après près de trois décennies de règne, Ahmad Ahmad ne semble pas voler plus haut puisque son coup d’essai à la tête du football africain, n’est pas loin d’un coup de chaos, et l’individu lui-même risque, à tout moment, d’être mis K.-O. avant la fin de son mandat, s’il doit continuer à empiler les tuiles sur sa tête presque dégarnie.
« Le Pays »