PROCES DU PUTSCH MANQUE : Fin des plaidoiries des avocats de la défense
Les avocats de la défense sont au terme de leurs plaidoiries. Et ce, après celles de Me Antoinette Ouédraogo et son confrère Yerim Thiam, pour le compte des accusés Herman Yaméogo et Léonce Koné à l’audience du 23 août 2019. Les deux sont poursuivis pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, et coups et blessures volontaires.
Après 18 mois de débats devant le tribunal, le procès du coup d’Etat du 16 septembre 2015 et jours suivants tire à sa fin. Me Antoinette Ouédraogo et son confrère Yerim Thiam, respectivement anciens bâtonniers de l’Ordre des avocats du Burkina Faso et du Sénégal, ont plaidé pour Me Herman Yaméogo, président de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), et Léonce Koné, membre du bureau politique du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Ces deux hommes sont poursuivis pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, coups et blessures volontaires. Leurs avocats ont plaidé non coupables.
Pour eux, ces deux hommes n’ont jamais soutenu un quelconque coup d’Etat. Ils sont tous accusés à cause de leurs opinions politiques. Invités à la barre pour le dernier mot dans le cadre de ce procès, chacun d’entre eux a une fois encore, comme à leurs premières comparutions, rejeté toute responsabilité dans cette affaire. Ils estiment qu’ils ont été impliqués parce qu’ils sont des adversaires politiques. « On a beaucoup épilogué sur la question de savoir si ce procès était, ou n’était pas, un procès politique. Je trouve cette discussion absurde. Le procès d’un coup d’Etat est politique par essence, puisque ce dont il s’agit, c’est de juger des personnes soupçonnées, à tort ou à raison, d’avoir participé à une tentative de renversement des institutions de l’Etat. En ce qui me concerne, il l’est assurément. Parce que je comparais ici en tant qu’homme politique. Parce que l’initiative d’engager des poursuites contre moi a été prise par des autorités politiques, sur la base de considérations politiques. Les dépositions qui ont été faites par le Premier ministre Yacouba Isaac Zida, par M. Chérif Moumina Sy, ancien président de l’Assemblée du Conseil national de la Transition et par le colonel Auguste Denise Barry, le montrent clairement », a déploré Léonce Koné.
Il y a eu beaucoup de violation de droit
Tout comme lui, Herman Yaméogo a rejeté toute responsabilité dans cette affaire. Pour lui, aucune pièce du dossier ne prouve qu’il est auteur des infractions qui lui sont reprochées. Ce fut l’occasion pour lui de demander l’union sacrée des fils et filles du Burkina Faso, y compris ceux qui sont dans le box des accusés, pour surmonter la crise sécuritaire que connaît le pays des Hommes intègres. « Alors pour rester fidèle à moi-même, je m’en voudrais, vu la tragique situation nationale que nous vivons, de ne pas saisir la perche pour exprimer mon adhésion à cette demande montante de dialogue républicain et inclusif intégrant la participation de toute bonne volonté pouvant concourir à la pacification nationale. Puissions-nous, en ces moments de détresse nationale sans précédent, nous élever au-dessus de nos individualités pour y associer les anciens présidents tels que Blaise Compaoré, mais aussi les groupes armés contre lesquels la vanité d’en venir à bout par la seule force des armes, n’en finit pas de faire pathétiquement ses preuves. Il y a, dans cette salle, sur le banc des accusés, de jeunes militaires aguerris qui, dans cette situation de guerre, aideraient à relever le défi sécuritaire en étant au front. Le général Gilbert Diendéré n’a pas sa place à la MACA mais dans un mécanisme militaire spécial et de haut niveau où il apporterait son expérience à la défense du territoire national. De même le général Djibril Bassolé devrait quitter cette situation de semi-détention pour aller se faire soigner afin de revenir au plus vite se mettre au service de la nation », a laissé entendre Me Herman Yaméogo.
Signalons que la fin de ces plaidoiries permet d’entamer une nouvelle étape avant le verdict final. Elle consistera, selon Me Olivier Yelkouni, un des avocats de la défense, à reformuler des questions adressées aux membres du tribunal. « En matière criminelle, lorsque vous tenez un procès et que vous clôturez les débats, au regard du dossier, il y a des questions que le président doit formuler et adresser à tous les membres du tribunal lors du délibéré. En général, la question est, est-ce qu’un tel est coupable des faits qui lui sont reprochés. Si oui, est-ce qu’il y a des circonstances atténuantes ou bien est-ce qu’il y a des circonstances aggravantes. Ces questions doivent être répondues par l’ensemble des membres du tribunal. Maintenant, la peine sera prononcée par les deux conseillers qui sont des professionnels du droit », a expliqué l’auxiliaire de justice avant de se réjouir de la tenue du procès, même si toutes les questions n’ont pas trouvé de réponses. Pour lui, cette situation est déplorable dans un Etat de droit. « Au Burkina, toutes les juridictions ont refusé de répondre à la question de la récusation. Et ça, c’est très grave. Comme nous l’avons démontré lors de nos plaidoiries, il y a eu beaucoup de violation de droit, de la procédure. Nous avons tenu, malgré tout, à donner notre position, à défendre nos clients avec rigueur, avec vigueur. En cela, nous pensons que le tribunal nous a entendus. Nous pensons que nous avons pu faire entendre notre voix, la défense de nos clients », a-t-il indiqué.
Pour Me Guy Hervé Kam, un des avocats des parties civiles, c’est déjà une grande satisfaction que ce procès ait pu se tenir jusqu’à la fin. Pour lui, les avocats des parties civiles sont satisfaits parce que le procès a permis de faire la lumière sur ce qui s’est passé en septembre 2015. Toute chose qui permettra au tribunal de prendre la décision qui sied, afin d’apaiser les cœurs des parents des victimes.
Issa SIGUIRE
ENCADRE
Me Guy Hervé Kam, avocat de la partie civile : « C’est déjà une grande satisfaction que ce procès ait pu se tenir jusqu’à la fin »
« C’est déjà une grande satisfaction que ce procès ait pu se tenir jusqu’à la fin. Aujourd’hui, de notre côté, la satisfaction est d’autant plus grande que l’on sait qui a fait quoi et surtout pourquoi. Depuis le début, alors même qu’on a pu établir les faits tels qu’ils se sont réellement déroulés, la défense s’est contentée de les fuir tant ces faits sont têtus et d’une raideur incontestable. Nous sommes satisfaits qu’aujourd’hui, tout le monde sache qui a fait quoi. A la limite, on pourrait dire que la décision du tribunal qui va intervenir sera sans doute pour apaiser les cœurs parce que tout le monde connaît la vérité aujourd’hui.
Pour nous, le procès a tenu toutes ses promesses et nous devons rendre hommage au tribunal qui a laissé le temps au temps, qui a laissé le temps de la discussion, qui a laissé chacun dire ce qu’il avait à dire, même des choses qui n’avaient absolument rien à voir avec le procès. C’est aussi cette discussion qui a permis de mettre tout le monde d’accord. A la fin du procès, la défense a félicité le tribunal pour la tenue. Nous voulons juste une décision qui montre que le tribunal lui-même sait concorder la vérité judiciaire avec la vérité des faits. Nous savons la vérité des faits. Il serait tout à fait décevant si la vérité du juge n’est pas conforme à la vérité des faits. C’est cela que nous voulons pour la Justice burkinabè. C’est cela que nous voulons pour tous ceux qui ont souffert dans leur peau, dans leur chair, dans leur âme. C’est surtout ce que nous voulons pour la démocratie burkinabè. »
Propos recueillis par Issa SIGUIRE