PARTICIPATION DE PRESIDENTS AUX OBSEQUES DE CHIRAC
Jacques Chirac s’est éteint le 26 septembre dernier à l’âge de 86 ans. Depuis lors, les hommages fusent des quatre points du monde pour saluer le grand homme d’Etat qu’il a été. Hier dimanche, une cérémonie d’hommage populaire lui a été dédiée aux Invalides, à Paris. L’occasion a été belle pour les Français et pour tous ceux qui le tenaient en estiment de venir se recueillir auprès de son cercueil. Aujourd’hui, lundi 30 septembre, les hommages se poursuivent avec une cérémonie familiale qui se déroulera dans la cathédrale Saint-Louis-des Invalides dans la plus stricte intimité. Il est aussi prévu un service solennel présidé par Emmanuel Macron en l’église Saint-Sulpice en présence de la famille de l’illustre disparu, des membres du gouvernement français, d’anciens présidents de la République. Et aussi une trentaine de chefs d’Etat et de gouvernement étrangers.
Au nombre de ces derniers, l’on peut citer le président congolais, Denis Sassou N’Guesso. Au moment où nous tracions ces lignes, le président togolais, Faure Gnassingbé, était aussi annoncé.
Jacques Chirac était le champion de la realpolitik en Afrique
Et la probabilité est grande que bien d’autres présidents du continent noir et d’anciens présidents fassent le déplacement de Paris pour témoigner de leur amitié et de leur reconnaissance à celui qui a été pendant 4 décennies, au cœur de la politique française. Pendant cette longue période, l’illustre disparu a su tisser des relations particulières avec certains présidents africains au point qu’il apparaissait aux yeux d’observateurs avisés de la politique française, comme leur confident voire leur complice. Et le président africain en activité que l’on peut ranger dans cette catégorie sans grand risque de se tromper, est le Congolais Denis Sassou N’Guesso. En tout cas, ce dernier n’a pas voulu se faire conter l’évènement. Et l’on peut facilement imaginer les raisons pour lesquelles il a tenu à assister physiquement aux cérémonies d’adieu à Jacques Chirac. En effet, en 1997, il a contraint par les armes, le premier président élu démocratiquement, Pascal Lissouba, à fuir Brazzaville en plein jour. A l’époque, c’était un certain Jacques Chirac qui était aux affaires. Et visiblement, cet acte antidémocratique ne l’avait pas dérangé outre mesure. Il était donc normal que l’obligé assistât aux obsèques de celui qui s’est assis sur les principes de la démocratie pour lui permettre d’arracher le pouvoir des mains du démocrate Lissouba. Quant au président togolais dont le déplacement de Paris a été annoncé, l’on peut dire que Chirac représente pour lui, un père. En effet, l’illustre disparu n’a jamais fait mystère de sa sympathie pour Gnassingbé père bien que ce dernier n’ait jamais accordé à la démocratie le moindre intérêt. En réalité, Jacques Chirac était le champion de la realpolitik en Afrique quand il était aux affaires. Contrairement à son prédécesseur, François Mitterrand, qui avait pratiquement sommé les dirigeants africains de démocratiser leur régime sous peine d’être privés de l’aide française, Jacques Chirac était passé maître dans l’art de caresser les présidents africains dans le sens du poil.
Les Africains gardent de lui l’image d’un président convivial
Et cette méthode plaisait énormément sous nos tropiques et plus particulièrement dans les palais. De ce point de vue, c’est tout mérité que des présidents africains soient présents à ses obsèques. Outre cette dimension, l’on peut aussi ajouter que Jacques Chirac a été un digne héritier du Général De Gaulle. Et bien des Africains, on le sait, vouent à ce dernier une estime hors normes pour l’ensemble de ses œuvres en faveur du continent noir. Bien sûr, Jacques Chirac n’a pas été irréprochable dans sa gestion des affaires africaines quand il présidait aux destinées de la France mais dans l’ensemble, les Africains gardent de lui l’image d’un président convivial et très attaché à la culture africaine. Au delà de l’Afrique, l’on retient de lui l’image d’un président qui a su se démarquer de l’arrogance et de l’unilatéralisme des Américains pour courageusement positionner son pays contre la guerre d’Irak. En bon visionnaire, il avait insisté sur les conséquences d’une telle aventure sur la paix mondiale. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il avait dit tout haut ce que bien des présidents africains n’osaient pas, à l’époque, murmurer au risque de subir l’ire de l’oncle Sam. De la même manière, Chirac fascinait l’Afrique pour sa position équilibrée et critique sur la crise israélo-palestinienne. Il y a donc plusieurs raisons qui peuvent motiver bien des présidents africains et autres personnalités du continent noir à faire le déplacement de Paris pour lui rendre un ultime hommage. Au delà de l’Afrique, c’est tout le monde entier qui a mis un point d’honneur à lui rendre hommage. C’est la preuve s’il en est encore besoin, que la France vient de perdre un monument, un artisan de la paix. Les Français ont donc raison de le considérer comme le deuxième plus grand président de la 5e République après le presque divin Charles De Gaulle. Il reste à prier pour qu’il repose en paix au cimetière du Montparnasse aux côtés de sa fille Laurence et pour que son attachement aux valeurs humanistes puisse inspirer pendant longtemps ses compatriotes. Et quand on voit la poussée actuelle des partis d’extrême droite en Europe dont certains flirtent ouvertement avec les partis racistes, cette prière a valeur d’interpellation.
« Le Pays »