SUSPENSIONS DE SALAIRES POUR FAIT DE GREVE
Bien des travailleurs de la Fonction publique sont tombés des nues à la fin du mois de mars lorsqu’ils ont consulté leur position dans les banques. Et pour cause. Certains ont constaté des coupures drastiques sur leur salaire. D’autres se sont rendu compte de la suspension pure et simple de leur salaire. Les autorités invoquent comme raison, leur participation aux sit-in et à la grève du 16 au 20 mars. Il faut rappeler que lesdits sit-in et ladite grève ont été organisés par les syndicats pour protester contre la mesure gouvernementale d’appliquer l’IUTS (Impôts unique sur les traitements et salaires) sur les primes et autres indemnités dont bénéficient les agents de la Fonction publique. Il faut aussi rappeler que le gouvernement entend par-là assurer une équité fiscale puisque les agents du secteur privé subissent cet impôt de façon intégrale depuis son instauration par Marc Tiémoko Garango. Bref, ce n’est pas le lieu, ici, d’ergoter sur le bien-fondé ou non de la mesure gouvernementale mais d’interpeller l’autorité quant au caractère arbitraire de certaines coupures et suspensions de salaire constatées chez une foultitude de fonctionnaires, en l’occurrence, des enseignants. Il est bon, avant de développer le sujet, de préciser que les coupures de salaires pour fait de grève, sont encadrées par des textes. Mais dans le cas d’espèce, l’on peut avoir l’impression que le gouvernement s’est assis sur les textes pour opérer les coupures. Quelque part, on peut même parler du caractère prémédité de ces coupures. Sinon, comment comprendre que des salaires de certains enseignants aient été amputés pour fait de grève alors que la période de la grève (du 16 au 20 mars) les a trouvés en situation de chômage technique ? En effet, pour contrer la propagation du coronavirus, le gouvernement avait ordonné la fermeture des écoles, des collèges et lycées et autres universités.
Le gouvernement doit impérativement réparer le préjudice
Logiquement donc, les enseignants n’avaient plus la possibilité d’aller en grève puisque la fermeture de leurs lieux de travail entraîne ipso facto qu’ils n’y soient pas présents. Sur quoi donc, le gouvernement s’est–il basé pour opérer les coupures de leurs salaires puisqu’ils n’avaient même pas la possibilité de faire grève quand bien même ils l’auraient voulu ? Seuls les agents de la solde peuvent apporter des éléments de réponses à cette question. Et l’on peut parier que ce ne sera pas chose aisée pour eux. Car, visiblement, ça sent l’arbitraire. Pendant qu’on y est, l’on peut suggérer aux mêmes agents de la solde de faire diligence comme ils l’ont fait pour couper les salaires, lorsqu’il sera question pour eux de corriger les salaires des agents . En tout cas, cette fois-ci, ils ont fait preuve de promptitude. Et cela cache mal la volonté du gouvernement d’en découdre avec les travailleurs qui ne manquent jamais l’occasion d’exercer leur droit syndical. Et dans notre pays, ce droit a été consacré par la Constitution. En tout cas, la meilleure manière pour le gouvernement de braquer davantage les travailleurs contre lui, est de faire ce qu’il est en train de faire : procéder à des coupures arbitraires et abusives sur leurs salaires. Chez certains, on a assisté carrément à la suspension de leur salaire. Par ces temps qui courent, où certains sont déjà dans la précarité, si cela n’est pas un crime, ça y ressemble fort. Et la situation est d’autant plus inacceptable que le gouvernement n’était pas dans son bon droit. De par le passé, l’on a vu le même gouvernement battre sa coulpe pour avoir procédé à des coupures sauvages et arbitraires sur des salaires d’agents de la santé. Cette fois-ci, la probabilité est grande qu’il se livre au même exercice puisque manifestement, chez certains fonctionnaires, il y a eu de l’abus. Car on a même vu des agents en congés de maternité, dont les salaires ont été suspendus. Pour quelle raison ? Difficile d’y répondre. En tout cas, le gouvernement doit impérativement réparer le préjudice qu’il leur a fait subir. Dans un Etat de droit, nul n’a le droit de s’écarter des textes pour agir selon ses humeurs. L’Etat doit être le premier à se soumettre à cette loi. Pour ne l’avoir pas compris, l’Etat burkinabè s’expose à être attaqué en Justice. Et depuis que la Justice s’est affranchie de l’Exécutif, les citoyens n’hésitent plus à traîner l’Etat devant les tribunaux pour abus. Dans la majorité des cas, la Justice leur donne raison. La seule possibilité pour le gouvernement d’inverser la tendance est de tourner le dos à la précipitation, à l’amateurisme et à l’arbitraire.
Sidzabda