NOMINATION D’ANCIENS CHEFS DE GUERRE AU NORD-KIVU ET EN ITURI
Après avoir décrété l’état de siège dans deux provinces de la République démocratique du Congo (RDC), le président Félix Tshisekedi a nommé, le 4 mai dernier, le lieutenant général Luboya Nkashama Johnny, gouverneur militaire du Nord-Kivu et le lieutenant général Ndima Konguba, gouverneur militaire de la province de l’Ituri. Mais la présence de certains officiers dans ces deux provinces, empoisonne les relations entre les Nations unies et l’armée congolaise. Et pour cause : des enquêtes mettent en cause ces officiers dans des cas de viols, de meurtres, de pillages et bien d’autres exactions contre des populations qu’ils étaient censés protéger. Les assassins présumés de Michael Sharp et de Zaida Catalan, deux membres du groupe d’experts de l’ONU, trucidés, en mars 2017, au Kasaï central, seraient également, d’après les enquêtes de l’ONU et de RFI, au front dans les deux provinces. Bien que les arrestations de certains dont le général de brigade Thierry Ilunga Kibambi et le contre-amiral, Egide Ngoy, ait été ordonnée depuis plus d’une décennie, ils continuaient de se la couler douce puisqu’ils n’ont été débarqués de leurs postes que le 8 mai dernier.
Peut-on demander à des loups de protéger des brebis ?
L’on se demande comment l’armée congolaise parviendra, dans ces conditions, à pacifier les deux provinces régulièrement en proie à des violences depuis plusieurs années. Peut-on demander à des loups de protéger des brebis ? La réponse est évidente : non ! Comment Félix Tshisekedi pourrait-il réussir là où son prédécesseur, Joseph Kabila, a échoué, s’il n’a pas l’appui de partenaires comme l’ONU et la France? Même si ces hommes au passé sulfureux, semblent aguerris au combat, le président aurait dû s’en passer. Car, la RDC dispose de soldats valeureux et intègres dont la seule présence sur le terrain, peut constituer une source de quiétude pour les populations. En tout cas, dans la construction du Congo nouveau, les populations n’ont pas besoin d’anciens seigneurs de guerre pour leur protection. Cela dit, en laissant de tels hauts gradés sur le terrain de combat, le locataire du Palais de marbre joue gros. C’est d’autant plus vrai que le risque que ces hommes sans foi ni loi, renouent avec leurs sombres et vieilles pratiques, est grand. Tshisekedi se rend-il compte que ces hommes pourraient ternir l’image de son régime ? Certes, on comprend son souci d’en découdre avec les groupes armés au Nord-Kivu et en Ituri. Mais il aurait pu se passer des services de ces anciens tortionnaires. En tout état de cause, Fatshi comme on le nomme, gagnerait à changer son fusil d’épaule pendant qu’il est encore temps. Il y a d’autant plus intérêt que si ces violeurs et assassins venaient à commettre à nouveau des exactions contre des populations civiles, il en porterait l’entière responsabilité. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la pacification du Nord-Kivu et de l’Ituri est mal partie. Pourtant, les populations de ces deux provinces qui ont longtemps souffert le martyre, attendent beaucoup de cette opération de pacification de leurs zones. On le sait, la paix a longtemps été absente dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Il faut donc, et c’est peu de le dire, une thérapie de choc pour ramener la paix dans ces deux zones. Autant dire que Tshisekedi a intérêt à sortir l’artillerie lourde. S’il réussit, à coup sûr, il récoltera les dividendes de cette opération. Mais s’il échoue, il pourrait le payer cash lors de la prochaine présidentielle qui, si elle n’est pas renvoyée aux…calendes congolaises, aura lieu en 2023.
Dabadi ZOUMBARA