MANQUE DE FERMETE DE LA CEDEAO A L’ENDROIT DE L’HOMME FORT DE BAMAKO
Le sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui s’est tenu le dimanche 30 mai dernier dans la capitale ghanéenne, à l’effet de se prononcer sur le coup de force du colonel Assimi Goïta contre la transition malienne, a accouché de sanctions a minima contre le récidiviste putschiste de Kati. Ainsi, pour avoir déposé le président de la Transition, Bah N’Daw, et son Premier ministre Moctar Ouane, le nouvel homme fort de Bamako ne se verra infliger en tout et pour tout qu’une molle suspension de son pays des instances de l’organisation sous-régionale, assortie de la nomination d’un Premier ministre civil ainsi que la formation d’un gouvernement inclusif. A charge pour le vice-président qui s’est royalement vautré dans le fauteuil présidentiel par un tour de passe-passe qui a nécessité la mise à contribution de la Cour constitutionnelle de son pays, de mener la Transition dans le délai des 18 mois impartis devant aboutir à des élections pour le retour à l’ordre constitutionnel normal.
De quelle légitimité pourrait encore se prévaloir un président civil, même démocratiquement élu, s’il doit d’abord entrer dans les bonnes grâces de la soldatesque pour pouvoir dormir du sommeil du juste dans son palais ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Assimi Goïta a joué et a gagné. Comme à la loterie, sans doute instruit par le précédent tchadien qui risque de faire encore mal et de multiplier les bébés anticonstitutionnels dans une Afrique encore et toujours à la recherche de ses marques. On est d’autant plus fondé à nourrir un tel pessimisme qu’en ne prenant aucune mesure coercitive contre l’irrepenti putschiste de Kati pour rétablir la Transition malienne dans ses institutions légales, la CEDEAO n’a fait qu’entériner un coup d’Etat qui pourrait constituer, si ce n’est déjà fait, un dangereux précédent pour la démocratie sur le continent africain. Un manque de fermeté qui a toutes les allures d’un cadeau fait au tombeur de Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK), qui a réussi à s’arroger les pleins pouvoirs d’une transition qu’il a toujours voulu contrôler, et qui peut à présent regarder bouillir son thé en bon fakir, en attendant de le boire bien chaud. C’est dire si Assimi Goïta a, à présent, tout le loisir de donner à la Transition malienne, l’orientation qu’il veut. Dans un pays où il semble si facile de s’installer au palais présidentiel par la force de la kalach, on se demande si cette magnanimité de la CEDEAO n’expose pas finalement le pays à d’interminables pronunciamiento, au-delà même de la transition actuellement en cours, pour peu que la tête du locataire du palais de Koulouba ne plaise pas aux hommes en treillis. Dans ces conditions, de quelle légitimité pourrait encore se prévaloir un président civil, même démocratiquement élu, s’il doit d’abord entrer dans les bonnes grâces de la soldatesque pour pouvoir dormir du sommeil du juste dans son palais ? C’est dire si cette forme de caution portée au coup de force du vice-président de la Transition, pourrait être lourde de conséquences pour le Mali lui-même, quand on sait comment nos armées sont souvent traversées par des courants divergents.
On ne peut pas reprocher à l’institution sous-régionale, de ne pas chercher à être plus royaliste que…le peuple malien
Et dans le cas d’espèce, rien ne dit que la récusation tonitruante, par Assimi Goïta et compagnie, des généraux choisis pour figurer dans le gouvernement Ouane II en remplacement des têtes de gondole de la junte, n’est pas symptomatique d’un malaise au sein de la Grande muette. Et rien ne dit non plus que la parenthèse douloureuse de la rivalité sanglante des bérets rouges contre les bérets verts de Hamadou Haya Sanogo, qui s’est récemment refermée dans les conditions judiciaires que l’on sait, est définitivement derrière les Maliens. Ceci étant, à la décharge de la CEDEAO, on ne peut pas reprocher à l’institution sous-régionale, de ne pas chercher à être plus royaliste que…le peuple malien qui semble s’accommoder de ce nouveau coup de force de Assimi Goïta, contre la République. Car, si le peuple malien s’était levé tel un seul homme, comme au Burkina Faso en 2015, contre le coup d’Etat des officiers félons contre la Transition, la CEDEAO n’aurait pas eu d’autre choix que de se plier à sa volonté en prenant les dispositions et mesures coercitives nécessaires pour un retour à la normale. Mais dans le cas d’espèce, on se demande si l’apathie du peuple malien n’est pas un adoubement, pour autant qu’elle ne soit pas la traduction d’une résignation. Et si c’est le cas, que sa volonté soit alors faite, est-on tenté de s’exclamer ! Car, comme le dit la sagesse, « les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent » et « on ne peut pas faire le bonheur de quelqu’un à sa place ».
« Le Pays »