ECHEC DU PREMIER ROUND DU DIALOGUE POLITIQUE AU BURKINA FASO
Le président du Faso a ouvert, le 17 juin dernier, le bal des discussions entre la Majorité présidentielle et l’Opposition, dans le cadre d’un dialogue politique qui « a pour objectif de rechercher des solutions endogènes et pérennes aux préoccupations majeures qui s’imposent ». Quoi de plus nécessaire, d’obligatoire, devrait-on dire, dans un pays confronté à une pléiade de crises, dont la plus préoccupante est d’ordre sécuritaire avec ces assauts de plus en plus répétés et sanglants de groupes terroristes ! L’électrochoc provoqué par le carnage de Solhan dans le Yagha et l’enracinement des « méchants » au Nord, à l’Est et au Sahel qui menacent d’encerclement, les capitales de ces régions sinistrées, ont fait sortir le président du Faso de sa léthargie, et il le fallait absolument pour faire croire aux Burkinabè de plus en plus sceptiques, que « le pays est gouverné ». Les deux parties, Opposition et Majorité, ont donc planché trois jours durant sur l’état de déliquescence sécuritaire de notre pays qui est malheureusement devenu le lieu de convergence de terroristes djihadistes, de mercenaires désœuvrés et de criminels transnationaux qui profitent de la porosité des frontières, de l’extrême pauvreté et de l’absence de perspectives pour une bonne partie de notre jeunesse, et de l’inefficacité de notre armée qui pâtit du manque de moyens et des querelles picrocholines au niveau de la hiérarchie, pour établir des bases et des centres de recrutement, de planification, d’entraînement et de lancement de leurs funestes opérations. Malgré ces constats qui montrent très clairement qu’il y a urgence et péril en la demeure parce que la situation est visiblement hors de contrôle, les participants au dialogue politique de la semaine dernière, n’ont pas accordé leurs violons sur les stratégies à mettre en œuvre pour juguler la crise sécuritaire. La Majorité gouvernante qui est en panne justement de stratégies de l’aveu même du Premier ministre, a appelé à la rescousse l’Opposition politique qui, malheureusement, est allée à la rencontre avec davantage de critiques que de solutions au problème. Eddie Komboïgo et ses camarades ont ainsi tiré à boulets rouges sur le Premier ministre et sur le ministre de la Défense, coupables à leurs yeux de l’incapacité de l’armée à prévenir et à contenir les attaques bien que des ressources importantes aient été réorientées vers le budget de la défense. Ils demandent donc la démission des mis en cause, et la relecture du statut des Forces spéciales afin d’éviter que les éléments de cette future unité ne se transforment en tueurs en série et en toute impunité. Reste à savoir si le dégommage exigé de Christophe Dabiré et de Chérif Sy ramènera la paix et la sérénité dans les zones actuellement en ébullition, au regard de la profondeur et de la nature protéiforme de la crise. Car, au-delà de ces deux personnalités qui y ont peut-être leur part de responsabilités, nous devons revoir radicalement notre approche sécuritaire et préconiser notamment la protection des civils innocents, la lutte contre l’impunité et la gabegie financière et administrative, l’encadrement des groupes d’auto-défense, etc. C’est, à notre sens, fondamental, plus que la fameuse participation à l’effort de guerre demandée à la population et qui a étonnamment fait l’objet de consensus dans les deux camps. La mise en œuvre de cette recommandation sera fatalement difficile si elle venait à être actée, et risque de révolter des populations déjà à fleur de peau en raison de la crise économique ambiante et des scandales de corruption révélés au sommet de l’Etat. Inutile donc de déclencher une autre levée de boucliers, surtout pas dans le contexte actuel où on parle de réconciliation nationale entre tous les fils du pays. Cette réconciliation nationale que l’Opposition appelle de tous ses vœux depuis des années, est d’ailleurs inscrite à l’ordre du jour des discussions, tout comme la révision a minima du Code électoral dans la perspective des élections municipales à venir. Le premier round de ces discussions s’est focalisé sur la crise sécuritaire, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il s’est terminé le 19 juin dernier sur un constat d’échec, ou plutôt de non consensus sur les méthodes et les moyens à utiliser pour que le Burkina redevienne un havre de paix. Il ne pouvait en être autrement quand on sait que ces deux parties ont pris l’habitude de se crêper le chignon même quand il est question de débats sur la survie du pays. Espérons qu’au terme du deuxième conclave prévu pour les 3 et 4 juillet prochains, les protagonistes trouveront le plus petit dénominateur commun qui permettra au président du Faso et au gouvernement de faire les ajustements qui s’imposent et qui devraient, si la mauvaise foi des uns et les calculs politiciens des autres ne viennent pas, par la suite, gripper la machine, conduire le Burkina Faso vers le bout du tunnel.
Hamadou GADIAGA