NEGOCIATIONS ANNONCEES DES AUTORITES DE LA TRANSITION MALIENNE AVEC DES CHEFS TRERRORISTES
Parallèlement à la piste russe de Wagner invoquée, entre autres, comme possibilité pour combler le vide du redéploiement de la force française Barkhane dans la lutte contre le terrorisme, les autorités de la transition malienne semblent décidées à expérimenter l’option de la négociation avec des chefs djihadistes. C’est dans cette optique que le gouvernement de la transition a récemment mandaté le Haut Conseil islamique (HCI) du Mali pour négocier avec Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa, respectivement chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) lié à Aqmi, et chef de la katiba Macina, une filiale du même groupe. L’objectif est de « trouver un compromis entre Maliens, pour que la guerre cesse » et que la paix revienne dans l’ensemble du pays. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les autorités de la transition semblent décidées à explorer toutes les pistes de solutions à la question sécuritaire qui trouble le sommeil des Maliens en particulier et des populations du Sahel en général.
On est curieux de savoir ce qui sera mis sur la table des négociations
De ce point de vue, le dialogue envisagé avec les fondamentalistes religieux pourrait être une initiative louable pour peu qu’elle ne soit pas un jeu de dupes et que cela permette de mettre fin à la barbarie et aux tueries aveugles de populations innocentes qui ont déjà payé un lourd tribut à cette guerre sans visage. C’est pourquoi l’on peut d’ores et déjà se demander si cette initiative marquera un tournant dans la lutte contre le terrorisme au Mali. Tout le mal qu’on souhaite, c’est que cela permette de faire bouger les lignes dans le sens d’un retour définitif de la paix dans le pays. Seulement, il y a de quoi s’interroger réellement sur les résultats qu’une telle initiative pourrait produire sur le terrain. Car, il est bien connu que les islamistes qui prônent le rigorisme, ne renoncent pas à leurs exigences. Et dans le cas d’espèce d’un Etat laïc comme le Mali, l’on est curieux de savoir ce qui sera mis sur la table des négociations et surtout comment sera traitée la délicate question de l’application de la charia qui semble être, pour les fondamentalistes, un point non négociable. En outre, la logique voudrait qu’on ne négocie que si l’on est en position de faiblesse. Ce qui ne semble pas être le cas de Iyad Ag Ghali et Amadou Kouffa au Mali, bien au contraire. Et rien ne dit, à l’étape actuelle des choses, si ces derniers sont demandeurs d’une telle offre de dialogue ou même s’ils en seront preneurs. C’est pourquoi, au-delà de la question de leur opportunité au moment où le pays s’interroge sur l’avenir de la transition, l’on est porté à croire que de telles négociations sont un grand saut dans l’inconnu. Au demeurant, quand on voit comment l’accord de cessez-le-feu de Niono, obtenu en mars dernier, entre dozos et groupes armés, a volé en éclats quelques mois plus tard, il y a de quoi se demander quelle foi accorder à la parole d’un terroriste.
Il y a des raisons de croire que le Mali est loin d’être sorti de l’auberge
Et quand on scrute un peu à la loupe les termes de cet accord qui consistait à accorder la liberté de circulation aux populations pour tous les habitants et pour les chasseurs traditionnels dozos, même armés, en échange du port du voile obligatoire pour les femmes, de la perception de la zakat et d’une justice traditionnelle assurée par les kadis de la katiba Macina, on se demande si en voulant résoudre un problème, les autorités de la transition malienne ne vont pas en créer de plus grands avec ces négociations qu’elles veulent ouvrir avec des chefs djihadistes. Au-delà, l’on peut se demander si ces négociations avec Iyad et compagnie, seront la solution pour sortir le Mali des serres de la pieuvre tentaculaire. Rien n’est moins sûr. D’autant qu’en dehors du chef du JNIM et son acolyte, il y a certainement d’autres figures de l’hydre terroriste qui ne sont pas des Maliens et qui ne seront prêtes à aucun compromis tant que le rapport de forces sur le terrain, ne sera pas en leur défaveur. Et quid de tous ces groupuscules armés qui agissent en autant de sous-traitants et qui semblent avoir trouvé dans les attaques et autres pillages, une solution conjoncturelle à leur problème existentiel ? C’est dire si sans jouer les Cassandre, il y a des raisons de croire que le Mali est loin d’être sorti de l’auberge. En tout cas, en dépoussiérant un vieux dossier du président déchu Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) au motif que « c’est une demande populaire » et un choix qui est conforme aux souhaits exprimés lors du Dialogue national inclusif de 2019, les autorités de la transition semblent vouloir porter sur leur tête, un fardeau qui n’est pas le leur. A moins qu’avec la question Wagner et celle des assises nationales, tout cela ne procède en réalité que d’une logique de grande diversion à l’effet de ne pas tenir les délais de la transition.
« Le Pays »