SANCTIONS DE LA CEDEAO CONTRE LES MILITAIRES AU POUVOIR A BAMAKO ET A CONAKRY
Réunis en sommet extraordinaire à Accra au Ghana, le 7 novembre dernier, les chefs d’Etat de Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui se penchaient sur les dossiers malien et guinéen, se sont montrés fermes à l’encontre des putschistes de Bamako et de Conakry. La question de fond étant celle du respect des délais prévus pour la fin de leurs transitions respectives à laquelle l’institution sous-régionale semble attacher du prix. C’est ainsi qu’elle a durci les sanctions individuelles contre les putschistes, en attendant d’avoir un chronogramme clair devant conduire à des élections pluralistes censées y rétablir l’ordre constitutionnel normal. Principalement contre ceux de Bamako où « toutes les autorités de la transition sont concernées par les sanctions qui vont entrer en application immédiatement ». Ce, après que le gouvernement malien a officiellement écrit pour dire qu’il ne pourrait pas respecter l’échéance du 27 février prochain pour la tenue des élections.
L’institution sous-régionale n’est pas totalement dépourvue de moyens de coercition
Pendant ce temps, on n’en sait véritablement pas plus sur la volonté et la capacité des militaires guinéens à tenir des élections dans l’échéance des six mois proposés par la CEDEAO pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel. C’est dire si en se voulant ferme, la CEDEAO veut maintenir la pression sur les tombeurs respectifs de Ibrahim Boubacar Kéita sur les bords du fleuve Djoliba et d’Alpha Kondé au pied du Fouta Djallon, dans une partie de bras de fer dont on se demande quelle sera l’issue. Mais au-delà de leur portée, l’on peut s’interroger sur les répercussions de telles sanctions ciblées et surtout l’accueil qui en sera fait par les principaux concernés. Cela suffira-t-il à leur faire lâcher du lest ? Ces derniers continueront-ils à faire la sourde oreille et à dérouler leurs agendas respectifs selon leur propre chronogramme comme si de rien n’était ? Se montreront-ils sensibles à ces sanctions en cherchant à faire amende honorable aux yeux de l’institution sous-régionale ? En un mot comme en mille, que feront maintenant les putschistes maliens et guinéens ? La question est d’autant plus fondée qu’aussi inopérantes que puissent paraître à première vue, ces sanctions individuelles de l’institution sous-régionale, cette dernière n’est pas totalement dépourvue de moyens de coercition si elle devait en arriver à la prise de décisions autrement plus radicales du genre d’un éventuel blocus économique. C’est dire si aussi fragilisée qu’elle puisse paraître dans cette situation en raison de ses inconstances antérieures, la CEDEAO qui a manifestement à cœur de redorer son blason et de reprendre la main dans le débat politique en tant que vigie de la démocratie dans la sous-région, a encore des cartes à jouer. D’autant que dans la mise en œuvre de ces sanctions ciblées qui vont pour le moment du gel des avoirs à l’interdiction de voyager pour les putschistes et leurs proches, il y a des raisons de croire que l’Union africaine (UA) voire certaines puissances occidentales ne manqueront pas d’apporter leur caution à la CEDEAO pour donner plus de poids à ces sanctions.
Assimi Goita et Mamady Doumbouya gagneraient à mettre un point d’honneur à clarifier leurs intentions
C’est pourquoi les autorités de la transition à Bamako tout comme à Conakry, seraient bien inspirées de ne pas prendre à la légère ces interpellations. Au-delà, ces sanctions ciblées devraient être l’occasion, pour les putschistes, de montrer la noblesse de leurs intentions en perpétrant ces coups d’Etat unanimement condamnés, mais censés être une transition vers l’instauration d’une meilleure gouvernance démocratique dans ces deux pays. Mais pour cela, Assimi Goïta et Mamady Doumbouya ont besoin de convaincre leurs compatriotes d’abord et la communauté internationale ensuite, qu’ils ne sont pas venus balayer les palais Sékoutouréyah à Conakry et de Koulouba à Bamako pour mieux s’y installer. Cela passe par le rétablissement de l’ordre constitutionnel dans les meilleurs délais. Donc, par un chronogramme clair et une lisibilité de leur action dans le sens d’un retour rapide à la normale. Car, tout porte à croire qu’au-delà des sanctions, c’est la question de la solution à la confiscation du pouvoir par la courte échelle de la kalach qui met véritablement la démocratie en danger, qui est, ici, en jeu. C’est dire si plus que tout autre chose, le véritable problème à Bamako comme à Conakry, est celui de la crédibilité des dirigeants de la transition et de leur désintérêt pour le pouvoir conquis par la force des armes. Raison pour laquelle Assimi Goita et Mamady Doumbouya gagneraient à mettre un point d’honneur à travailler à clarifier leurs intentions pour ne pas laisser persister le doute dans les esprits, de sorte à ôter à l’institution sous-régionale, tout argument de sanctions supplémentaires, mais plutôt à œuvrer à les accompagner à remettre leurs pays respectifs sur les rails de la démocratie. Autrement, s’ils continuent à louvoyer et à entretenir le flou en donnant l’impression de faire dans la diversion pour faire durer plus que de raison leurs transitions respectives, outre la CEDEAO, ils ne devraient pas être étonnés de trouver tôt ou tard sur leur chemin, bien de leurs compatriotes qui sont aussi dans le doute et qui commencent à marquer leur impatience comme c’est le cas d’une bonne partie de la classe politique malienne qui ne voit pas l’opportunité des fameuses assises nationales en cours censées tracer les sillons d’une sortie de transition.
« Le Pays »