RESTITUTION D’OEUVRES D’ART PAR LA FRANCE A L’AFRIQUE
C’est en principe aujourd’hui, 10 novembre 2021, que le Bénin accueille ses premières œuvres d’art restituées par la France, au terme d’un processus entamé il y a de cela quatre ans. Un processus né de la volonté de deux présidents de redresser certains torts de l’histoire : Emmanuel Macron, le président français qui a pris, en 2017, à Ouagadougou, au Burkina Faso, l’engagement de rendre possible dans un délai de cinq ans, les restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain, et Patrice Talon, le président béninois, qui avait formellement formulé la demande de restitution des œuvres de son pays. Toute chose qui vaut aujourd’hui, le retour de ces objets dotés d’une forte valeur historique, symbolique et protectrice pour certains, sur des terres ancestrales qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Dans le cas d’espèce, sont concernés par la présente opération de rapatriement, de grandes statues royales bocio, des trônes, des sièges et des autels portatifs. Quand on sait que beaucoup de ces objets ont fait l’objet de pillage, on comprend toute la portée du geste d’aujourd’hui.
Une chose est de se réapproprier un patrimoine, une autre est de savoir le gérer
En cela, il faut rendre hommage à la France qui n’a ménagé aucun effort pour traduire en réalité, cette restitution d’objets africains qui a même nécessité au Parlement français, le vote d’une loi spécifique. Et l’on ne saurait le faire sans rendre à César ce qui est…à Macron, l’actuel locataire de l’Elysée qui en a pris l’engagement et vient de tenir honorablement sa promesse. En effet, joignant l’acte à la parole, il a signé, le 9 novembre 2021 à l’Elysée, en présence de son homologue béninois, Patrice Talon, l’acte de transfert de propriété des 26 œuvres à restituer à l’ex-Dahomey. Ce qui est une bonne chose qui a de quoi réjouir tout Africain connaissant le rôle et la fonction de tels objets dans nos cultures africaines. C’est pourquoi, au-delà des polémiques, le seul renvoi de ces précieux biens culturels sur le sol d’Afrique, à leur vrai propriétaire qu’est le peuple béninois, est déjà en lui-même une bonne chose en ce qu’il constitue une étape importante de la restauration de l’âme culturelle desdits objets dont certains qui faisaient l’objet de sacralité, pourraient être amenés à jouer le rôle social qui était le leur, avant leur retrait de leur milieu naturel qui vaut, dans certains cas, « profanation ». Mais une chose est de se réapproprier un patrimoine, une autre est de savoir le gérer. C’est en cela que la responsabilité des pays africains qui feront l’objet de restitution de ces biens culturels, est engagée. Il leur revient de tout mettre en œuvre pour créer les conditions d’entretien et de bonne conservation de ces objets pour ne pas hypothéquer les chances de retour d’autres objets. En tout état de cause, on espère que la démarche du président français fera tâche d’huile et qu’à défaut d’ouvrir une nouvelle ère de coopération Nord-Sud, elle amènera d’autres pays occidentaux à lui emboîter rapidement le pas, pour un juste retour de l’histoire. Car, la France n’est pas le seul pays européen à détenir des trésors culturels africains.
La lourdeur de la dette est la cause de l’instabilité financière de nos Etats
En effet, certaines sources indiquent que des milliers d’objets d’art anciens congolais, sont entreposés dans des musées en Belgique. Et d’autres indiquent que plus de 200 000 objets africains dont certains ont fait l’objet de pillage lors de l’expédition britannique de 1868, enrichissent le célèbre British Museum au Royaume-Uni qui rechigne encore à les restituer. C’est pourquoi au- delà de la France, il faut croire que le discours de Ouagadougou engage aussi l’Europe. Car, outre l’aspect juridique, c’est une question morale dont il faudra nécessairement crever l’abcès. Tout comme il faudra, un jour ou l’autre, faire courageusement face à la question du pillage des ressources économiques de l’Afrique, qui pose aussi aujourd’hui de plus en plus question. Car, dans le sillage de la colonisation, le pillage ne s’est pas limité aux seules œuvres d’art dont certaines sont en cours de restitution au continent noir qu’elles n’auraient jamais dû quitter. L’exploitation et le pillage des ressources économiques du continent noir pose aussi d’autant plus problème que c’est une pratique qui est encore d’actualité, à travers le déséquilibre des termes de change qui maintient le continent noir dans un état de dépendance telle que l’Afrique est aujourd’hui incapable de payer sa dette, malgré ses richesses naturelles, extractives et énergétiques. Toute chose qui freine la progression du continent noir si cela n’est pas une condition rédhibitoire à son développement. Car, il est bien connu que la lourdeur de la dette est la cause de l’instabilité financière de nos Etats. Et, en plus d’être un piège, le pacte colonial est un lourd fardeau pour le développement de nos pays. Un éventuel équilibre des termes de change permettrait, à tout le moins, d’améliorer considérablement les conditions de vie des Africains, en attendant de voir si la pauvreté changera de camp, au cas improbable où la question de la restitution des ressources économiques du continent aura fait son petit bout de chemin pour tendre du rêve à la réalité, comme c’est le cas des biens culturels aujourd’hui.
« Le Pays »