LIBERATION ET RETABLISSEMENT DU PM SOUDANAIS
Depuis le 25 octobre dernier, date à laquelle le général al Burhane a sifflé la fin de la transition politique, en révoquant et en embastillant le Premier ministre, Abdallah Hamdok, les marches de contestation ne faiblissent pas. Bilan : une quarantaine de tués et plus de cent (100) blessés. Rien que le 21 novembre dernier, les Soudanais étaient encore dans la rue. Toutefois, cette marche intervient à un moment où les généraux putschistes semblent revenir à de meilleurs sentiments. En effet, un accord politique a été conclu le dimanche dernier, entre le général Burhane, Abdallah Hamdok, les forces politiques et des organisations de la société civile pour un retour de Hamdok à son poste et la libération des détenus politiques. L’accord prévoit aussi le retour au consensus politique, légal et constitutionnel qui gérait la période de la transition. Cet accord politique a été obtenu grâce à un groupe de médiateurs soudanais, composé de journalistes, d’universitaires et d’hommes politiques. On peut leur rendre hommage pour avoir réussi, et cela sans grand tapage, à remettre le train de la transition sur les rails.
La mobilisation populaire permanente a certainement été déterminante dans le fléchissement du général Burhane
Et tout le mal que l’on souhaite à ce train, est qu’il puisse arriver en gare sans encombre. L’œuvre que vient d’accomplir le groupe de médiateurs soudanais, devrait inspirer les pays africains en crise. Car, elle est la preuve que nos pays ne manquent pas de ressources endogènes pour résoudre les crises auxquelles ils sont par moments confrontés. Cela dit, comment décrypter le retour au pouvoir d’Abdallah Hambok ? Peut-il être perçu comme un repli tactique des généraux ou une capitulation pure et simple de leur part ? L’on peut objectivement valider la première hypothèse, c’est-à-dire celle d’un repli tactique des généraux putschistes. Et les raisons en sont les suivantes. La première est liée au fait que le peuple soudanais est vent debout contre le putsch. Et cela est une constante depuis le 25 octobre, date à laquelle les généraux félons, regroupés autour du général Burhane, ont décidé de braquer la révolution soudanaise. Et malgré la répression sanglante que leur ont opposée les généraux, les manifestants pro-démocratie sont restés dans leur logique de contestation. D’ailleurs, cette logique a été maintenue hier dimanche 21 novembre, malgré l’accord conclu pour le retour au pouvoir d’Abdallah Hamdok. Cette mobilisation populaire permanente contre le coup de force, a certainement été déterminante dans le fléchissement du général Burhane. L’autre raison qui peut expliquer que les généraux ont opté pour le retour au pouvoir de Hambok, est liée à la pression internationale qui s’est abattue sur les putschistes depuis le 25 octobre dernier. En effet, depuis cette date, toute la communauté internationale a dit toute son opposition au coup de force. Et l’effet immédiat de cela a été la suspension de l’importante et vitale aide promise au Soudan par la Banque mondiale. Il est bon aussi de rappeler que des pays occidentaux qui étaient partants pour soutenir la transition vers la démocratie au Soudan, ont révisé leur position après le coup de force.
On peut se demander de quelle marge de manœuvre disposera le PM
Les Etats-Unis en font partie. Par ces temps de vaches maigres pour le Soudan, la junte ne pouvait pas prendre le risque d’en rajouter en crachant sur la manne promise par l’Oncle Sam. Ces deux principales raisons pourraient expliquer le fléchissement de la position des généraux au pouvoir à Khartoum. Donc, cela n’est nullement une capitulation de leur part. En effet, le général al Burhane et les autres membres de la junte qui ont mis fin par la force à la Transition politique, le 25 octobre dernier, n’ont jamais caché leur dédain pour la démocratie. Et c’est cette posture qui leur avait valu d’être considérés comme les piliers sur lesquels a reposé la dictature de leur ancien mentor, Omar El Béchir. Et s’ils sont venus en soutien à la révolution de 2019, qui a eu raison de ce dernier, c’était pour contrôler la révolution de l’intérieur de sorte à ce qu’elle ne se donne pas la liberté de faire non seulement le procès de Béchir, mais aussi celui de tout son système. Cette éventualité, de toute évidence, a fait peur aux anciens collaborateurs du dictateur déchu. Et si aujourd’hui, ils semblent aller dans le sens de la démocratie, l’on peut affirmer sans grand risque de se tromper, que c’est à leur corps défendant. Dès que l’occasion leur sera donnée de porter un nouveau coup de poignard à la Transition politique, ils n’hésiteront pas. Car, ils demeurent des partisans de l’arbitraire et de la violence. C’est pourquoi l’on peut comprendre que les militants pro-démocratie n’accordent aucune confiance aux généraux. Et ils ont encore battu le macadam le dimanche 21 novembre pour le signifier malgré la levée de l’assignation à résidence de Hamdok. D’ailleurs, l’on peut se demander de quelle marge de manœuvre disposera ce dernier devant le général al Burhane, au sein du gouvernement. L’autre question est de savoir quel sort cet attelage forcé va réserver à ceux qui ont donné l’ordre de tirer à balles réelles sur les manifestants pro-démocratie, tels des lapins. En tout cas, le Premier ministre, Abdallah Hamdok, a le devoir moral et politique de leur rendre justice même si cela peut lui valoir de retourner encore en prison.
« Le Pays »