TOURNEE D’UNE DELEGATION MALIENNE EN GUINEE, MAURITANIE ET ALGERIE: L’avenir du Mali peut-il se jouer en dehors de la communauté ouest-africaine ?
Après les lourdes sanctions de la CEDEAO, la junte militaire refuse de se laisser faire. En effet, Assimi Goita et ses soutiens tentent de briser l’isolement diplomatique et économique dont ils sont victimes. C’est, en tout cas, ce que laisse comprendre l’importante délégation ministérielle malienne qui fait la ronde des seules capitales de la région dont les portes leur restent ouvertes : Conakry, Nouakchott et Alger. En effet, point n’est besoin d’être rompu à l’art de la divination pour comprendre ce qui fait courir les autorités de la Transition qui semblent résolues à tenir tête à l’organisation sous-régionale. Elles veulent à tout prix éviter l’asphyxie économique du Mali, qui pourrait être le détonateur d’une crise sociale qui ne manquerait pas de les emporter. La question que l’on peut se poser est cependant la suivante : Assimi Goita et ses compagnons frappent-ils aux bonnes portes ?
Rien n’est moins sûr. L’on sait que l’infrastructure portuaire de la Guinée n’a pas l’étoffe assez large pour satisfaire les besoins d’approvisionnement du grand Mali. Pire, la Guinée elle-même n’est pas à l’abri de probables et futures sanctions de la CEDEAO. Et quand on connait la santé économique du pays de Sékou Touré qui souffre terriblement de l’inflation liée à sa monnaie, il est évident que le partenariat envisagé entre les deux frères pestiférés de l’organisation communautaire ne peut produire les effets escomptés. A moins que le séjour de la délégation malienne chez Doumbouya, n’ait pour objectif inavoué de créer un axe Bamako-Conakry à l’effet de mieux se consoler. Quant à la Mauritanie et à l’Algérie, l’on sait de par le gigantisme des frontières, que les distances qui les séparent de Bamako sont très grandes et parsemées d’embûches.
L’option la plus raisonnable pour le pouvoir de Bamako, est de revoir son calendrier pour ouvrir des débats francs avec la CEDEAO
En effet, on se demande comment les convois de marchandises pourraient échapper aux attaques des groupes armés du Nord et particulièrement de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) qui ne cache pas son hostilité vis-à-vis de Bamako. C’est donc un pari particulièrement difficile à tenir que de croire que l’on peut créer un corridor sécurisé dans le septentrion malien, pour approvisionner Bamako. Et à supposer que par extraordinaire, des marchandises finissent par atteindre les débouchés d’écoulement, elles devraient coûter la tête des yeux en raison des surcoûts liés au transport, à la sécurisation et aux transactions financières pour des Etats qui n’utilisent pas la même monnaie.
En tout état de cause, tout ceci amène à se poser la question suivante : existe-t-il un avenir pour le Mali en dehors de la CEDEAO ? Tous les analystes économiques pensent que l’avenir du Mali reste dans la communauté ouest-africaine qui reste, malgré les difficultés que l’on connait, un ensemble économique bien intégré avec de nombreux critères de convergence. Et si tel est le cas, l’autre question sous-jacente est la suivante : les Maliens méritent-ils toutes ces sanctions à cause de l’attachement au pouvoir d’un seul homme ? Au-delà de toutes les passions que déchaîne la question malienne, l’option la plus raisonnable pour le pouvoir de Bamako, est de revoir son calendrier pour ouvrir des débats francs avec la CEDEAO sur l’organisation des élections pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel normal. Tout le reste n’est qu’agitation stérile, vanité et manipulation qui n’auront pour effet que de complexifier davantage l’équation malienne. Les foules que l’on mobilise ne peuvent aucunement altérer cette vérité tout comme d’ailleurs l’on ne saurait chercher la vérité dans une fourmilière. Comme le dit Jacques Nanema, « le fait d’être nombreux à défendre une cause, ne rend pas cette cause nécessairement juste. Cela s’appelle simplement du grégarisme dans le mauvais sens du terme, autrement dit, un attroupement servile de gens aveuglés soit par une idéologie médiocre, soit par instinct de conservation d’une communauté se sentant ou se croyant en danger de mort. Beaucoup de gens se proclament antidémocrates en cherchant à fonder la valeur de leur cause sur leur nombre (…) L’histoire montre dans ses vicissitudes, des peuples entiers aveuglés et se perdant comme un troupeau de gnous dans les eaux furieuses infestées de sauriens ».
Saho