ASSEMBLEES GENERALES DE LA BAD : Et quid de la sécurité ?
Il s’est ouvert, le 24 mai dernier, dans la capitale ghanéenne, les Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD). Cet évènement majeur dans la vie de cette importante institution financière au cœur du développement en Afrique, draine au pays de Kwame N’Krumah, quelque 3 000 délégués composés de dirigeants et actionnaires de la Banque venus pour non seulement faire le point de la santé de leur institution et récolter les dividendes qui vont de pair avec, mais aussi pour discuter de questions économiques africaines. Le thème retenu, cette année, au menu du raout des grands argentiers du continent, est le suivant : « Favoriser la résilience climatique et une transition énergétique juste pour l’Afrique », thématique qui s’aligne sur les préparatifs de la COP27 prévue à Charm el-Cheikh, en Egypte, au mois de novembre. Ces Assemblées annuelles, au-delà de leur caractère administratif, revêtent un double intérêt pour toute l’Afrique en raison de leurs enjeux. Le premier intérêt réside dans le fait que la BAD constitue un important partenaire pour de nombreux projets de développement dans différents pays du continent.
La BAD constitue la sève nourricière qui irrigue toute l’économie africaine
En effet, l’institution créée en 1963 à Khartoum au Soudan, avec pour but de contribuer au développement économique et au progrès social des pays africains, individuellement et collectivement, et dont le siège est à Abidjan en Côte d’Ivoire, finance de nombreux projets, programmes et études dans les secteurs de l’agriculture, de la santé, de l’éducation, des équipements collectifs, des transports et télécommunications, de l’industrie et du secteur privé. Le Groupe de la BAD s’est également engagé dans le financement d’opérations hors projets dont les prêts d’ajustement structurel, les prêts de réformes institutionnelles et différentes formes d’assistance technique et de conseil en matière de politique. Il soutient d’ambitieuses initiatives telles que le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) dont il est le chef de file des partenaires financiers et intervient dans les secteurs sociaux comme l’eau et le VIH/Sida. Le Groupe participe également à d’importantes initiatives de réduction de la dette. D’un montant de 5,6 milliards de dollars, l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), vise ainsi à ramener la dette des 33 pays éligibles à des niveaux soutenables. Le Groupe de la BAD a également effacé en 2006 pour près de 9 milliards de dettes en faveur de ces pays, de manière à les aider à atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement. C’est donc dire que la BAD constitue la sève nourricière qui irrigue toute l’économie africaine et l’on peut comprendre que les Assemblées annuelles cristallisent les attentions de nombreux Africains. Mais ce qui fait aussi l’intérêt de cette importante rencontre, c’est l’actualité du thème qui servira de plat de résistance aux échanges. En effet, s’il y a bien une actualité urgente aujourd’hui à l’échelle de la planète, c’est bien la question du changement climatique avec ce que cela comporte non seulement comme impact sur le développement du continent africain, mais aussi comme nouvelles opportunités économiques, notamment la promotion des énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien dont le continent dispose d’un important potentiel.
Il est impératif que la BAD cogite sur le financement de la lutte contre l’insécurité
En s’intéressant à cette question, la BAD se positionne comme un acteur du futur. Liée à la question du changement climatique, il y a cette autre actualité brûlante qu’est la famine qui menace de larges franges des populations africaines. En attendant l’issue des échanges, l’on peut déjà se féliciter de l’importante décision prise par le Conseil d’administration de la BAD qui a approuvé une facilité de 1,5 milliard de dollars. Cette initiative doit bénéficier à 20 millions d’agriculteurs africains qui recevront notamment des semences. L’objectif est de produire rapidement 38 millions de tonnes de denrées alimentaires. Si l’on ne peut nullement remettre en cause l’intérêt de ces Assemblées annuelles pour le continent, l’on peut tout de même s’offusquer du fait qu’il ne figure pas dans leur agenda officiel, la question de l’insécurité. L’on peut d’autant plus être intrigué que la guerre en Ukraine qui parait assez lointaine géographiquement, est inscrite à l’ordre du jour, au grand dam de la guerre permanente qui secoue aujourd’hui les pays du Sahel au point de déstabiliser des Etats démocratiques membres de la BAD. La problématique de l’insécurité est si importante et si urgente qu’elle pourrait supplanter tous les autres dossiers à l’ordre du jour en raison du simple fait qu’elle conditionne toutes les activités de production économique. Et cela est particulièrement vrai pour les pays en proie au terrorisme comme ceux de la bande sahélo-saharienne où les groupes armés empêchent les activités agricoles et saccagent les infrastructures de communication. Il est impératif que la BAD cogite sur le financement de la lutte contre l’insécurité si elle ne veut pas que ses investissements soient vains. L’autre inquiétude que l’on peut avoir est en lien avec l’impact réel de l’initiative en faveur des agriculteurs, sur la production agricole. L’on sait que les partenaires financiers injectent des sommes colossales dans l’agriculture, mais il existe d’énormes goulots d’étranglement qui font que ces investissements ne parviennent pas aux petits fermiers des entreprises familiales qui constituent pourtant près de 80% de la population active. Il faut donc, en plus des grandes annonces, mettre en place des mécanismes qui permettent aux acteurs réels de l’agriculture en Afrique, de bénéficier des financements et de booster leur production céréalière.
« Le Pays »