SUSPENSION DE L’EXTRADITION DU FRERE CADET DE BLAISE COMPAORE : François Compaoré sera-t-il le grand gagnant de la brouille diplomatique entre Ouaga et Paris ?
François Compaoré, frère cadet de l’ex-président burkinabè, Blaise Compaoré, peut désormais sauter le champagne. En effet, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) vient de rejeter la procédure de son extradition de la France vers le Burkina Faso pour être jugé dans l’affaire de l’assassinat de Norbert Zongo, du nom de ce célèbre journaliste tué le 13 décembre 1998 dans des circonstances encore troubles. Selon la CEDH, François Compaoré « ne devrait pas être extradé vers le Burkina Faso pendant la durée de la procédure », estimant que les mesures provisoires « ne s’appliquent que lorsqu’il y a un risque imminent de dommage irréparable ». C’est donc clair. Ce n’est pas demain la veille qu’il faudra espérer voir François Compaoré, poings liés, remis aux autorités burkinabè et cela en dépit des efforts consentis par ces dernières qui, on s’en souvient, avaient fait un clin d’œil à la Justice française en expurgeant la peine de mort de notre corpus pénal. C’est ce qui explique que les juridictions françaises, les unes après les autres, avaient validé l’extradition de celui-là que l’on appelait, au faîte de sa gloire, le « petit président », favorisant ainsi la prise par Edouard Philippe, le Premier ministre d’alors, d’un décret allant dans ce sens. Mais comme un naufragé qui s’accroche à tout, François Compaoré, au motif qu’il serait exposé à des « traitements inhumains et dégradants » s’il est extradé au Burkina, n’avait pas hésité à saisir la CEDH qui semble le lui rendre bien.
Paris pourrait saisir cette occasion pour prendre sa revanche sur Ouagadougou
Pour autant, il devrait se garder de tout triomphalisme puisque la CEDH demande à Paris de donner des garanties sur le respect de son intégrité physique et morale au cas où il est extradé au Burkina. Paris réussira-t-elle à convaincre la juridiction européenne basée à Strasbourg ? Pas si sûr d’autant que les relations entre Ouagadougou et Paris ne sont plus au beau fixe et cela, depuis les départs, dans les conditions que l’on sait, de l’ambassadeur français Luc Hallade et de la force Sabre du Burkina. S’en est suivie une série de dénonciations d’accords liant le Burkina à l’ex-puissance coloniale. Alors, que va-t-il se passer ? Paris va-t-elle chercher à rentrer dans les bonnes grâces des autorités de la transition burkinabè en travaillant à rassurer la CEDH pour favoriser l’extradition de François Compaoré ? Ou va-t-elle laisser faire pour rendre improbable cette extradition? On attend de voir. Toujours est-il que Paris pourrait saisir cette occasion pour prendre sa revanche sur Ouagadougou qui, naguère, semble avoir enfoncé le clou en soutenant ouvertement les putschistes de Niamey que la France ne veut pas voir, même en peinture. En tout cas, s’il y a bien quelqu’un qui pourrait tirer profit de la brouille diplomatique entre Paris et Ouaga, c’est bien François Compaoré qui donnerait tout l’or du monde pour ne pas être livré aux autorités burkinabè. A cela s’ajoutent les changements anti-constitutionnels intervenus dans le pays sur fond de crise sécuritaire, qui peuvent plaider en sa faveur au grand dam des mouvements de défense des droits humains.
B.O