ADIEUX DE LA NATION IVOIRIENNE A DJ ARAFAT : Des obsèques sur fond de récupération politique
Décédé accidentellement le 12 août dernier, c’est ce 31 août 2019 que la star ivoirienne du « coupé-décalé », DJ Arafat, Ange Didier Houon à l’état civil, sera porté en terre dans la capitale économique ivoirienne, après un hommage national qui commence ce 30 août.
150 000 millions de F CFA débloqués par l’Etat ivoirien en plus d’une aide logistique, impressionnant dispositif sécuritaire, veillée artistique au Stade Félix Houphouet Boigny avec le gratin de la musique ivoirienne aux côtés duquel sont annoncées de grosses pointures de la musique africaine tels Davido, Fally Ipupa ou encore Koffi Olomidé, retransmission en direct sur les chaînes de la télévision nationale et sur des écrans-géants dans plusieurs quartiers de la ville d’Abidjan où les sapeurs-pompiers seront en alerte maximale pour parer à toute éventualité, procession funèbre le lendemain sur une dizaine de kilomètres pour accompagner le Daïshikan à sa dernière demeure, un caveau d’une vingtaine de millions de F CFA prévu pour être un lieu de pèlerinage pour ses nombreux fans.
Même dans la mort, la magie de DJ Arafat continue d’opérer
Tel se présente le programme XXL des obsèques du roi du « coupé-décalé » à qui la nation ivoirienne s’apprête à rendre hommage, au cours d’une cérémonie de deux jours digne de funérailles d’un roi ou d’un chef d’Etat. Ce, avec l’Etat ivoirien en chef d’orchestre. Pour sûr, cette grandiose cérémonie d’adieu, pour inoubliable qu’elle se veuille, restera longtemps gravée dans les mémoires. Mais elle suscite aussi la polémique au point que certains y voient de la récupération politique et se demandent si l’Etat n’en fait pas un peu trop en s’investissant de la sorte pour la star du « coupé-décalé », là où des personnalités intellectuelles, politiques, sportives ou même artistiques qui ne se sont pas moins distinguées, de leur vivant, en dignes ambassadeurs de la Nation, n’ont pas eu droit à de tels honneurs post-mortem. Et ce n’est pas tout, puisque l’on parle aussi de baptiser une rue à son nom et d’ériger un musée en sa mémoire.
C’est pourquoi l’on est porté à croire que depuis la mort de DJ Arafat, les « Chinois » ont pris le pouvoir à Abidjan au point de réussir à faire porter le deuil de leur icône, à la Nation tout entière. Car, à l’origine, c’est bien d’eux qu’émane en premier l’idée d’un hommage au stade Félix Houphouët et tout porte à croire que face à l’émotion collective, le politique a su s’engouffrer dans la brèche pour répondre à l’appel du pied des nombreux fans de l’artiste. C’est de bonne guerre. Car, pour son art, DJ Arafat est un nom qui mobilise.
Et cela peut servir. Ce n’est pas pour rien qu’il était le leader de la « Chine populaire ». C’est parce que des fans, il en comptait par milliers et dans toutes les couches sociales. Certaines sources le donnent même pour la troisième star la plus adulée en Côte d’Ivoire après Didier Drogba et Alpha Blondy. Quoi qu’il en soit, il n’y a qu’à voir l’affluence des hommages au-delà même de la Côte d’Ivoire et les personnalités qui ont accouru au chevet de la famille du disparu, pour se convaincre de la dimension de son aura.
C’est dire que DJ Arafat aura droit à des funérailles à la hauteur de sa renommée. Et ceux qui doutaient encore de sa popularité, auront l’occasion d’être édifiés. Car, même dans la mort, la magie de DJ Arafat continue d’opérer.
DJ Arafat a réussi sa mort comme il aura réussi sa vie
Toutefois, il y a quelque chose de malsain dans certaines choses qui se disent ou se voient sur les réseaux sociaux au point que l’on en vient à se demander si la douleur de la famille est vraiment respectée. En effet, quel message veut-on envoyer à des enfants qui ont perdu leurs proches dans un accident de moto, quand après l’accident du roi du « coupé-décalé », un spectacle est organisé pour faire l’apologie de l’acrobatie, en jetant dans la rue des jeunes pour des séances de voltiges sur motos ? Que vise-t-on en balançant sur les réseaux sociaux, de prétendues images de la dépouille du défunt ou en répandant de fausses rumeurs sur sa disparition ? Que gagne-t-on à régler ses comptes avec un cadavre en voulant refuser le droit à certaines personnes de porter le deuil du défunt au prétexte que ces dernières n’ont jamais voulu de son bien, de son vivant ? C’est à se demander si DJ Arafat n’est pas finalement un cadavre exquis pour certaines personnes. C’est pourquoi l’on est porté à croire que dans tout ce qui se fait actuellement, il y a une part d’hypocrisie qui ne dit pas son nom. D’autant que la morale, en Afrique, veut qu’on n’accable pas les morts.
Mais s’il est humainement compréhensible de vouloir magnifier le disparu, ce serait faire du tort à l’histoire que de vouloir cacher le côté obscur de la star. Car, si de la rue, DJ Arafat a eu le mérite d’avoir pu se hisser au sommet de la pyramide sociale, au-delà de l’Arafatmania qui s’est logiquement emparée de ses fans, il convient de rappeler que Yôrôbô était loin d’être un exemple dans la vie courante. Et au-delà de sa musique, c’est ce côté bad boy qui rebutait certains. C’est aussi cela, les leçons à tirer de cette perte cruelle.
En tout état de cause, avec cet hommage national, on peut dire que DJ Arafat a réussi sa mort comme il aura réussi sa vie, entouré d’une armée d’admirateurs. On ne peut pas espérer mieux sur terre. Repose en paix, l’artiste !
« Le Pays »