ARRESTATIONS D’OPPOSANTS AU TOGO
Amnesty International tombe à bras raccourcis sur la gouvernance politique au Togo. L’ONG vient, en effet, d’établir un lien étroit entre les arrestations d’opposants togolais et leur récent appel à protester contre les résultats de la présidentielle de février dernier, qui a vu la reconduction pour un 4e mandat à la tête de l’Etat, de Faure Gnassingbé. L’Organisation n’y voit ni plus ni moins qu’une « nouvelle illustration des autorités de vouloir réduire au silence, l’opposition et les voix dissidentes ». Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, la Coordonnatrice de la Dynamique Mgr Kpodzro (DMK), ne dira pas le contraire ; elle qui, au moment où nous tracions ces lignes, était toujours en garde à vue au service central des renseignements et d’investigations criminelles. A cette ancienne porte-parole du candidat malheureux à la dernière présidentielle, Agbéyomé Kodjo, arrêtée à son domicile le 28 novembre dernier, et aux autres détenus politiques, il a été notifié les chefs d’accusations suivants : groupements de malfaiteurs et atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat. Traqués parce qu’ils renâclent toujours à reconnaitre la victoire du président Faure Gnassingé, les membres de la DMK en délicatesse avec la loi, doivent aussi leurs malheurs (perquisitions et gardes à vue) au fait d’avoir protesté contre le « harcèlement judiciaire à l’encontre de certains membres de l’opposition ». Dans un Etat qui se réclame de droit, de telles interpellations sont évidemment inacceptables. Elles heurtent frontalement les principes fondamentaux de la démocratie que sont la liberté d’expression et celle de manifestation. Mais il faut bien se rendre à l’évidence ; tous ces faits attentatoires aux libertés individuelles et collectives, se passent au Togo, connu pour être l’un des gros trous noirs de la démocratie en Afrique de l’Ouest. Autant dire que ces privations de liberté et les brutalités dont continuent d’être injustement victimes les opposants politiques togolais, relèvent quasiment du fait divers au Togo. Un non-événement, s’il en est.
Le Togo ne mérite pas le label « démocratie
Tant et si bien qu’il ne se trouverait plus encore grand-monde pour s’émouvoir de la gouvernance erratique du régime, en matière de démocratie et respect des droits de l’Homme. Tout se passe à présent comme si l’on avait achevé de désespérer du Togo. Mais à qui la faute si cet petit Etat d’une superficie d’à peine 57 mille km2, continue à ramer à contre-courant des valeurs cardinales de la démocratie ? D’abord, au peuple togolais qui donne à ce jour, l’impression d’avoir abdiqué face à la dynastie Gnassingbé. Dans un tel cas de figure, que peut une opposition, aussi teigneuse et déterminée soit-elle ? Comme le dit l’adage, « on ne peut pas vouloir aller au paradis sans mourir ». Or, c’est ce sacrifice suprême que ne semblent pas prêts à consentir les Togolais qui aspirent et crient au changement. Dieu seul sait pourtant le travail titanesque qu’il faudra mener pour parvenir à déboulonner un pouvoir aux racines profondément enfouies depuis des décennies. Ensuite, aux opposants togolais qui n’ont pas toujours brillé par leur clarté ni leur constance et qui ont très souvent péché par manque de stratégie adéquate. Ces hommes politiques ont certainement commis bien des erreurs et il est clair qu’après les avoir enchaînées, ils ont fini par se décrédibiliser aux yeux de larges secteurs de l’opinion togolaise. En tout cas, cette opposition aurait des raisons de perdre espoir aujourd’hui ; elle qui n’a pas pu venir à bout de la longévité au pouvoir des Gnassingbé à l’époque où elle soulevait pourtant des foules immenses hostiles à la patrimoinisation du pouvoir togolais. Au moment où ce pouvoir ne tenait plus qu’à un fil, cette opposition a manqué de lui porter le coup de grâce. Une occasion manquée, qui aura permis à l’establishment de reprendre du poil de la bête et de tirer les leçons du passé pour mieux se prémunir contre toutes nouvelles bourrasques. Toute initiative de l’opposition tendant à remettre en cause ce pouvoir sera toujours combattue par tous les moyens et tuée ainsi dans l’œuf. Et en cela, Faure Gnassingbé peut toujours compter sur une Justice aux ordres et une armée totalement acquise à sa cause. C’est dire si à l’étape où l’on en est, il est difficile d’’ébranler le système Gnassingbé. Et ce ne sont pas les appels d’un opposant contraint à l’exil, en l’occurrence Agbéyomé Kodjo, qui devraient pouvoir sonner le rassemblement des Togolais qui ont sans doute aujourd’hui la tête à autre chose. Il faut donc craindre qu’à la longue, la contestation ne s’essouffle. En tout état de cause, le Togo ne mérite pas le label « démocratie ». Il réunit plutôt tous les attributs d’une monarchie, tant tout semble concourir au règne ad vitam aetarnam de l’homme fort de Lomé.
« Le Pays »