ATTAQUE D’UNE POUDRIERE EN SIERRA LEONE : Eviter à tout prix la chasse aux sorcières
Au petit matin du 26 novembre, des affrontements ont secoué la capitale sierra-léonaise où des individus armés non encore identifiés, ont tenté de forcer l’armurerie de Wilberforce, du nom de cette caserne militaire située en plein cœur de Freetown. Les autorités présentent les événements comme une « tentative visant à saper la paix et la stabilité du pays ». Mais la situation est sous contrôle, a rassuré le président Julius Maada Bio dans la soirée du 26 novembre dans son adresse à la Nation.Sans fournir de précision ni sur les auteurs de l’attaque ni sur leurs motivations. En tout cas, le mode opératoire des assaillants laisse penser à une tentative de coup d’Etat, surtout dans une Afrique de l’Ouest où depuis 2020, l’on assiste à des changements de régimes par les armes, notamment dans des pays comme le Mali, la Guinée Conakry, le Burkina Faso, et récemment le Niger, sans oublier le coup de force en Guinée-Bissau, qui s’est soldé par un échec.
Cela dit, on comprend aisément la promptitude avec laquelle la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a réagi en apportant son soutien aux autorités sierra-léonaises. Dans la foulée, le président Julius Maada Bio a déclaré que la plupart des assaillants avaient été arrêtés. Il promet qu’ils rendront des comptes.
Tout en saluant une telle action, on redoute cependant, en ce moment, une purge au sein de l’armée. Toute chose qui pourrait être préjudiciable à l’avenir de la Sierra Leone.
Le pouvoir sierra-léonais gagnerait à jouer la carte de l’apaisement
Ce pays pauvre de l’Afrique de l’Ouest confronté aujourd’hui à une crise économique, n’a pas besoin d’une autre crise ; lui qui sort à peine d’une décennie de guerre civile.
Cela dit, l’attaque de dimanche, il faut le rappeler, intervient quelques mois seulement après la présidentielle remportée par Julius Maada Bio. Quand bien même le gouvernement et la principale formation politique d’opposition, le Parti du congrès de tout le peuple (APC) sont parvenus à un accord en octobre dernier, sous la médiation du Commonwealth, de l’Union africaine et de la CEDEAO, l’atmosphère reste toujours très tendue. On se rappelle, du reste, qu’avant les élections, le président qui a été réélu pour un second mandat, a dû faire face à des velléités de coup d’Etat. De là à y voir une machination politique, c’est un pas que d’aucuns ont vite fait de franchir. D’autres vont même plus loin en se demandant si cette attaque n’a pas été fomentée par le pouvoir dans le but de se débarrasser de certains opposants gênants. Ce n’est pas impossible d’autant que l’on est en plein milieu politique et surtout en Afrique, où on n’hésite pas à fabriquer des charges contre des opposants, dans le but de les jeter en prison.
En tout cas, pour le cas d’espèce, le pouvoir sierra-léonais gagnerait à jouer la carte de l’apaisement. Car, la situation actuelle, si elle est mal gérée, pourrait renforcer la fracture au sein d’une société déjà fragilisée par des années de guerre.
Edoé MENSAH-DOMKPIN