CAMPAGNE POUR LES LEGISLATIVES AU SENEGAL : L’enjeu ne doit pas tuer le jeu démocratique
A moins d’un mois des élections législatives anticipées prévues pour le 17 novembre prochain, les différents partis politiques se mettent en ordre de bataille avec pour objectif principal la mobilisation de leurs militants et sympathisants pour le top départ de la campagne qui a débuté officiellement le 27 octobre dernier. C’est, par exemple, le cas du parti présidentiel, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), qui a organisé, le 19 octobre, un grand meeting à la Dakar Arena. Les autres partis souvent réunis dans des coalitions ne sont pas en reste ; tant ils rivalisent à travers des conférences de presse. C’est dire si la scène politique sénégalaise est déjà en pleine ébullition avec des promesses d’étincelles. Si cette situation peut paraitre normale à l’avant-veille de toute compétition électorale, l’enjeu particulier des prochaines élections législatives est sans nul doute la cause principale de la veillée d’armes que l’on observe dans les états-majors des différentes formations politiques.
Pour remporter le match, chacune des parties, tente de rallier à sa cause le maximum de partisans
En effet, l’enjeu de ces législatives qui intervient suite à la dissolution de l’Assemblée nationale qui avait déposé une motion de destitution contre le Premier ministre, Ousmane Sonko, est bien connu. Pour le parti présidentiel, il s’agit de s’assurer une majorité confortable pour pouvoir gouverner plus librement. Pour l’opposition, l’ambition est de contrôler à tout prix le parlement au travers duquel elle entend contrôler l’action de l’Exécutif. A défaut, elle veut contraindre le PASTEF à un partage du pouvoir à travers une cohabitation. Mais au-delà de ces ambitions entièrement politiques, il se joue derrière ces législatives, des destins personnels avec en toile de fond, des règlements de comptes politiques. Pour le duo Ousmane Sonko-Diomaye Faye, il s’agit de faire rendre gorge à l’ancien chef de l’Etat, Macky Sall, qui lui a rendu la vie dure. L’on se souvient encore des déboires politico-judiciaires des leaders du parti présidentiel avec en prime la prison et la répression qui s’est abattue sur les manifestants qui étaient acquis à leur cause. Pour l’ex-président, Macky Sall, qui n’a certainement pas encore digéré d’avoir été éconduit et de façon fort humiliante, du palais présidentiel et cela après avoir vainement tenté de s’octroyer un bonus à la tête de l’Etat, il s’agit d’abord de se mettre à l’abri de tout tracas judiciaire. Même s’il bénéficie de l’amnistie qu’il a fait voter en fin de mandat, la meilleure garantie face à ses adversaires politiques, reste un rapport de forces politiques qui lui est favorable.
Cela dit, pour remporter le match, chacune des parties tente de rallier à sa cause le maximum de partisans, entrainant au passage une recomposition du paysage politique sénégalais. Si le Premier ministre, Ousmane Sonko, qui dirige la liste du PASTEF, n’a recouru à aucune alliance avec d’autres partis pour son objectif visé de 54% des suffrages exprimés dès le premier tour, Macky Sall est, quant à lui, à la tête d’une coalition, le Takku Wallu Sénégal (TWS) où il s’est ligué avec le Parti démocratique sénégalais (PDS) de son prédécesseur à la tête de l’Etat, Abdoulaye Wade.
Au-delà des calculs politiques, le pouvoir sénégalais doit se faire le devoir d’accompagner ces migrants de retour au bercail
Mais au-delà des moyens politiques que les uns et les autres réunissent, il faut surtout craindre, au regard de l’atmosphère politique actuelle au pays de la Teranga, le recours à d’autres types de moyens, notamment la violence et autres coups en dessous de la ceinture et cela, au risque de ternir la belle image de la démocratie sénégalaise. Il faut, en raison de ces risques de dérapage, trouver donc les moyens d’aller à une élection apaisée. Et même si la démocratie sénégalaise reste un phare pour le continent africain, elle peut toujours se parfaire en s’inspirant des bonnes expériences réussies ailleurs, notamment la signature d’un Code de bonne conduite qui engage les différentes parties à adopter des comportements qui respectent l’éthique. Dans tous les cas, l’enjeu ne doit pas tuer le jeu démocratique.
Et c’est dans cette ambiance surchauffée de pré-campagne, que le chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, a accueilli, le 19 octobre, les 117 Sénégalais rapatriés du Liban. Ce retour au bercail décidé par le gouvernement et opéré sur la base de la volonté des migrants, est intervenu suite au décès, le 6 octobre dernier, d’une Sénégalaise dans les bombardements israéliens au pays du Cèdre où vit une communauté sénégalaise forte de plus d’un millier de personnes et suite à l’appel de l’Organisation non gouvernementale (ONG) Action pour les droits humains et l’amitié, à rapatrier en urgence les membres de cette importante diaspora. Sans nul doute que dans ce contexte de campagne, le président Bassirou Diomaye Faye, qui a joué à fond, dans ce dossier, son rôle constitutionnel de protecteur et défenseur de tous les Sénégalais où qu’ils soient, ne manquera pas d’en tirer des dividendes politiques, dans le duel qui l’oppose à son challenger Macky Sall. Mais au-delà de ces inévitables calculs politiques, le pouvoir sénégalais doit surtout se faire le devoir d’accompagner ces migrants de retour au bercail dans des conditions que l’on imagine aisément très peu enviables, à se réinstaller et à se réinsérer dans la société.
« Le Pays »